Même si le climat des affaires ne cesse de s’améliorer au Maroc, il n’en demeure pas moins que l’essor d’un tissu de start-up performantes et pérennes continue de se heurter à une série de contraintes.
Généralement, les petites entreprises innovantes s’appuient sur trois facteurs de réussite leur permettant de tirer leur épingle du jeu dans un contexte marqué par une concurrence exacerbée.
Le dernier rapport Doing business 2017 montre que le Maroc qui occupe la 68ème place surclasse des pays comme l’Algérie (156ème) et la Tunisie (77ème) en matière d’amélioration du climat des affaires. Cette performance ne doit aucunement cacher d’autres réalités pénalisantes pour les petites entreprises et celles de taille moyenne. En effet, une kyrielle de facteurs continue de freiner l’essor du stock d’entreprises performantes au Maroc. L’accès non aisé des entreprises au crédit, l’allongement des délais de paiement, l’inadaptation de l’accompagnement public et privé fourni à certaines catégories d’entreprise, sont autant de contraintes. Au regard de ce qui précède, il est opportun de se pencher sur l’expérience concluante de certaines sociétés marocaines débordantes d’ingéniosité et de créativité qui arrivent, tout de même, à tirer leur épingle du jeu. Dial Technologies, spécialisée dans le développement d’applications mobiles, et Magnav, évoluant dans la fourniture et l’installation de solutions GPS et de postes multimédia pour l’industrie automobile, font partie de cette catégorie d’entreprise. La première entreprise, dirigée par Zouheir Lakhdissi, collabore avec des acteurs de référence, pour ne citer que Wafa Assurance, Orange Maroc et Poste Maroc. Il en est de même pour la seconde entreprise qui s’est s’arrogée les faveurs de l’importateur Global Engines, avec l’installation de kits multimédia dans certaines voitures de la marque coréenne Hyundai. Au-delà du succès de ces deux boîtes technologiques, il convient de mettre en exergue le retour d’expérience de leurs dirigeants respectifs.
Trois facteurs de succès
Contacté par nos soins afin de livrer les principaux facteurs de succès de son entreprise dont la création remonte à près de 16 ans, Zouheir Lakhdissi a, dans un premier temps, apporté un éclaircissement de taille. «Les banques, davantage habilitées à soutenir des projets standards et matures, ne sont pas outillées pour financer les start-up qui recèlent plusieurs facteurs de risque», alertet-il. A ce titre, il y a lieu de rappeler que les principaux mécanismes de financement de la start-up sont le love money, qui sert au démarrage (argent du fondateur, de sa famille et de ses amis), la mise des businessangels et celle des accélérateurs, généralement prêts à investir jusqu’à 30.000 dollars, avec la contrepartie d’acquérir autour de 3% du capital de l’entreprise en question.
A cela, s’ajoute aussi les entités de capital-risque qui constituent des acteurs financiers de premier ordre pour les start-up. Au-delà de ces précisions, le lauréat de l'École nationale des ponts et chaussées de Paris et de l’Institut national des postes et télécommunications de Rabat (INPT), a identifié trois facteurs principaux à l’origine du succès des start-up. Il s’agit de la capacité de trouver le bon produit pour le bon marché, la mise en place d’une équipe de qualité ayant une réelle capacité d’adaptation et la disponibilité des ressources financières nécessaires pour financer l’activité. Le premier élément peut être corroboré par le fait que certains produits lancés peuvent être en avance sur le marché auquel ils sont destinés. Ce qui crée un écart entre la population et les attentes des consommateurs. Concernant l’équipe dirigeante, il est souhaitable qu’elle soit composée de deux personnes complémentaires aux profils divers. L’une versée dans la créativité et l’innovation et l’autre reconnue pour son pragmatisme et ses qualités managériales (www.financenews. press.ma). Au-delà de deux personnes, certains spécialistes attirent l’attention sur des risques de querelle.
«Les grandes sociétés américaines qui dominent aujourd’hui les technologies de l’information (Microsoft, Apple, Google) ont été créées au départ par un binôme», rappelle Zouheir Lakhdissi. Soulignons que la pérennité de la société Dial Technologies est en partie tributaire de la flexibilité et de la capacité d’adaptation de ses dirigeants, qui ont su changer à temps de businessmodel afin de surmonter les contraintes du marché marocain. En effet, la logique business to consumer (BtoC) a conduit l’entreprise à essuyer d’importantes pertes avant que les dirigeants ne rectifient le tir, optant ainsi pour le marketing business to business (BtoB). Résultat des courses, les applications mobiles de la société qui s’intéresse, pour l’heure, aux pays d’Afrique de l’Ouest, sont proposées aux opérateurs de télécommunications, avec un partage des gains à la clef. La nécessité d’adaptation conduit parfois au recours à un associé ou au changement de la caractéristique d’un produit. Outre ces éléments-clefs, la société Magnav a augmenté l’avantage concurrentiel de l’importateur Global Engines grâce aux kits multimédia. Au regard des projets en cours (applications de détection de somnolence et de géolocalisation), tout porte à croire que l’expansion de l’entreprise qui a, à son actif, près de 4.000 installations de kits multimédia, n’est pas prête de s’arrêter.
Là où le bât blesse
En matière d’entrepreneuriat, le talent et l’innovation ne suffisent pas, car il faut trouver les ressources financières nécessaires pour développer les bonnes idées et assurer la pérennité et l’essor de l’entreprise. Or, c’est là où le bât blesse au Maroc, car faute d’assise financière suffisante, notamment lors de la phase initiale, les start-up marocaines rencontrent beaucoup de difficultés pour s’internationaliser ou s’imposer dans les marchés matures abritant une âpre concurrence. Le constat est sans appel : rares sont les petites entreprises parvenant à lever plus de 10 millions de dirhams à l’échelle nationale (environ 1 million d’euros). Dans le même temps, l’on remarque que les start-up américaines, qui ont une relative facilité à se faire financer à coup de plusieurs millions de dollars, visent le marché mondial. En cela, certaines start-up nationales, qui jusque-là étaient performantes, connaissent des difficultés faute de moyens suffisants pour accélérer leur développement à l’international. De ce fait, elles suscitent peu d’intérêt aux yeux des investisseurs internationaux, souvent attirés par des boîtes florissantes d’envergure internationale.
Une bureaucratie handicapante
Les lourdeurs administratives qui caractérisent le secteur public (fisc, administrations, Fonds publics de garantie, etc.) constituent un obstacle de taille pour le développement de l’entrepreneuriat au Maroc. L’autre dysfonctionnement à relever a trait à l’imposition des stocks options qui ne constituent guère un moyen de fidélisation du personnel qualifié au sein de la start-up. Faudrait-il préciser que cette catégorie d’entreprise attire les meilleures compétences par l’intéressement à la souscription du capital (jugé surtaxé par certains) et non par le salaire. Par ailleurs, les règles régissant les marchés publics offrent peu de perspectives de développement aux petites entreprises, à l’instar des start-up.
En effet, la législation en vigueur exige un certain nombre de références et un seuil concernant le chiffre d’affaires, des conditions difficiles à remplir pour des jeunes entreprises qui n’ont pas encore décroché le premier bon de commandes. Or, le plus difficile pour une start-up est le recrutement du premier client. «Le déverrouillage des marchés étatiques et non étatiques est essentiel pour l’émergence d’un tissu de start-up performantes au Maroc», souligne le patron de Dial Technologies.
M. Diao
Améliorer l’accès aux facilités de caisse
Pour de multiples raisons, les grandes entreprises affichent une bonne capacité de résilience face à l’allongement des délais paiement, ce qui n’est pas le cas pour les petites boîtes ayant du mal à remplir les carnets de commandes. De toute évidence, les retards de paiement poussent tout simplement certaines start-up à mettre la clef sous la porte. D’où l’impératif de développer le factoring à des conditions favorables aux petites entreprises innovantes. Les banques devraient aussi jouer le jeu en allégeant les garanties exigées pour l’octroi des facilités de caisse. Soulignons que très peu de jeunes entrepreneurs jouissent d’un riche patrimoine, susceptible de servir de garantie aux établissements bancaires. Cela dit, des professionnels unissent leurs voix pour demander à ce que les dispositifs publics mis en place pour épauler les start-up soient gérés par des entités privées. L’objectif visé est la réduction de la lourdeur administrative et l’amélioration de l’efficacité des initiatives publiques visant à soutenir les start-up marocaines.
>> Infos pratiques : Label RSE: GFI informatique Maroc et Spie Maroc décrochent le renouvellement
La Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) a renouvelé récemment l’octroi du label RSE pour GFI informatique Maroc et Spie Maroc. Pour sa part, Casa Tram a obtenu cette distinction pour la première fois. En effet, l’octroi de ce sésame est conditionné par l’évaluation des processus managériaux et de gouvernance des entreprises conformément aux principes et aux objectifs consignés dans la charte de responsabilité sociale RSE du patronat. Notons que le processus de labellisation permet aux entreprises de ficeler leur stratégie dans l’optique d’atteindre les objectifs fixés, tout en prenant en compte les paramètres de performance économique et les éléments environnementaux, sociaux et sociétaux. Bien entendu, la gestion anticipée des facteurs de risque, susceptible de menacer la pérennité de l’entreprise constitue un axe central. Cela dit, il est utile de donner certains éléments qui démontrent l’importance des trois entreprises précitées. En effet, Casa Tram, chargée de l’exploitation et de la maintenance de la première ligne de tramway de Casablanca, enregistre quotidiennement près de 120.000 voyages. Ce chiffre est appelé à augmenter avec la réalisation de la deuxième ligne dont les travaux ont déjà été lancés par le Roi Mohammed VI. Casa Tram génère près de 600 emplois directs, tout en assurant un transfert de compétences techniques. Pour sa part, Spie Maroc œuvre entre autres dans les domaines du génie électrique, mécanique, climatique et de l’énergie. Le renouvellement du label RSE est de nature à renforcer la confiance avec les partenaires de l’entreprise (donneurs d’ordres, investisseurs, employés, etc.). Par ailleurs, GFI Informatique Maroc, spécialisée dans le secteur des nouvelles technologies de l’information et de communication pour le développement et l’intégration de logiciels informatiques, emploie actuellement pas moins de 100 salariés. Rappelons que l’entreprise présidée par Saloua Karkri-Belkeziz a obtenu le label RSE du patronat depuis 2008.