Inspiré de la législation française, le texte est en déphasage avec la réalité marocaine.
Les professionnels veulent une nouvelle mouture prenant en considération leurs observations.
Par C. Jaidani
Le secteur de l’urbanisme et de la construction est en plein essor. C’est l’une des activités phares de l’économie nationale. Il a connu une croissance soutenue et régulière ces dernières années. En dépit d’une certaine pause marquée pendant la crise sanitaire, la filière a pu reprendre de plus belle par la suite. Pour accompagner le développement du secteur, le gouvernement a instauré un cadre juridique dédié. Cet arsenal regroupe notamment la loi 66-12 dont l’objectif essentiel est le contrôle et la répression des infractions.
Quelques années après son entrée en vigueur, ce texte a montré ses limites dont plusieurs ont été décriées par les professionnels.
«Suite aux différents effondrements d’immeubles en construction, ce texte de loi a été conçu et préparé dans la précipitation. Il n’a pas reçu le temps nécessaire en matière de préparation et de discussion avec tous les intervenants du secteur afin de mettre en place une mouture parfaitement au diapason avec l’environnement socioéconomique du Maroc», souligne Mohamed Alaoui, juriste et expert en immobilier.
«Une bonne partie des clauses de cette loi est inspirée de la législation française et elle est de ce fait en déphasage avec la réalité de notre pays. Le texte n’a pas pris en considération plusieurs aspects tant sur le plan technique que sur le plan administratif et réglementaire», ajoute El Alaoui.
En effet, dès sa promulgation, certaines clauses de la loi 66-12 ont été fortement décriées par les opérateurs du secteur, à leur tête la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI), les architectes, les géomètres-topographes et la Fédération nationale du bâtiment et des travaux public (FNBTP). Ils remettent en cause «l’absence manifeste de concertation dans la rédaction de ce texte de loi», et mettent en évidence le manque de clarté de certaines de ses dispositions les rendant inapplicables. Le contenu de ce texte de loi tel qu’il a été adopté, est en déphasage avec la réalité du terrain en plus d’être en contradiction avec plusieurs textes de loi en vigueur.
«Nous sommes pas contre la loi 66-12. Nous sommes toujours favorables à l’adoption d’un texte qui mettrait fin aux constructions et réalisations anarchiques et non réglementaires. Mais il faut que les clauses soient réalistes et réalisables», témoigne Mohamed Regragui, promoteur immobilier.
«Pour contourner la rigueur du texte, les opérateurs sont obligés de recourir à des méthodes occultes pour achever leur projet. Malgré l’existence des textes d’application, les interprétations du texte posent problème. Elles diffèrent d’une administration à une autre et d’une région à une autre», souligne-t-il.
Pour les architectes, l’application stricte de la loi devrait générer des surcoûts importants dans les projets. Cela devrait plomber les prix du marché et dissuader davantage les acquéreurs. Le prix de l’immobilier au Maroc, surtout dans les grandes métropoles, est très cher comparativement au pouvoir d’achat des Marocains. Faute de ressources suffisantes, la plupart des acheteurs de la classe moyenne se contente du logement social à 250.000 DH.
L’amendement de la loi 66-12 est dicté également par le fait que 60% des projets habitat se font en autoconstruction et par étape (généralement des R+1 ou R+2). A souligner aussi qu’une bonne partie des projets est réalisée dans le monde rural qui regroupe pas moins de 40% de la population.
«Dans l’autoconstruction ou les logements de type rural, les budgets sont limités. De ce fait, les projets ne peuvent pas se conformer rigoureusement à la réglementation. Face à ce constat, les autorités locales sont indulgentes et les contrôles de conformité sont sommaires», explique Alaoui.