Voitures électriques: en attendant un hypothétique décollage

Voitures électriques: en attendant un hypothétique décollage

Un arsenal législatif doit être mis en place pour généraliser l’installation des bornes de recharge.

Les stations-service disposant de bornes de recharge sont «juridiquement hors-la-loi».

 

Par C. Jaidani

Le segment des voitures électriques a le vent en poupe partout dans le monde. Les ventes augmentent d’une façon exponentielle. La plupart des constructeurs ont amorcé un virage vers ce type de motorisations, y compris les firmes spécialisées dans les hypercars.

Dans les pays développés, les gouvernements ont lancé une série de mesures pour donner une forte impulsion à cette catégorie de véhicules. A coup de subventions, que ce soit à la production ou à l’achat, le segment connaît un essor fulgurant. Le Maroc a investi, lui aussi, ce domaine sur le plan industriel. L’usine de Stellantis à Kenitra produit déjà Citroën AMI, une microcitadine à deux places pouvant atteindre une vitesse de 45 km/h et ayant une autonomie de 70 km. Le groupe Renault a, quant à lui, annoncé la construction de Mobilize Duo sur le site Mellousa près de Tanger. Une chaîne de production est prévue spécialement pour ce modèle. Mais sur le plan commercial, le Royaume reste à la traîne, et ce pour plusieurs considérations.

Le volume des ventes est en forte progression, mais il reste insignifiant par rapport à celui des voitures à motorisations thermiques. Interrogés à ce sujet, certains professionnels du secteur livrent quelques explications. «La contrainte majeure est relative à la faiblesse du nombre de bornes de recharge. Ce qui n’est pas incitatif pour encourager la mobilité interurbaine avec ce genre de véhicules. La plupart des clients possédant des voitures électriques le font pour un usage essentiellement urbain», souligne Fabrice Crevola, directeur de Renault Commerce Maroc. Il faut rappeler que la marque au losange était pionnière en introduisant des véhicules électriques au Maroc (Tweezy et Zoe) il y a une dizaine d’années. Mais les ventes n’ont que peu évolué à cause de la problématique d’approvisionnement en électricité. En effet, le nombre de bornes de recharge au Maroc ne dépasse pas les 200. Elles sont installées essentiellement dans le réseau autoroutier, dans quelques hôtels et sites touristiques.

En France, à titre d’exemple, les bornes dépassent 70.000 unités et il est prévu de passer à 100.000 dans quelques années. Il faut rappeler aussi que ce pays a lancé tout un dispositif juridique pour encourager l’utilisation de ces véhicules, notamment des lois imposant aux communes, aux entreprises et aux bâtiments nouvellement construits d’installer des bornes de recharge. Pour Rachida Hanine, membre de l’Association marocaine de la mobilité durable, «le Maroc accuse un sérieux retard en ce qui concerne le déploiement de la voiture électrique, alors que la transition est en marche rapide à l’international. Il faut une décision politique de grande ampleur à travers un programme de pointe comprenant des mesures d’ordre législatif, technique et de soutien. Nous avons approché des parlementaires pour sensibiliser le gouvernement à ce sujet, mais en vain».

Sur le plan législatif, Hanine recommande de «réviser la loi sur la vente de l’électricité au Maroc. Juridiquement, seul l’ONEE possède ce droit et les régies de distribution par voie de délégation. Même les personnes physiques ou morales qui autoproduisent, sont obligées de vendre l’excédent à l’ONEE. Du coup, les stationsservice qui ont des bornes de recharge sont juridiquement hors-la-loi et les autorités n’interviennent pas. D’autant plus que ces stations le font uniquement pour l’image de la compagnie pétrolière, car les voitures électriques sont un concurrent direct de leur activité, qui est la vente de carburants».

D’autres contraintes majeures ont été évoquées par Hanine. Cette fois, elles sont liées au coût d’acquisition élevé des voitures électriques et à l’état d’esprit de l’automobiliste marocain. «Nous avons constaté que la plupart des automobilistes marocains n’ont pas la fibre écologique. C’est un aspect culturel qu’il faut travailler à travers la sensibilisation et beaucoup de communication. Aussi, les voitures électriques vendues actuellement sur le marché sont hors de portée de leur budget. En plus, la cotation de ces véhicules à l’occasion est très faible à cause de la durée de vie des batteries. C’est pour cela que les voitures thermiques ont toujours de l’avenir au Maroc», conclutelle. 

 

 

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