Centrale Danone : Fin de l’opération reconquête ?

Centrale Danone : Fin de l’opération reconquête ?

 

- Le management a fait trois annonces de taille pour absorber l'effet boycott.

- Des concessions sur les marges et une transparence sur les process au coeur du dispositif.

 

Un semblant de précipitation entourait la conférence de presse de Centrale Danone tenue le 5 septembre à Casablanca. La presse n’en a été informée que le matin même via un mail portant la mention «urgent». Les observateurs les plus affûtés ont sans doute remarqué que sur les pancartes et affiches disposées à l’entrée de la salle de conférence, la date a été changée à la dernière minute.

Mais cet empressement n’a en rien altéré la qualité de l'organisation. Le management a en effet mis les petits plats dans les grands pour faire des annonces inédites. Le patron du Groupe Danone, Emmanuel Faber, a fait le déplacement pour expliquer lui-même le nouveau modèle économique du groupe, particulièrement celui du lait frais pasteurisé, victime d'un boycott depuis bientôt 6 mois.

 

Démarche accommodante

 

Depuis juin dernier, date de la dernière visite de Faber au Maroc, où il avait pris l'engagement de revoir le modèle de rémunération de Centrale Danone, et d'adopter une démarche participative pour faire émerger un nouveau businessmodel, les équipes du groupe ont travaillé sans relâche pour reconquérir les coeurs des boycotteurs. Réunions et ateliers se sont succédé pour donner la parole aux consommateurs et aux producteurs. Des visites d'usine ont aussi été organisées (voir encadré) avec toujours le même objectif : renouer avec le consommateur et récupérer, au passage, ses parts de marché perdues.

Centrale Danone a beaucoup joué la carte de «la transparence» durant cette large campagne de communication. Un élément de langage qui revient souvent dans la bouche du management depuis le début de l'été. Il n'a d'ailleurs pas dérogé à la règle lors de cette conférence de presse.

Faber était attendu sur les prix, car c'était l'une de ses principales promesses : vendre le lait frais pasteurisé à prix comptant. Promesse tenue, puisqu'il a annoncé une baisse du prix du lait frais pasteurisé qui passe de 3,50 DH à 3,20 DH pour le pack de 470ml, supprimant ainsi la marge réalisée par Centrale Danone. Cette mesure entrera en vigueur «dès la fin de la semaine», a déclaré Faber.

Mais prévient le patron de Danone, qui réalise autour de 2% de ses ventes au Maroc, «la durabilité de ce businessmodel nécessite le retour des volumes et la coopération des épiciers et consommateurs». Malgré ce propos, il paraît inimaginable de revenir en arrière sur la question du prix.

Les équipes de Centrale Danone ont rencontré quelque 100.000 personnes dans leur démarche participative pour mieux connaître les besoins du consommateur. C'est peut-être de ce travail d’écoute qu’a jailli la deuxième principale annonce de Faber : une nouvelle offre de lait frais pasteurisé de 470 ml, écrémé, à 2,50 DH seulement. Ce nouveau produit sera commercialisé dès fin septembre, a-t-il fait savoir. De quoi rendre le lait plus accessible aux bourses les plus modestes.

Centrale Danone s'est enfin engagée sur un calendrier précis pour rendre public le prix de ses entrants et ses différents contrôles qualité.

La démarche accommodante du groupe a été saluée sur les réseaux sociaux durant les heures qui ont suivi la conférence de presse. Mais il faudra attendre quelques semaines pour mesurer véritablement les effets réels sur les ventes de Centrale. L'histoire a en effet montré que les réseaux sociaux ne sont pas toujours représentatifs des actes de consommation dans la vie réelle, bien qu'ils les influencent. La notion de minorité silencieuse est à prendre au sérieux.

D’ailleurs, le mouvement de boycott ne se serait pas estompé durant l’été. C’est en tout cas ce qu’a indiqué Didier Lamblin, PDG de Centrale Danone, lorsqu’il a évoqué les ventes du groupe laitier au Maroc. Ces dernières ont baissé de 40% durant les semaines qui ont suivi le début du boycott. Il a souligné que cette tendance se poursuit jusqu'à aujourd'hui. ■

 

 


Centrale Danone «à cœur ouvert»

Centrale Danone a, quelques jours avant les annonces de son management, organisé pour la première fois une visite de son usine de Fkih Ben Salah, l’un des quatre sites que possède l’entreprise à travers le pays à côté de ceux de Meknès, Salé et El Jadida. Outre les journalistes, le groupe laitier a également convié bloggeurs et influenceurs. Le site de Fkih Ben Salah, étalé sur une superficie de 5,67 ha, est une unité industrielle spécialisée dans la fabrication du lait pasteurisé, du lait en poudre et du beurre.

A travers cette visite, Centrale Danone a souhaité dévoiler son savoir-faire et son positionnement de référence dans le secteur agroalimentaire et l’amont agricole. Il faut garder à l’esprit que l’entreprise est un agrégateur pour 120.000 exploitants laitiers, dont 80% sont de petits éleveurs possédant moins de 10 vaches. Centrale Danone assure également ne pas lésiner sur la qualité. L’entreprise investit annuellement 6 millions de DH, uniquement dans les produits testeurs. Il s’agit de dénicher les impuretés et les produits indésirables, notamment la présence d’antibiotiques. «Depuis la collecte du lait jusqu’au consommateur final, nous veillons méticuleusement sur la qualité de nos produits», souligne Denis Hermant, vice-président industriel de Centrale Danone. Les investissements portent aussi sur la modernisation des sites de production pour les mettre au niveau des normes internationales : 1,23 milliard de DH ont été investis dans ce sens entre 2013 et 2018.


 

 

Par A. H. & C. J.

 

 

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