Fort de sa diversité agricole et de son savoir-faire ancestral, le Maroc cherche à se faire une place de choix sur les étals des marchés internationaux. Cette volonté passe par la valorisation de ses produits, notamment ceux du terroir, de plus en plus prisés pour leur caractère authentique et raffiné.
Par Ibtissam Z.
Pour se démarquer, le Royaume mise sur sa richesse agricole et affiche son plein potentiel lors des événements d’envergure, à l’image du Salon international de l’agriculture au Maroc (SIAM) qui se tient actuellement dans la ville de Meknès. Mais le Maroc ne se contente pas de cultiver ses terres, il soigne aussi son image. En février 2025, il est devenu le premier pays étranger à l’honneur au Salon international de l’agriculture de Paris. Une reconnaissance qui témoigne de l’attractivité croissante de ses produits à l’international.
«Lors du SIAM ou du Salon international de l’agriculture de Paris, les produits marocains sont applaudis. Mais au-delà des stands et des discours, ce qu’il nous faut désormais, c’est une présence cohérente, lisible et ambitieuse, portée par une identité claire. Dans un monde où les repères s’effondrent, où la confiance se cherche et où l’origine devient un argument stratégique, la montée en gamme des produits agricoles marocains n’est plus un choix. C’est une nécessité patriotique. Une urgence économique. Une opportunité historique», souligne Adil Lamnini, président de l’Association professionnelle des marques marocaines. Et d’ajouter : «Porté par des engagements politiques clairs, des entrepreneurs audacieux et une jeunesse rurale de plus en plus formée, le Maroc a toutes les cartes en main pour faire de ses produits du terroir des étendards de son soft power. À condition de renforcer trois piliers : la traçabilité, la labellisation et l’organisation collective».
Les clés d’entrée sur les marchés internationaux
En 2022, les exportations marocaines de produits alimentaires agricoles et de la mer ont atteint un record de 80 milliards de dirhams, en hausse de près de 20%. Les fruits et légumes frais ont fortement contribué à cette performance, avec 2,3 millions de tonnes exportées. Les fruits rouges, en particulier, ont bondi de 20%, atteignant 131.900 tonnes. Mais cette dynamique ne se résume pas à une question de quantité ou de volume. Aujourd’hui, la qualité prime et est au cœur de la compétitivité.
Face aux exigences croissantes des consommateurs en matière de qualité, traçabilité et certification, l’Agence pour le développement agricole (ADA) joue un rôle clé. Elle accompagne les producteurs, grands et petits, dans l’adoption de technologies modernes et veille au respect des normes internationales. L’ADA facilite ainsi l’accès aux formations et outils nécessaires pour garantir des produits marocains conformes aux attentes des marchés étrangers. Les labels de qualité, comme l’indication géographique protégée pour l’huile d’argan ou les agrumes, sont devenus des atouts majeurs pour se démarquer. En 2023, 37 produits marocains ont été labellisés, dont 30 indications géographiques, 5 appellations d’origine et 2 labels agricoles. Ces produits couvrent une large gamme, incluant les huiles d’olive et d’argan, les fruits frais et secs, les plantes aromatiques et médicinales, sans oublier certains produits d’origine animale. Ces produits phares du terroir marocain séduisent de plus en plus les marchés européens, nord-américains et asiatiques, où la demande pour des produits de qualité est en nette progression.
«En passant du monde VUCA (volatilité, incertitude, complexité et ambiguïté) vers le monde BANI (fragile, anxieuse, non-linéaire et incompréhensible), les consommateurs ne veulent plus simplement consommer. Ils veulent comprendre, choisir et s’engager. La traçabilité devient dès lors une exigence démocratique autant qu’un levier économique», précise Lamnini. Pour lui, grâce aux efforts de Morocco Foodex, à l’essor des plateformes digitales agricoles et à l’intégration de QR codes, la traçabilité commence à se démocratiser. Toutefois, il tire la sonnette d’alarme sur les disparités qui persistent.
«Nos petits producteurs, souvent porteurs d’une richesse exceptionnelle, peinent encore à formaliser leurs pratiques et à accéder aux outils technologiques nécessaires. C’est ici que l’État, les collectivités et les organisations professionnelles doivent intervenir. Il est clair que la traçabilité ne doit pas être un luxe d’exportateurs structurés, mais un droit pour tous les producteurs marocains», insiste-t-il. La labellisation est l’arme douce de la montée en gamme. Mais la route vers cela est semée d’embûches. Si la demande est là, les défis techniques et humains restent nombreux. La certification des labels exige des normes rigoureuses, souvent difficiles à respecter pour les petits producteurs qui manquent de moyens. «La qualité ne doit pas être l’apanage des grandes exploitations. Le Maroc regorge de petits producteurs, de coopératives, de familles rurales qui détiennent un savoirfaire unique, souvent transmis par plusieurs générations. Le défi est de leur donner les outils, les débouchés et la reconnaissance qu’ils méritent», explique Lamnini.
Et de préciser : «la labélisation, lorsqu’elle est bien accompagnée, permet de transformer une production agricole en fierté nationale exportable. Nous l’avons vu avec l’argan, le safran ou encore l’huile d’olive bio. Ces produits, lorsqu’ils sont portés par des labels clairs, justes et visibles, accèdent à des marchés premium et imposent une narration positive du Maroc». «D’ailleurs, au sein de l’Association des marques marocaines, nous croyons fermement que le label «Made in Morocco» peut devenir une infrastructure immatérielle aussi stratégique qu’un port ou qu’un parc industriel. Il fédère, il rassure et il distingue», dixit Lamnini.
Le président de l’APMM assure que leur ambition est d’en faire un passeport de qualité pour tous les produits agricoles qui respectent des critères de durabilité, d’éthique et d’authenticité. «Il ne s’agit pas de dupliquer des modèles européens, mais de bâtir une signature marocaine forte, enracinée dans nos territoires et tournée vers l’international. A travers le label Made in Morocco, nous accompagnons aujourd’hui plusieurs initiatives pilotes, en particulier dans le bio, les produits de terroir et les zones de montagne. L’objectif est clair : ne laisser aucun producteur de qualité en marge de la montée en gamme nationale. En structurant les filières, la labélisation permet de renforcer la formalisation et l’organisation en groupements ou en groupement d'intérêt économique (GIE), augmenter la valeur captée localement via la différenciation du produit. Et enfin, stimuler la fierté rurale, en redonnant au métier d’agriculteur la dignité et la reconnaissance qu’il mérite», affirme-t-il.
L’enjeu est de créer une synergie entre la modernisation technologique et la préservation de l’authenticité des produits. Une combinaison stratégique qui facilite l’accès aux marchés internationaux. À travers le label Made in Morocco, le Royaume affirme son engagement en faveur d’une amélioration continue de la qualité de sa production agricole pour renforcer durablement la compétitivité du secteur.