L’économie change. La finance change. Le monde change. Notre vie change.
Et de manière radicale. Un changement profond induit par l’immixtion des nouvelles technologies dans notre quotidien. Quel modèle de gouvernance faut-il alors mettre en place pour accompagner la digitalisation de la société ?
Aujourd’hui, en effet, la transformation digitale monopolise les débats et suscite nombre de questionnements, tant elle se déteint sur notre vie professionnelle et privée et influence considérablement l’évolution de notre société. C’est sous cet angle qu’il faut apprécier le colloque organisé récemment par CIH Bank sur «Les enjeux de la transformation», le premier d’une série de rencontres que la banque compte organiser autour de ce thème. «Nous avons toute la légitimité pour initier une rencontre sur ce sujet, puisque CIH Bank s’est engagé sur ce chantier depuis maintenant quelques années. D’ailleurs, nous venons de terminer la transformation de notre système d’information pour accompagner les mutations induites par le digital», précise Ahmed Rahhou, président de la banque. «Nous disposons actuellement d’une plateforme évolutive qui permet à CIH Bank de s’adapter et faire face à toutes les évolutions technologiques éventuelles à venir», confirmet-il.
Cette stratégie d’anticipation, que l’on peut aussi appeler mesure de précaution, est dictée par le fait qu’en seulement un demisiècle, le monde a complètement changé, sans que l’on sache vraiment où va nous mener cette transformation digitale. Si l’Homo erectus est enterré dans la trappe de l’histoire, nous vivons maintenant une nouvelle ère dominée par… l’Homo numéricus.
Troisième révolution industrielle
A en croire le paléoanthropologue de renommée international, Pascal Picq, qui aura fait une brillante intervention lors de ce colloque, ce n’est pas la première fois que le monde est confronté à un tel bouleversement. Toutes les grandes phases de l’évolution de l’humanité ont eu des impacts conséquents sur le mode de vie de nos sociétés. C’est le cas de la révolution industrielle avec, entre autres, l’apparition des bateaux à vapeur et le boom ferroviaire, des trente glorieuses, période de forte croissance économique caractérisée par l’émergence des classes moyennes, ou encore de ce que Picq appelle la troisième révolution industrielle, à savoir le 5ème cycle de Kondratieff (théorie des cycles économiques développée par l'économiste russe) annonciateur d’une nouvelle ère de prospérité. Ce dernier, caractérisé entre autres par l’émergence de la toile et des réseaux sociaux, aura permis à au moins 1 Md de personnes de sortir de l’extrême pauvreté. Mais la montée en force du numérique n’a pas le même impact partout. «Elle s’est accompagnée d’une détérioration de la classe moyenne en Europe», fait remarquer Pascal Picq, non sans noter que tout cela impacte la gouvernance mondiale. Aujourd’hui, la question posée est de savoir quel modèle mettre en place pour accompagner cette évolution, surtout dans un monde happé par ce que Picq appelle l’«appisation» (toutes ces applications pratiques que l’on utilise dans notre quotidien pour choisir un restaurant, prendre le train…), et où se côtoient intelligence artificielle, big data, blockchain, robotisation, startupisation, imprimantes 3D… Pascal Picq dit à ce titre que «nous co-évoluons et la troisième co-évolution est en marche».
«Plus un écosystème est riche et complexe, plus les espèces se rendent des services mutuels, plus ce système est pérenne et résiste à des espèces invasives, et chaque acteur reçoit plus que s’il agissait seul», explique-t-il. Par ailleurs, souligne Picq, «les espèces qui survivent ne sont pas les plus fortes ni les plus intelligentes, mais celles capables de s’adapter». En clair, aujourd’hui, dans ce monde frappé par la transformation digitale, seules survivront les entreprises créatives et innovantes. Pour autant, nuance Pierre Pasquier, président du Groupe Sopra Steria, leader européen de la transformation qui revendique un chiffre d’affaires de 3,5 milliards d’euros et emploie 40.000 ingénieurs, il n’y a pas de recettes uniques. «Chaque entreprise fait la digitalisation à sa manière, selon ses spécificités», relève-t-il, faisant remarquer que la digitalisation ne remet pas en cause les banques classiques, protégées par la régulation, et que les blockchain peuvent vivre sans compromettre les banques.
D. William
Et CIH Bank dans tout ça ?
La banque présidée par Ahmed Rahhou a entamé son virage digital depuis maintenant quelques années, et s’est mise dans les meilleures dispositions pour produire et innover afin de répondre aux attentes de sa clientèle. «Notre objectif est de rééquilibrer la relation banque-client à travers le partage en temps réel de l’information. En d’autres termes, nous rendons le pouvoir aux clients», précise Rahhou, tout en soulignant que CIH Bank s’adapte à ce nouvel environnement par sa capacité à répondre aux besoins de la clientèle, tout en faisant face à la concurrence et à l’arrivée de nouveaux entrants dans le secteur bancaire. «Dans le futur, les banques vont perdre le monopole en tant qu’intermédiaire sur beaucoup de services financiers», dit-il à raison. L’arrivée annoncée des comptes sans banques en est une preuve.
De même, fait-il remarquer, «les banques vont s’ouvrir à des métiers qui ne sont pas forcément les leurs et utiliser leurs réseaux pour proposer d’autres prestations». C’est le cas avec le paiement des taxes locales, de la vignette automobile… Pour autant, Rahhou ne croit pas au tout digital, mais plutôt à un mix entre les technologies et l’humain. Ce qu’il qualifie de banque bionique. Car, même si, comme il le dit si bien, la confiance se digitalise de plus en plus avec notamment l’arrivée des blockchain, il faut toujours un point physique de contact pour entretenir la proximité avec la clientèle. «Cet aspect humain est très important, surtout quand on sait que les banques, comme les médecins, sont des interlocuteurs privilégiés à qui on raconte tout», dit-il. Une chose est sûre en tout cas, et les points de vue des différents intervenants convergents dans ce sens : il faut impérativement prendre le train de la digitalisation. Quand bien même on ne sait dans quelle gare il va s’arrêter.