Baisse immédiate et importante des prix des ovins. Il est important de revoir le modèle de développement de la filière.
Par C. Jaidani
L'annulation du sacrifice pour le prochain Aïd Al-Adha a eu dans l’ensemble un accueil très favorable. Les réactions officielles des partis politiques et des citoyens dans les réseaux sociaux le confirment. Ainsi, toute la classe politique (majorité et opposition) a salué vivement cette décision, estimant qu’elle va pouvoir protéger le cheptel national et préserver le pouvoir d’achat des consommateurs, surtout les plus démunis. Mais chez les éleveurs et les intermédiaires, la pilule est difficile à avaler.
A l’image des années Les prix de la viande ovine qui oscillaient entre 100 et 120 DH dans le monde rural, évoluent actuellement à moins de 100 DH. précédentes, ils s’attendaient à faire de bonnes affaires, avec les marges conséquentes que rapporte le rituel. Une tournée à souk Sebt de Tit Mellil relevant de la province de Médiouna a permis d’apprécier l’atmosphère maussade qui y règne. Mohamed Meskini, un marchand de bétail septuagénaire, témoigne : «Je suis un éleveur et aussi un marchand de bétail. Je suis un habitué des souks hebdomadaires de la Chaouia et d’autres régions. L’annulation du sacrifice pour l’Aïd Al-Adha est une rumeur qui s’est répandue il y a plus de trois mois. Mais tout le monde croyait qu’elle n’allait pas être exécutée. Une fois annoncée, une déprime s’est installée chez les professionnels de notre activité. Du coup, les prix ont immédiatement baissé et cette tendance se poursuit encore. Une chute des prix comprise entre 30% et 50% est constatée. Du jamais vu, et ce depuis la vague de sécheresse des années 80 ! De nombreux exploitants cherchent actuellement à réduire leur troupeau, quitte à le vendre à perte, car ils ne peuvent pas l’entretenir en l’absence de visibilité. Nous sommes pour l’initiative de SM le Roi pour sauvegarder le cheptel national, mais il faut penser aux exploitants qui ont dépensé des sommes importantes pour maintenir leur bétail. En l’absence de mesures de soutien, la filière devrait à terme s’effondrer», affirme-t-il.
Cette baisse des prix des ovins se répercute progressivement sur ceux des viandes rouges. Les Selon Mohamed Dahbi, secrétaire général de l’UGEM, les subventions doivent être accordées prioritairement aux petits exploitants. prix de la viande ovine qui oscillaient entre 100 et 120 DH dans le monde rural, évoluent actuellement à moins de 100 DH. Dans les villes, malgré la résistance des prix, la tendance est à la baisse. Il faut noter que la filière des viandes regroupe également les chevillards et les bouchers. Leurs associations respectives sont membres de l’Union générale des entreprises et des métiers (UGEM).
Mohamed Dahbi, son secrétaire général, estime que «le secteur de l’élevage passe par des moments difficiles qui ne sont pas uniquement d’ordre conjoncturel dû à la sécheresse, mais aussi structurel qui pousse à revoir le modèle de fonctionnement de la filière. Les mesures d’accompagnement doivent être réformées, particulièrement les formules de subvention pour l’alimentation de bétail. Il est essentiel de faire un diagnostic approfondi pour identifier ceux qui en ont bénéficié et quel a été l’impact sur le secteur. Il faut aussi se poser la question sur le Programme Maroc Vert et s’interroger sur les bénéficiaires : s’ils sont les petits ou les grands exploitants».
Par ailleurs, par le passé, le Maroc regroupait 950.000 petits éleveurs et chacun possédait entre 10 à 20 brebis et 5 à 6 vaches, notet-il, soulignant que ces exploitants produisaient annuellement 3 millions de bovins et 13 millions d’ovins. C’est eux qui fournissent l’essentiel des besoins du marché national et non les grands exploitants. «Les petits exploitants doivent bénéficier prioritairement des subventions. Par le passé, le Maroc assurait son autosuffisance en viandes rouges. Actuellement, il est importateur. Résultat, une bonne partie de la population marocaine n’arrive pas à s’approvisionner en viandes rouges. Il faut savoir que cette situation a eu un impact non seulement sur les éleveurs, mais aussi sur les bouchers et les chevillards, et plusieurs d’entre eux ont cessé d’exercer à cause de la baisse de leur activité», conclut Dahbi.