«Un endettement public à 78% du PIB est loin d'être un chiffre choquant»

«Un endettement public à 78% du PIB est loin d'être un chiffre choquant»

Hicham BensaidSi les scénarios prévisionnels pour 2015 tablent sur un taux de croissance oscillant autour de 5% (soit le double de 2014), ceux de 2016 escomptent un taux ne dépassant pas 2,8%. La variable climat surgit à plus d’un titre. 2015 est également marquée par d’autres faits tels que la flexibilisation du change,les prémices de la hausse de la dette publique, la baisse continue des matières premières… autant d’éléments qui, de près ou de loin, impactent la croissance du PIB et divisent, quant aux retombées, analystes et économistes. Hicham Alaoui Bensaid, directeur des risques, de l’information et des sinistres à Euler Hermes Acmar, décortique pour nous quelques faits importants.

Finances News Hebdo : Après avoir modifié en avril 2015 le panier de cotation du Dirham pour changer le couple de pondération (euro, dollar) à (60%, 40%), les autorités monétaires se sont rapprochées du FMI pour une réflexion sur le passage à un régime de change plus flexible. Aujourd’hui, pouvons-nous prétendre que le Maroc dispose de moyens lui permet­tant un tel passage ?

Hicham Alaoui Bensaid :  Il me semble que cette volonté est tout simplement la traduction de la ten­dance commerciale récente. Après des années de quasi-monopole d'importations provenant des pays européens (80% d'importations en euros au début des années 2000, notamment provenant de France et d'Espagne), le Maroc diversifie, de plus en plus, son sourcing, avec des pays tels la Chine, les Etats-Unis ou l'Arabie Saoudite qui affirment ou confirment leur position de partenaire stratégique (plus de 40% d'importations marocaines en dollars actuellement), sachant que ces pays sont historiquement davantage centrés sur le Dollar que sur l'Euro. Un rééquilibrage vers le Dollar dans le panier de cotation s'imposait presque naturellement au vu de cette nouvelle donne.

Par ailleurs, l'arrimage autour d'une seule monnaie centrale, comme c'était le cas avec l'euro, poussait le Maroc à devenir parfois victime collatérale des effets négatifs de certaines stratégies monétaires. Ainsi, lors des années de Dollar faible par rapport à l'Euro, ou d'euro fort par rapport au dollar, selon l'angle de vue, le dirham se «dépréciait» trop rapidement com­parativement à l'Euro, ce qui en pénalisait les perfor­mances monétaires. Là, en considérant un arrimage quasi-équilibré entre Dollar et Euro, et sachant que ces deux monnaies ont généralement des trajectoires opposées, du moins au cours des récentes années, la stabilité de notre monnaie devrait en sortir renforcée.

F.N.H. : Après le recul marqué en 2014, les cours des principales matières premières restent à des niveaux faibles en 2015. Pouvons-nous espérer que cette situation ait un effet favorable sur la balance commer­ciale, en particulier sur les importations dont les produits énergétiques représentent 37% ?

H. A. B. : Le Maroc est un pays structurellement importateur net, en raison d'une part, de la quasi-absence de ressources énergétiques ad hoc, mais aussi d'autre part, de la concentration des expor­tations dans des secteurs bien précis (phosphates notamment). Dans ce contexte, il est acquis que toute baisse des cours des produits énergétiques s'accom­pagnerait mécaniquement d'une réduction du déficit commercial. De plus, il faut voir dans le développe­ment des exportations liées aux secteurs automobile ou aéronautique, par exemple, un facteur amélioratif supplémentaire sur la balance commerciale.

F.N.H. : Depuis 2011, l’encours de la dette publique est en forte hausse. D’abord, quel commentaire pouvez-vous faire sur son niveau (78,2% du PIB) et comment le Maroc peut-il y remédier actuellement pour éviter des scénarios de type Grèce ou Espagne ?

H. A. B. : Tout d'abord, un endettement public à 78% du PIB est loin d'être un chiffre particulièrement choquant, si l'on devait par exemple évoquer la dette publique française qui dépasse les 90% actuelle­ment, et en rappelant les critères d'orthodoxie et de convergence de Maastricht qui fixent la dette publique à 60% du PIB.

De plus, si l'on évoque les différents projets structu­rants (infrastructures routières, portuaires, aéropor­tuaires, investissements productifs…) récemment réalisés dans le pays, et qui ne sont pas tributaires du seul segment touristique, l'endettement peut être facilement perçu comme un effet de levier davantage qu'un frein au développement. Dans ce contexte, nous sommes bien loin, à court et à moyen termes, de scénarios catastrophes.

F.N.H. : Les prévisions pour 2016 varient d’un organisme à un autre et la différence est parfois palpable. Quelles sont, à ce sujet, les prévisions d’Euler Hermes ?

H. A. B. : De fait, la croissance du PIB au Maroc dépend pour 50% environ de la performance pluvio­métrique. Il est à ce titre bien tôt pour se prononcer, mais nous pouvons anticiper une hypothèse basse à 2,5 ou 3% de croissance en cas de faibles précipita­tions et une hypothèse haute à 5 ou 5,5% en cas de bonne campagne agricole.

Propos recueillis par Soubha Es-siari

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