- L’allongement des délais de paiement est un obstacle de taille pour la reconstitution de la trésorerie des entreprises
- La loi est clairement inefficace et incomplète
«Quand l’entreprise est dans une logique de survie, il est difficile pour le patron d’envisager l’avenir avec sérénité, en investissant par exemple». Cette assertion de Ahmed Elazraq, Directeur général de GTEL, en dit long sur la forte pression qui s’exerce sur la trésorerie des petites entreprises et celles de taille intermédiaire.
Au cours de ces dernières années, l’allongement continu des délais de paiement tel que confirmé par Coface et Inforisk constitue l’une des causes principales des difficultés de trésorerie éprouvées par les TPE et PME. D’ailleurs, Ahmed Rahhou, PDG de CIH Bank, a tiré la sonnette d’alarme sur ce péril qui guette l’économie et la finance (www.fnh.ma).
Dans le même ordre d’idées, à en croire un directeur d’agence bancaire de la capitale économique qui a souhaité gardé l’anonymat, l’autre élément de nature à corser la reconstitution de la trésorerie des PME, est le prélèvement des impôts et taxes ainsi que le versement des salaires en même temps, notamment à la fin du mois. Notons tout de même que le prélèvement automatique du paiement des cotisations sociales n’est pas encore généralisé.
«Au regard de la conjoncture, rares sont les entreprises qui peuvent s’affranchir des crédits de trésorerie et des comptes débiteurs (facilité de caisse, découvert bancaire, etc.)», assure notre interlocuteur qui décrit la réalité du marché : «Pour garder ses clients, l’entreprise est obligée de faire des concessions sur les délais de paiement, tout en exigeant de même pour les fournisseurs. En conséquence, les facilités de caisse permettent de faire face au décalage de paiement», explique le banquier.
En définitive, en dépit de la mise en place de la loi sur les délais de paiement censée juguler les problèmes susmentionnés, force est d’admettre que la réalité du marché dicte sa propre loi, avec de lourdes conséquences (recul des crédits à court terme, hausse des défaillances d’entreprises). A titre illustratif, entre fin janvier 2017 et la même période de cette année, l’encours des crédits à court terme s’est contracté de 1,3%. ■
Paroles de pro : Aziz Qadiri, administrateur indépendant d’entreprise et ancien président du Réseau entreprendre Maroc
«La trésorerie des entreprises, notamment celle des TPE et PME, continue de faire les frais des délais de paiement qui s’allongent en dépit de la mise en place de la loi. Pour rappel, ce dispositif avait suscité beaucoup d’engouement auprès du milieu entrepreneurial. Aujourd’hui, au regard de la situation qui prévaut, cette mesure juridique n’a pas servi à grand-chose.
En termes de paiement, les mêmes pratiques perdurent, ce qui pousse à dire que la loi est clairement inefficace et incomplète. S’il s’avère que certains chefs d’entreprise prennent des crédits d’investissement à long terme pour assurer le quotidien (paiement des salaires, des impôts et règlement des cotisations sociales, etc.), c’est dire la gravité de la situation. Pire encore, ces chefs d’entreprise risquent de perdre leur crédibilité et se mettent dans une posture inconfortable, car les banques pourraient par la suite leur refuser un crédit d’investissement au moment où le besoin d’investir se fait réellement sentir». ■
Par M. Diao