Fouad Benseddik : «La RSE permet de protéger et d’accroître les actifs stratégiques»

Fouad Benssedik : «La RSE permet de protéger et d’accroître les actifs stratégiques»

Fouad Benseddik a été membre fondateur et directeur des méthodes de l’agence internationale Vigeo Eiris, spécialisée dans la notation des risques de responsabilité sociale. Vigeo Eiris a été rachetée par l’agence Moody’s en avril 2019. Depuis février 2020, Fouad Benseddik a ouvert à Paris une structure de consulting indépendante, FBS Consulting.


 

Quand elle est bien pensée, la RSE est un formidable levier d'anticipation et de réduction des risques, de résilience aux chocs de la conjoncture et un démultiplicateur des capacités de créer des richesses.

Au Maroc, beaucoup reste à faire pour ancrer la RSE au sein des entreprises. 

 

Propos recueillis par Momar Diao

 

Finances News Hebdo : Dans quelle mesure la RSE peut-elle améliorer la performance et la gouvernance dans l’entreprise ?

Fouad Benseddik : Il faut d’abord rappeler que la responsabilité sociale ce n’est pas la charité même si, par ailleurs, la générosité est un bien en soi. La responsabilité sociale, dans sa conception positive, consiste à prendre activement en compte les attentes, les intérêts légitimes et les droits, à commencer par les droits humains fondamentaux, des individus, des groupes, et des localités qui peuvent être affectés par les activités ou les produits de l’entreprise.

La RSE, quand elle s’exprime en termes d’engagements précis, rationnellement déployés et répondant objectivement aux besoins et aux droits réciproques de l’entreprise et de ses parties prenantes, est un formidable levier d'anticipation et de réduction des risques, de résilience aux chocs de la conjoncture et un démultiplicateur des capacités de créer et de redistribuer durablement des richesses.

Elle permet de protéger et d’accroître les actifs stratégiques -à la fois matériels et immatériels- tels que la cohésion du capital humain, les compétences et le capital intellectuel, la prévention et la résolution pacifique des conflits, l’attractivité et la réputation de la marque, la sécurité juridique et opérationnelle, et la limitation des coûts d’accès aux capitaux, aux crédits et aux assurances.

A l’inverse, le déni ou l’approche artificielle de la responsabilité sociale peut être dévastateur pour la crédibilité des entreprises et leurs équipes dirigeantes.

 

F.N.H. : Que pensez-vous du degré de maturité des entreprises marocaines en termes de RSE et du développement durable ?

F. B. : Plus de 90% des entreprises marocaines sont des TPE de moins de 10 salariés. Leur durabilité et leur croissance sont fragiles. Il est de la responsabilité de leurs donneurs d’ordre, les grandes entreprises locales et multinationales, ainsi que de la responsabilité des pouvoirs publics de leur donner de la visibilité, de la prévisibilité et de nouer avec elles des liens contractuels et des partenariats leur permettant de sortir en confiance de l’informel et de s’engager dans des trajectoires positives d’investissement, d’innovation et de création d’emplois.

Malheureusement, les procédures d’achat de la plupart des grandes entreprises publiques et privées ne favorisent pas les petites et les moyennes entreprises les plus responsables.

A part un petit groupe de leaders, les grandes firmes marocaines n’ont pas de véritable vision de responsabilité sociale et beaucoup parmi celles qui s’y étaient engagées ont limité leurs stratégies à des approches déclamatoires, sans réelle substance.

Le concept de responsabilité sociale avait été impulsé par le Roi Mohammed VI et son Premier ministre, Driss Jettou, en décembre 2005 à l’occasion des Intégrales de l’investissement. Il a été ensuite porté par la CGEM avec son label internationalement salué. Puis il a été relancé par le Roi en octobre dernier à l’adresse des banques pour qu’elles s’impliquent dans le financement de l’économie réelle.

Tout cela a donné au Maroc une formidable avance par rapport à la région africaine et arabe. Mais il y a besoin d’actes, d’extension des engagements, d’implication des secteurs et des régions. La Stratégie nationale de développement durable, aussitôt adoptée sur le papier, dans le sillage de la COP22, semble malheureusement avoir été oubliée.

 

F.N.H. : Quel regard portez-vous sur l'engagement de l'Etat pour la promotion des énergies renouvelables au Maroc ?

F. B. : Il est exemplaire. Le Maroc est l’un des rares pays à tenir ses promesses de transition énergétique et d’électricité propre. Le projet de parc photovoltaïque de Ouarzazate, exactement comme la réalisation du port de Tanger Med, fait partie de ces projets structurants issus de l’ambition visionnaire du Roi Mohammed VI.

La dynamique d’innovation et d’investissement impulsée sur le mode top-down fonctionne plutôt bien et c’est heureux. Par contre, encore peu d’espaces existent pour l’innovation et la finance verte, et pour l’impulsion des exigences de durabilité dans les secteurs vitaux comme les transports, les aménagements du territoire et les infrastructures, la protection de l’eau, l’agroalimentaire, les industries extractives, etc.

 

F.N.H. : Enfin, selon vous, les entreprises marocaines ou les porteurs de projet saisissent-ils pleinement les opportunités d'affaires et d'innovation offertes par les questions sociales et environnementales ?

F. B. : D’importantes ressources en capital et en ingénierie existent et vont se développer encore au niveau mondial pour accompagner l’innovation et les transitions en matière environnementale, d’intelligence artificielle, d’apprentissage et de compétences.

Mon sentiment est que les institutions économiques et financières existantes n’ont pas réellement pris la mesure de ces opportunités. C’est dommage. ◆

 

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