Le département de tutelle, en coordination avec les professionnels, a pris une série de mesures pour apaiser la flambée des prix. Les prix dans le marché de gros de Casablanca ont atteint des niveaux record, avec 110 DH/kg pour la viande ovine et 85 à 90 DH pour la viande bovine.
Par C. Jaidani
En dépit de la baisse des tensions inflationnistes, la hausse des prix des viandes rouges et banches se poursuit. Ils ont atteint des niveaux record, suscitant la grogne des citoyens à travers les réseaux sociaux, mais aussi des associations de protection des consommateurs. Les prix des viandes rouges varient dans le monde rural dans une fourchette comprise entre 75 et 90 DH le kilo pour la viande bovine, et 90 à 120 DH pour la viande ovine.
Dans les villes, cette fourchette est comprise entre 85-100 DH le kilo pour la viande bovine et 100- 150 DH pour la viande ovine. Pour leur part, les produits avicoles se sont inscrits, eux aussi, dans cette tendance haussière. Le poulet de chair est négocié au-delà de 30 DH/ kilo et les œufs dépassent la moyenne de 1,20 DH/unité. Les professionnels des deux secteurs expliquent cette flambée par différents facteurs, dont particulièrement la sécheresse qui sévit depuis six années successives et la hausse des prix des intrants et ceux de l’aliment de bétail qui, pour l’essentiel, sont importés.
«Tous les prix des produits alimentaires ont connu une hausse, mais enregistrent par moments des pauses, et parfois des baisses. Mais ceux des viandes rouges et des viandes blanches tirent vers le haut. C’est un constat inquiétant du fait que c’est la principale source de protéines pour les consommateurs. Déjà, la part de viandes rouges au Maroc par habitant est limitée à 17 kg/an, alors que la moyenne mondiale avoisine les 42 kg/ an, et grimpe à 69 kg/an dans les pays développés. Nous sommes nettement en deçà de ce niveau. Avec la flambée des prix et la baisse du pouvoir d’achat, les consommateurs sont contraints d’acheter moins de viandes. Cela pose des problèmes de nutrition majeurs. Les différentes mesures lancées par l’Etat demeurent insuffisantes pour redresser la situation», affirme Bouazza Kherrati, président de la Fédération nationale des associations de protection des consommateurs.
Conscient de la situation, le ministère de l’Agriculture a pris différentes dispositions suite à une série de réunions avec les opérateurs du secteur et les différents intervenants, dont la dernière a eu lieu début août 2024. Ainsi, il a été décidé de poursuivre les efforts pour soutenir les exploitants à travers la distribution de l’aliment de bétail subventionné. La tutelle prépare également un projet de loi dédié à encadrer le secteur de l’élevage. Il s’agit aussi de développer et d’encourager les cultures fourragères résilientes comme le sorgho, ou de réglementer l’insémination artificielle. Il est question aussi d’encourager des races mixtes plus résistantes à la sécheresse et plus productives. Pour sauvegarder le cheptel, des mesures ont été prises pour la protection des femelles ovines et bovines.
«Le secteur de la production des viandes rouges passe par des moments difficiles. Sous l’effet de la hausse des charges d’exploitation et la succession des années de sécheresse, de nombreux éleveurs n’arrivent pas à préserver leur bétail. De ce fait, soit ils réduisent le cheptel, soit ils abandonnent carrément la filière pour s’adonner à d’autres activités plus rentables et qui ne sont pas nécessairement agricoles. Plus la sécheresse perdure et plus ce phénomène devient plus pesant», souligne Abdelaziz Latifi, vice-président de l’Association nationale de production de viandes rouges (ANPVR). Selon lui, «les prix ont flambé lors des derniers Aïd Al-Adha, notamment ceux des ovins qui ont connu des niveaux jamais atteints. Les exploitants incluent les surcoûts de production pour pouvoir garder leurs marges. Malgré l’autorisation des importations, l’offre n’a pas pu répondre adéquatement à la demande. Si les prochaines pluies ne sont pas au rendez-vous, cette flambée risque de perdurer. Reste à espérer une année pluvieuse pour enrichir les parcours naturels. Cela permettra de tirer les prix de l’aliment de bétail vers le bas et aussi contribuer au renouvellement du cheptel national».
Chez d’autres professionnels du secteur, c’est le même son de cloche. Pour Hicham Jouabri, secrétaire régional des chevillards de CasablancaSettat, «la flambée des prix des viandes rouges est due à la faiblesse de la production et la hausse des coûts. On ne cesse d’accuser les intermédiaires, mais c’est un facteur à prendre avec beaucoup de réserves. Ces personnes ont toujours existé et leurs effets ne sont pas déterminants. Notre activité est, elle aussi, pénalisée par cette hausse, car nous avons constaté une baisse du volume vendu dans les marchés. Les prix dans le marché de gros de Casablanca ont atteint des niveaux record, avec 110 DH/ kg pour la viande ovine et 85 à 90 DH pour la viande bovine. Généralement, après la période estivale marquée par l’organisation des festivités, on constate un apaisement des prix qui dure jusqu’au mois de Ramadan. Mais ces dernières années, la hausse des prix semble s’installer». Les produits avicoles n’ont pas échappé à cette flambée. La période estivale et la sécheresse expliquent en grande partie ce constat, mais il y a un effet mécanique. «Quand les prix des viandes rouges sont en hausse sur une longue période, ils entraînent les prix des viandes blanches vers le haut», souligne-t-on auprès de la Fédération des associations de protection des consommateurs. Un avis partagé par les producteurs de volailles qui estiment que «le marché obéit à des cycles de production et de consommation contribuant à la fixation des prix».
«Certes, la période estivale est marquée par une hausse de la consommation de la volaille, mais depuis le début du cycle de la flambée des prix des viandes rouges, on a remarqué une hausse anormale de la demande pour le poulet de chair. Du coup, les prix pour ce produit ont, à leur tour, augmenté», affirme Abderrahmane Ryadi, porte-parole de l’Association des producteurs de poulets de chair. Et d’ajouter que «l’aviculture a toujours connu une fluctuation au niveau de la production et des prix à cause de multiples facteurs comme les aléas climatiques. Les fortes chaleurs ou le froid entraînent une hausse de la mortalité. Mais le coût de production reste intimement lié au prix des intrants à l’international».
En effet, le prix du soja, produit le plus utilisé dans l’aliment composé dédié à la volaille, est à plus de 1.060 dollars/tonne. Il est en hausse de près de 20% par rapport à la moyenne des 5 dernières années. Les cours du maïs sont, à leur tour, dans un trend haussier avec un prix moyen à plus de 205 dollars/tonne. Les autres produits comme l’orge, le foin ou le son atteignent également des niveaux élevés. «Le retour des années pluvieuses est la seule issue pour espérer revenir à une situation normale. Autrement, le risque de flambée des prix demeurera omniprésent», résume Ryadi. gagements en actions tangibles.