Entrepreneuriat féminin en Afrique du Nord : Le constat alarmant de la BAD

Entrepreneuriat féminin en Afrique du Nord : Le constat alarmant de la BAD

femme plus de 45 ans

A en croire la Banque africaine de déve­loppement (BAD), beaucoup d’efforts restent à déployer pour promouvoir l’em­ploi des femmes, par le truchement des PME, en Afrique du Nord. Et pourtant, l’étude réalisée par la Banque continen­tale montre, entre autres, que les PME féminines créent généralement plus de postes de travail pour les femmes que les grandes entreprises dirigées par la gente masculine.

La dernière étude éla­borée par la Banque africaine de dévelop­pement concernant l’Afrique du Nord montre de façon évidente que du chemin reste à faire pour promouvoir l’emploi des femmes par le biais des PME en Afrique du Nord. En effet, le document de la Banque continentale révèle que les femmes ambitionnant de devenir chefs d’entreprise, se heurtent à plusieurs obs­tacles d’ordre culturel, éco­nomique et juridique. A cela, la BAD ajoute que, dans cette partie de l’Afrique, la gente féminine est pénalisée par une série de contraintes (accès limité à une formation de qualité, difficultés d’être pro­priétaire et de décrocher un crédit bancaire). D’un point de vue social et religieux, le rôle des femmes en Afrique du Nord continue d’être confiné dans la sphère familiale. Le constat dressé par les experts du premier bailleur de fonds du continent, qui n’est autre que la BAD, est qu’en dépit des améliorations enregistrées dans le domaine de l’éduca­tion, le niveau d’instruction a mené les femmes à rechercher davantage un emploi plutôt que de se lancer dans l’entre­preneuriat. Cela dit, il est utile de rappeler qu’entre 2008 et 2012, les taux moyens de chô­mage des femmes dans cette partie du monde, tournaient autour de 20%. Autre élément édifiant, les PME appartenant aux femmes en Afrique du Nord sont rares, essentielle­ment concentrées dans des secteurs traditionnels à faible contenu technologique (tex­tile, habillement, etc.). Sous un angle plus égayé, les PME féminines créent géné­ralement plus de postes de travail pour les femmes que les grandes entreprises diri­gée par la gente masculine. L’autre enseignement à tirer de l’étude de la Banque diri­gée par le Nigérian, Akinwumi Adesina, est que les PME appartenant aux femmes tirent difficilement leur épingle du jeu dans un environnement comportant des règlements rigides. Par ailleurs, selon l’enquête réalisée en 2007 par le Centre des femmes arabes pour la formation et la recherche (Cawtar) concer­nant 1.200 chefs d’entreprise femmes, l’un des plus grands obstacles à l’entrepreneuriat de la gente féminine est leur accès difficile au crédit ban­caire. Le document de la BAD déplore, par ailleurs, le fait que des femmes disposant de diplômes supérieurs soient frappées par le chômage en Afrique du Nord. Ce qui consti­tue un gâchis pour cette partie du monde. Au registre des recommandations, les experts de la Banque continentale pré­conisent la création d’un éco­système favorable aux PME appartenant aux femmes en Afrique du Nord (Bonne gou­vernance, infrastructures de qualité).

A noter que le faible niveau de mise en réseau des femmes dans cette partie de l’Afrique n’est pas de nature à pro­mouvoir l’entrepreneuriat féminin.

Paroles de pro

Amina Benjelloun,

Directeur général de la Société Headlight

«En Afrique du Nord, les principaux obstacles à l’entrepreneuriat féminin sont davantage écono­miques que socioculturels. Les femmes rencontrent des difficultés pour accéder aux financements ban­caires leur permettant de se lancer dans la création d’entreprises. La gente féminine constitue un maillon essentiel du tissu économique en Afrique du Nord. Les femmes se regroupent de plus en plus au sein de coopératives spécialisées. D’ailleurs, des études montrent qu’elles sont plus solvables que les hommes en matière de microcrédit. Les entreprises créées par les femmes génèrent davantage de postes de travail pour la gente féminine que les grandes entreprises créées par les hommes parce qu’elles font la promotion du sexe féminin au sein de leur société. De plus, certains hommes continuent d’affi­cher un a priori quant à l’idée d’être dirigé par une femme. Cet a priori me semble d’ailleurs universel. Toutefois, à compétence égale, l’homme est privilé­gié sur le marché du travail en Afrique du Nord. Son statut de chef de famille pèse en sa faveur au détriment de la femme. Il n’est pas rare que certains chefs d’entreprise estiment qu’une fois mariée, la femme devienne moins performante au travail en raison de l’augmentation des charges familiales, source d’absentéisme pour d’aucuns».

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Des obligations familiales pénalisantes

L’étude de la BAD portant sur la promotion de l’emploi des femmes d’Afrique du Nord par le biais des PME, montre que la gente féminine dispose de beaucoup moins de temps pour travailler en dehors du domicile que les hommes, ce qui handicape leur résultat sur le marché de l’emploi. Certaines études concernant l'impact des obligations familiales sur le temps des femmes, montrent les conséquences néfastes sur leur participation à l’entrepreneuriat et au marché du travail. De ce point de vue, force est de reconnaître que les gouvernements doivent jouer pleinement leur partition dans la fourniture des services, de nature à alléger les obligations familiales des femmes en Afrique du Nord. D’ailleurs, les experts de la BAD restent convaincus que sans soutien public, les soins aux enfants passent généralement pour être un handicap supplémentaire à l’emploi des femmes, plutôt qu’un coût devant être supporté par les hommes aussi. Par ailleurs, une analyse statistique transnationale de la Banque continentale montre que la prestation publique de services de soins aux enfants augmente la probabilité d’employabilité des femmes d’environ 6 % en moyenne, tout en contribuant à réduire sensiblement leur taux de chômage. En définitive, les charges domestiques sont un obstacle particulièrement important pour les PME appartenant à la gente féminine. Toutefois, d’après la BAD, les femmes plus matures souffriraient moins des contraintes de temps, mais pâtiraient du manque d’expérience et d’accès à l’éducation, aux réseaux. Ce qui les cantonne dans le secteur informel.

 

Momar Diao

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