Le programme peine toujours à être bouclé. Casablanca regroupe près de la moitié des bidonvilles recensés dans le cadre de VSB.
Par C. Jaidani
Lancé en 2004, le programme «Villes sans bidonvilles» (VSB) devait, au départ, atteindre tous ses objectifs à l’horizon 2010. Face à de nombreuses contraintes, le délai a été reporté à 2020. Actuellement, et en dépit d’un effort colossal du gouvernement et des autorités locales, les réalisations restent en deçà des aspirations. Plus de 120.000 logements en bidonvilles ont été recensés. A la chambre des représentants, dans le cadre des question orales, Fatim-Zahra El Mansouri, ministre de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la ville, a défendu le bilan du gouvernement dans ce domaine. Elle a toutefois relaté les entraves qui perturbent le recasement de la population cible.
Outre les problématiques du foncier et du financement, elle a relevé les difficultés qui entravent l’identification des personnes éligibles, dont certaines utilisent des méthodes frauduleuses, notamment à travers la vente du bien acquis dans le cadre d’anciennes opérations de relogement pour ensuite s’installer dans un autre bidonville ne relevant pas de la même région. «Près de 14.000 personnes sont concernées par ces pratiques malsaines. Cette catégorie d’individus gonfle la population éligible à VSB et retarde le programme.
Ce chiffre nous l’avons tiré du registre national de lutte contre les bidonvilles. Nous avons pris toutes les dispositions nécessaires pour mettre fin à ces agissements, comme l’utilisation des images satellites, de drones ou la traque des personnes frauduleuses. En partenariat avec le secteur privé et d’autres intervenants, nous avons fixé un programme quinquennal entre 2024 et 2028 pour réussir VSB selon une nouvelle approche», a précisé El Mansouri.
Il faut dire que sous l’effet de la crise du logement, des réseaux spécialisés regroupant des intermédiaires actifs dans les opérations de relogement ont proliféré. Aidés par des agents d’autorité irresponsables, ils arrivent à se procurer les documents nécessaires pour permettre l’éligibilité au programme VSB ou celui de l’habitat insalubre. Le phénomène a pris une telle ampleur qu’il s’est répercuté sur le paysage urbain de plusieurs localités. Mohamed Mhidia, wali de la région Casablanca-Settat, a lancé une circulaire pour tirer la sonnette d’alarme sur «l’extension anarchique et rapide de certains douars, particulièrement aux alentours des villes périphériques comme Bouskoura, Mediouna, Dar Bouazza, ou Zenata».
Rappelons qu’à elle seule, Casablanca regroupe 63.000 unités, soit près de la moitié des bidonvilles recensés dans le cadre de VSB. C’est la ville où le programme avançait au ralenti. «Pour faire avancer le programme dans de bonnes conditions, nous avons opté pour l’approche participative. Nous avons associé la société civile et les associations locales dans le programme, qui implique non seulement notre département, mais également d’autres ministères et entités publiques ou privées. Cette approche a donné des résultats tangibles à Témara-Skhira où 22.549 familles ont été relogées. Auparavant, la cadence de VSB se situait à une moyenne de recasement de 6.200 familles par an. Actuellement, avec le nouveau gouvernement, le rythme passe à 16.300, soit un bond de 163%», a affirmé El Mansouri.
Mais des militants de la société civile ont porté quelques critiques au programme VSB, estimant qu’il privilégie le côté quantitatif au détriment de la qualité de l’urbanisme et de l’habitat. En prévision de l’organisation de la Coupe du monde 2030, une course contre la montre est menée pour éradiquer les bidonvilles. «L’approche participative a montré sa pertinence, particulièrement dans les points noirs où il était difficile d’éradiquer rapidement les bidonvilles, comme Sidi Moumen, Lahraouyine ou Bernoussi qui regroupent de nombreuses familles éligibles. Encore faut-il faire en sorte que les nouveaux espaces de relogement ne soient pas des cités dortoirs, ne disposant pas des conditions élémentaires pour une vie digne», souligne Hassan Bendriss, militant associatif à Sidi Moumen.