Tourisme: un faisceau de mauvais signaux qui plombent le secteur

Tourisme: un faisceau de mauvais signaux qui plombent le secteur

L’annulation de l’Assemblée générale de l’OMT, initialement prévue à Marrakech, est un nouveau coup dur porté au secteur.

L’inconstance des mesures sanitaires contraint les opérateurs touristiques à continuer à faire du pilotage à vue.

 

Par D. William

 

 

Le secteur touristique touche le fond. Il vient d’encaisser un nouveau coup dur avec la décision du Royaume de renoncer à accueillir, à Marrakech, la vingt-quatrième session de l’Assemblée générale de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). C’est Madrid qui héritera finalement de cet événement majeur du secteur touristique, du 30 novembre au 3 décembre. Une décision qui met les opérateurs du secteur hors d’eux.

«En prenant la décision de renoncer à accueillir l’AG de l’OMT à Marrakech, en raison de «l’évolution de la situation mondiale actuelle, liée à la pandémie de la Covid-19», le Maroc plonge tout le monde dans le flou le plus total, étant donné que les chiffres officiels démontrent que la pandémie est parfaitement maîtrisée au Maroc et que des avancées majeures ont été faites en matière de vaccination», peste Zoubir Bouhout, directeur du Conseil provincial du tourisme (CPT) d’Ouarzazate.

En effet, si l’on se fie uniquement aux indicateurs sanitaires du Royaume, cette décision ne saurait être justifiée. Sur fond de campagne de vaccination parfaitement orchestrée, tous les chiffres sont en nette amélioration depuis plusieurs semaines, ce qui a légitimé d’ailleurs l’assouplissement des mesures restrictives, avec, entre autres, un couvre-feu porté de 21H à 23H.

Ce que confirme Bouhout, pour qui, effectivement, «la situation épidémiologique s'est nettement améliorée ce dernier mois, puisque le nombre de nouveaux cas est passé de 2.412 contaminations le 17 septembre, avec une moyenne hebdomadaire de 2.322 cas, à 424 nouveaux cas le 23 octobre, pour une moyenne hebdomadaire de 316 contaminations. Les décès sont également passés de 53 au 17 septembre et 56 décès en moyenne hebdomadaire, à 6 décès le 23 octobre, pour une moyenne hebdomadaire de 10 décès. Côté vaccination, au 19 octobre, 57,2% de la population sont complètement vaccinées et 63,2% ont déjà pris leur 1ère dose». Selon lui, «ce sont autant de points forts et positifs du Maroc, qui devraient être capitalisés et qui pourraient servir d'arguments pour accueillir d'autres événements et davantage de touristes».

Les autorités marocaines ne sont visiblement pas de cet avis; et leur volonté d’éviter les cas importés, à travers l’organisation de manifestations internationales, est la seule lecture qu’on peut faire de leur décision. Il est vrai que l’évolution de la pandémie dans certains pays incite à la prudence, voire est plus que préoccupante. La Russie, qui fait face à une flambée épidémique sans précédent, enregistre ces dernière semaines une moyenne de 1.000 décès au quotidien.

Pareil au Royaume-Uni où le nombre de cas a explosé, et en Bulgarie qui connaît une saturation de son système sanitaire. L’Allemagne, également, fait face à une remontée des cas. Plus globalement, il y a un rebond de la pandémie en Europe, tandis qu’en Chine plus de 4 millions de personnes ont été confinées dans le nord du pays après la recrudescence des contaminations «liées aux déplacements d'un groupe de touristes».

Principe de précaution

Les autorités marocaines ontelles poussé trop loin le principe de précaution en refusant d’accueillir l’AG de l’OMT ? En tout cas, les opérateurs touristiques ne cachent pas leur colère, car le Maroc a manqué l’occasion de montrer, aux yeux du monde, sa capacité à bien gérer la pandémie et à offrir aux touristes un cadre d’épanouissement sécurisé. Au contraire, les autorités multiplient les mauvais signaux à l’égard des touristes, contribuant à maintenir la tête dans l’eau un secteur déjà fortement sinistré. L’instauration subite du pass vaccinal, sans modalités d’application, va dans ce sens.

«Il fallait prévoir un préavis et des actions de sensibilisation qui devaient être pensées avec les opérateurs du tourisme. Le pass vaccinal pouvait constituer un argument et un élément facilitateur de l'activité et non un handicap de plus», souligne Bouhout. Par ailleurs, la multiplication des interdictions de vols en provenance de et vers certains pays est un rempart de plus contre la reprise de l’activité touristique.

Derniers pays qui sont venus grossir la liste : la Russie, le RoyaumeUni, les Pays-Bas et l’Allemagne. Ce qui n’est pas du tout du goût des opérateurs. Pour Zoubir Bouhout, «la coupure des liaisons aériennes avec la Russie, puis l’Allemagne, les PaysBas et le Royaume-Uni, qui sont l’un de nos principaux marchés émetteurs (8,8% des nuitées ont été assurés par les touristes du Royaume-Uni et 6,91% par les touristes allemands en 2019), aura pour conséquence l'effritement du mouvement des touristes en provenance de ces pays en faveur d'autres destinations touristiques». En cela, poursuit-il, «les résultats n'ont pas tardé, puisqu’à l'aéroport de Marrakech, 42 rotations avec le Royaume-Uni, l'Allemagne et la Hollande ont été annulées au cours de cette semaine».

D’ailleurs, des mesures dérogatoires ont dû être prises pour autoriser des vols afin de pouvoir rapatrier les citoyens néerlandais et britanniques bloqués dans le Royaume. Ces mesures intempestives ne sont pas rassurantes et sapent la confiance des voyageurs. Surtout, elles ne plaident pas du tout en faveur de la destination Maroc. «Les touristes s’inquiètent, puisqu'on annule des vols à la dernière minute et sans préavis et ils courent le risque de se retrouver bloqués une fois au Maroc. On craint l'installation d'un climat de méfiance de la part de touristes potentiels des autres nationalités», se désole-t-il.

Cet environnement défavorable contraint les opérateurs touristiques à ne pouvoir ni investir, encore moins planifier à moyen terme. Ils en sont réduits à faire du pilotage à vue, au jour le jour, voire à des calculs d’épicier. Car, en peu de temps, le Maroc a pris «trois décisions très inquiétantes et incompréhensibles qui auront des effets négatifs sur un secteur qui connait une grave crise depuis plus de 18 mois», avertit Bouhout. En effet, ce manque de visibilité chronique augure de perspectives peu prometteuses d’ici la fin de l’année et va compromettre la petite embellie enregistrée en été, grâce à la réouverture des frontières nationales.

A fin août, et selon les chiffres de la Direction des études et des prévisions financières (DEPF), le flux des touristes s’est accru de 16,2% à près de 2,5 millions d’arrivées, après 2,1 millions à fin août 2020 et 9,3 millions à fin août 2019, faisant passer la baisse de ces arrivées par rapport à leur niveau pré-crise de -77% à fin août 2020 à -73,3% à fin août 2021. Rien que pour la période juin-août, le Maroc a enregistré au total près de 2 millions d’arrivées, après 165.000 un an auparavant, pour une part de touristes étrangers de 28%, après 10,8% un an plus tôt.

«Comparée à la même période de 2019, le recul de ces arrivées s’est réduit à -60,2%, après -97% un an auparavant», précise la DEPF. Côté recettes, elles ont atteint 12,9 milliards de DH durant la période juinaoût 2021, après 4,8 milliards un an plus tôt et 24,1 milliards à la même période de 2019. Et au terme des huit premiers mois de 2021, ces recettes se sont repliées de 17,6% en une année, à 20,3 milliards de dirhams, et de 61,5% par rapport à fin août 2019. En cela, au regard de l’inconstance et, parfois, du manque de cohérence des règles sanitaires, les opérateurs touristiques vont devoir se résoudre à faire une croix sur l’exercice 2021. Et espérer un rebond en 2022, en misant surtout sur le tourisme interne.

 

 

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