Avec la voiture électrique, la filière automobile nationale prend un nouvel élan pour son développement. Les perspectives d’avenir prometteuses que présente ce segment, ont incité de nombreux investisseurs nationaux et étrangers à s’installer dans le Royaume pour tirer profit de cet essor. L’activité reste toutefois pénalisée par un marché local terne à cause des prix affichés et de la faiblesse du réseau des bornes de recharge.
Le Maroc a consolidé son positionnement dans l’industrie automobile. Mais pour aller de l’avant, la filière est appelée à investir de nouveaux créneaux plus porteurs dans les marchés mondiaux, à l’image de la voiture électrique. En plein essor, ce segment connaît une demande de plus en plus croissante relayée par un fort intérêt des constructeurs. Cela est dû au fait que des gouvernements ont imposé des restrictions sur la circulation des voitures à moteur thermique. Il s’agit de pays européens, des Etats-Unis, la Chine, la Corée ou le Japon. En 2023, près de 9,5 millions de véhicules électriques ont été produits dans le monde contre 7,2 millions en 2022, soit une hausse de 32%. Ce volume est appelé à augmenter davantage dans les années à venir. Dans plusieurs pays, des programmes de développement gigantesques sont déployés et des investissements massifs sont lancés. On note aussi une concurrence acharnée entre les différentes firmes mondiales de l’automobile pour construire des modèles électriques fiables, bien équipés, ayant une grande autonomie, facilement rechargeable et présentant un coût compétitif.
L’écosystème industriel automobile national n’est pas resté en marge de cette évolution. Une dynamique est enclenchée du côté des constructeurs, des équipementiers ou des sous-traitants. Ainsi, les groupes Renault et Stellantis disposent de programmes bien conçus dans ce domaine. Les deux constructeurs veulent profiter de leurs plateformes déjà opérationnelles respectivement à Tanger et Kénitra et des coûts de facteurs très intéressants au Maroc pour produire des modèles 100% électriques, répondant aux normes exigées et à des prix abordables. Le site de Stellantis a investi dès son lancement le segment à travers la Citroën AMI. Produite à partir de 2020, cette micro-citadine sera, en un laps de temps, la voiture sans permis la plus vendue en France et en Espagne. D’autres marques du groupe Stellantis lui ont emboîté le pas, notamment Opel Rocks-e, Opel Rocks Electric ou Fiat Topolino.
Le succès de ce véhicule s’explique par son côté pratique. Il répond aux besoins de la mobilité durable. Ultracompacte (2,41 m de long, 1,30 m de large et une hauteur de 1,52 m), Citroën AMI assure une fluidité de circulation dans les villes et des possibilités de stationnement plus faciles. Elle dispose d’un rayon de braquage de 7,20 m, une autonomie de 75 km et une vitesse de pointe de 45 km/h. Pour sa part, le groupe Renault projette de produire Mobilize Duo dans le site de Melloussa, à une cadence de 17.000 unités qui sera portée à terme à 50.000. Le process de production utilise 50% de matériaux recyclés. Ce quadricycle de dimensions contenues (2,43 m de longueur pour 1,30 m de largeur) sera disponible également en version utilitaire pour un volume de charge de 700 litres. Outre le montage de véhicules, la filière des équipementiers montre de l’intérêt pour investir dans la fabrication de pièces dédiées à ce type de véhicules. La batterie étant la pièce maîtresse des voitures électriques, de nombreux producteurs ont annoncé des mégaprojets dans ce domaine.
Lors d’une séance des questions orales au Parlement, Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie et du Commerce, a affirmé que «le Royaume ambitionne de se positionner dans la fabrication de voitures électriques, des batteries et les composants qui entrent dans la production de ce genre de véhicules». Dans ce cadre, le Maroc a signé en mars dernier avec la société chinoise BTR New Material Group, une convention d’investissement de 3 milliards de dirhams pour la construction à Tanger d’une usine de production de cathodes, un élément essentiel dans les batteries électriques.
Ce site sera doté d’une capacité de production de 50.000 tonnes de cathodes par an. Il sera implanté au sein de la Cité Mohammed VI Tanger Tech et produira à l’horizon 2026 quelque 25.000 tonnes de cathodes. Comme l’a expliqué le département de l’Industrie, le projet BTR devrait créer 2.500 emplois directs et contribuer à «la consolidation de la position du Maroc en tant que leader dans le domaine de la mobilité électrique». Il est à noter que la quasi-totalité de la production de véhicules électriques et de batteries électriques est destinée à l’export du fait que le marché local n’est pas en mesure de les absorber. Généralement, la plupart des marques proposent des gammes 100% électriques. Mais la part du segment de la voiture électrique dans le marché global reste insignifiante.
En effet, en 2023, seuls 463 véhicules ont été écoulés, soit un bond de 133%. Certes, on note un intérêt grandissant de la part des acquéreurs, mais des contraintes majeures retardent une large diffusion de ce genre de véhicules. Ces entraves sont dues principalement à la faiblesse du nombre de bornes de recharge, 119 unités dans tout le territoire national. A titre d’exemple, la France compte au 30 avril 2024, 129.525 unités avec la perspective d’atteindre 400.000 bornes à l’horizon 2030. Cette difficulté décourage les acheteurs potentiels à opter pour la voiture électrique. Par ailleurs, le coût d’acquisition est lui aussi peu intéressant pour de nombreux acquéreurs. Citroën AMI, offerte à 100.900 DH, est le véhicule le plus abordable. Cette micro citadine à deux places a été adoptée par des entreprises et des institutionnels comme Al Barid Bank, mais elle n’intéresse pas les particuliers qui préfèrent des véhicules à 4 ou 5 places avec coffre. Dans les citadines, c’est Dacia Spring qui affiche le prix d’attaque le plus compétitif à 199.000 DH. Bien que de nombreux importateurs proposent des véhicules chinois avec un rapport qualité/prix intéressant, ils ne sont pas à la portée de toutes les bourses.
Un autre facteur, psychologique, est ancré dans les mœurs. Les automobilistes marocains sont plus intéressés par les moteurs diesel, et cela se reflète sur les ventes automobiles constituées à 85% de véhicules thermiques. «Il y a beaucoup d’effort à fournir pour développer les motorisations non thermiques au Maroc. Par rapport à l’Europe qui affiche une part de 47%, notre pays est encore à la traîne avec une part de 4,5% seulement. Nous sommes toujours en discussion avec le gouvernement et avons proposé de nombreuses suggestions pour booster ce segment», explique l’Association des importateurs de véhicules automobiles au Maroc (AIVAM), lors de son point de presse annuel en janvier 2024. Les professionnels du secteur réclament des mesures au niveau fiscal et réglementaire pour développer ce segment. Ils proposent des exonérations et des réductions de TVA, ainsi que des restrictions sur la circulation des voitures thermiques dans les centres urbains.