Traiteurs : «90% des acteurs n’ont pas réalisé d’opération depuis le début de la pandémie»

Traiteurs : «90% des acteurs n’ont pas réalisé d’opération depuis le début de la pandémie»

Les professionnels ont accusé des pertes colossales, notamment à cause de l’arrêt de leurs activités depuis le début du confinement.

Pour remédier aux effets de cette crise, le Comité de veille économique (CVE) vient de conclure un contrat-programme avec le secteur.

Abdelrhni Bensaid, traiteur et 1er vice-président de la Fédération des traiteurs professionnels au Maroc, nous décrypte la situation.

 

Propos recueillis par S. Kassir (Stagiaire)

 

Finances News Hebdo : Quel rôle joue le secteur des traiteurs dans l’économie nationale ?

Abdelrhni Bensaid : Pas du tout facile de répondre à cette question, puisque le secteur du traiteur n'est pas encore régi par une loi qui pourrait définir des normes précises à respecter à tous les niveaux. Cela n'empêche que je peux avancer que son rôle est des plus importants pour l'économie de notre pays.  La participation du traiteur est claire.

C'est un acteur économique qui fait travailler plusieurs secteurs, de l'importateur des produits de luxe jusqu'au petit artisan marocain qui confectionne les théières et les plateaux en argent. Il consomme tous les produits que vous pouvez imaginer  : fromage, poissons, viande, poulet, œufs, légumes, fruits, boissons, produits et matériel de pâtisserie et de cuisine, bois, fer, tissus, assiettes, verres... 

Il participe également à l'économie sociale en faisant travailler des jeunes sans diplômes, voire exclus du processus économique et qui apprennent avec le temps un métier. Il contribue à la sécurité économique de toutes les tranches de la population et à leur autonomie. Je peux exprimer avec modestie que le traiteur est une école de valeurs participatives. 

 

F.N.H. : Quelle est l’ampleur de la crise liée à la pandémie de la Covid-19 sur le secteur ? 

A. B. : Malheureusement, nous n’avons pas un chiffre exact des pertes à vous communiquer. Mais je vous assure que 90% des acteurs de cette activité n’ont pas réalisé d’opération depuis le début de la pandémie, plongés en «activité zéro». Le Coronavirus n’a pas fait de différence entre petites et grandes enseignes, ni entre celui qui travaille dans le formel et l’informel pour plonger tout le secteur du traiteur dans un marasme profond. L’activité est en arrêt depuis le 9 mars.

 

F.N.H. : Comment avez-vous réagi en tant que Fédération pour atténuer les effets de la crise sur les professionnels ?

A. B. : Au début de la pandémie, notre fédération a lancé une opération de soutien aux personnels exerçant dans le secteur, et plus précisément les serveurs. On pensait que la crise allait durer le temps du confinement imposé par le gouvernement. Malheureusement pour nous, cela n’a pas été le cas; nous sommes jusqu'à présent en arrêt d'activité. Pas de cérémonie, pas de funérailles, comme l'avait exprimé le chef du gouvernement devant la presse.  Les pertes sont colossales chez le petit comme le grand traiteur. Tout le secteur est en souffrance. Notre fédération n'a malheureusement ni fonds ni subventions pour venir en aide à la profession.

La seule solution pour atténuer cette crise est de les laisser travailler. Pour cela, notre fédération n'est pas restée les bras croisés; nous avons adressé plusieurs correspondances pour libérer l'activité et permettre aux traiteurs de reprendre leur travail. Plusieurs articles et interviews ont été réalisés avec la presse; nous avons rencontré plusieurs responsables du gouvernement. Depuis, des promesses mais rien de concret.  Le traiteur aura du mal à se relever, surtout qu’il a passé la haute saison des mariages sans aucune réception. Il s’agit d’un véritable cataclysme et d’une catastrophe sans précédent. Le traiteur est confronté aujourd’hui à une montagne de difficultés avec cette crise. Imaginez 7 mois sans un sou dans sa caisse. Si notre fédération était habilitée à donner le feu vert pour la reprise de l'activité, elle l'aurait fait, parce que chaque jour nous constatons des fermetures. 

 

F.N.H. : Comment qualifieriez-vous les dernières mesures de relance prises par le gouvernement en faveur des traiteurs ?

A. B. : Le crédit «Damane Relance» est une mesure qui a été prise bien avant la date de la réunion du comité de soutien Covid-19 tenue lundi 5 octobre. Les traiteurs structurés avaient déjà bénéficié de ce crédit octroyé à concurrence de 10% du chiffre d'affaires réalisé en 2019, et remboursable avec un différé de deux ans. Oui, il est très utile du moment où le traiteur a déserté ses cuisines pour pouvoir produire, vendre et subvenir à ses besoins. Cela lui permettra de payer les différentes charges fixes et ses fournisseurs. Pour celui qui exerce ce métier dans l'informel, malheureusement, il ne pourra pas obtenir ce crédit Damane Relance.

La nouvelle qui a soulagé quelques traiteurs, et je dis bien quelques traiteurs, c'est la procédure d’indemnisation des employés déclarés à la CNSS en arrêt temporaire d’activité; les fameux 2.000 DH octroyés aux employés du secteur jusqu'au mois de décembre. Je me demande pourquoi ce soutien a été interrompu en juillet et en août. Pourtant, le secteur était et est toujours en arrêt, alors que ce soutien a été maintenu pour le secteur du tourisme. Dans tous les cas, elle reste une mesure importante prise par le Comité de veille économique pour éviter des licenciements. 

 

F.N.H. : Peut-on estimer que la signature de ce contrat-programme avec les traiteurs est capable de réorganiser le secteur afin de combattre l’informel et structurer l’activité de l’ensemble de ces professionnels ?

A. B. : Combattre l'informel n'est pas du tout facile. La réorganisation du secteur du traiteur prendra certainement du temps. Il faut travailler avec le ministère de l'Industrie et du Commerce sur un projet de loi et un cahier des charges. Car aujourd'hui, il suffit de créer une société ou une entité personnelle pour se proclamer traiteur, sans le respect d’aucune norme d'hygiène ni de sécurité sanitaire.  Notre fédération (FTPM) et la fédération marocaine des traiteurs (FMT) défendent toutes les deux les intérêts de ce métier. Avec d'autres professionnels du secteur, nous sommes en train de préparer des projets que nous allons soumettre au ministère de tutelle pour étude afin d’avoir une loi qui régira le secteur, mettra de l'ordre et protégera le traiteur. 

 

F.N.H. : Dans cette période de crise, quels plans prévoyez-vous pour la relance de l’activité ?

A. B. : Le seul et l'unique plan pour une relance progressive du secteur est d'autoriser les traiteurs à travailler. Avec bien sûr l'exigence de respecter toutes les normes de sécurité sanitaire et de distanciation. Dans un premier temps, les réceptions pourraient être limitées à un nombre de 100 personnes, voire 80. L'Etat et les professionnels doivent travailler ensemble afin d'éviter des fermetures et des pertes d'emplois.

 

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