Tourisme : «Atteindre les objectifs fixés nous impose de disposer d’une capacité litière suffisante»

Tourisme : «Atteindre les objectifs fixés nous impose de disposer d’une capacité litière suffisante»

Avec un chiffre record de 13,1 millions de visiteurs à fin septembre 2024, le Maroc confirme son attractivité et sa résilience face aux contraintes postpandémiques. Dans cette interview, Said Tahiri, expert en tourisme, décrypte les leviers qui ont permis cette performance remarquable et revient également sur les défis à relever pour maintenir cette dynamique et atteindre les ambitions fixées à l'horizon 2030.

 

Propos recueillis par M. Ait Ouaanna

Finances News Hebdo : A fin septembre 2024, le Maroc a accueilli 13,1 millions de touristes, un record historique. Quelle lecture faitesvous de ce chiffre et quels sont, selon vous, les facteurs clés qui ont permis de réaliser une telle performance ?

Said Tahiri : Ce qui est certain, c’est que ces performances ne sont pas le fruit du hasard. Ce chiffre record illustre la résilience et l'attractivité du Maroc en tant que destination touristique. Pour comprendre cette performance, nous devons rappeler d’abord que le tourisme au Maroc a vécu des temps durs depuis les années Covid. Une pandémie qui s’est abattue sur le monde et qui n’a pas épargné notre pays. Heureusement, il y a eu un travail de fond, d’abord par le gouvernement, le ministère de tutelle et la Société marocaine d'ingénierie touristique (SMIT), qui ont mis en place plusieurs programmes à coup de milliards de dirhams, dans lesquels se sont inscrits les professionnels, particulièrement les hôteliers. Cela nous a permis de mettre à niveau notre produit, de rénover les hôtels, de maintenir la qualité des lieux d’hébergement et, surtout, de ne pas perdre l’expertise et le savoir-faire de ceux qui travaillaient dans le secteur et qui risquaient de partir sous d’autres cieux. Cette performance est également le résultat d’une stratégie de promotion efficace pilotée d’une main de maître par les équipes de l'ONMT qui, malgré les moyens limités, ont lancé des campagnes de marketing ciblées. Rappelezvous la campagne «Maroc, terre de lumière», lancée le 22 avril 2022, simultanément dans 22 pays, pour corriger les effets de la pandémie. Elle a permis de mettre l’accent sur la diversité de l’offre touristique, et le Maroc a su se positionner comme une destination sécurisée, variée, allant du tourisme culturel et balnéaire à l'écotourisme et l’aventure, attirant ainsi des profils de visiteurs diversifiés. L’ONMT a également fait un immense travail de terrain, pour aller voir les clients là où ils étaient, pour les rassurer, leur confirmer la stabilité et la notoriété de notre destination. Ce travail de proximité était particulièrement concluant auprès de plusieurs compagnies aériennes qui ont multiplié les routes qui desservaient notre pays et ont développé le point à point, facilitant ainsi l’accessibilité aérienne à notre destination. Les professionnels se sont également inscrits dans cette dynamique et n’ont pas hésité à prendre leur bâton de pèlerin, et de sortir les dernières économies qui leur restaient pour aller voir les clients dans les différentes foires et salons internationaux. Ils étaient aussi très bien représentés par la Confédération nationale du tourisme (CNT) et leurs fédérations métiers, notamment la Fédération nationale de l'industrie hôtelière (FNIH) et la Fédération nationale des agences de voyage du Maroc (FNAVM). Celles-ci ont veillé à accompagner les autorités de tutelle à installer cette dynamique vertueuse du secteur du tourisme, à travers une feuille de route bien étudiée à l’horizon 2026-2030. Si bien que pour la première fois de l’histoire de notre pays, nous dépassions en 2023 les seuils de 14,3 millions de touristes et 105 milliards de dirhams de recettes en devises. Cette dynamique continue et les résultats sont là : Plus de 13,1 millions de touristes à fin septembre, et plus de 76 Mds de DH de recettes en devises à fin août. C’est juste exceptionnel et ça confirme l’énorme potentiel du tourisme pour porter le développement économique et social de notre pays.

 

F.N.H. : L’augmentation de la capacité litière à plus de 13.000 lits d’ici 2026 est une priorité pour le ministère. Quels sont les principaux défis à relever pour atteindre cet objectif et comment les acteurs privés du secteur hôtelier peuventils y contribuer ?

S. T. : Atteindre les objectifs fixés dans le cadre de la feuille de route nous impose de disposer d’infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires et hospitalières de qualité, mais également d’une capacité litière suffisante, afin d’absorber les flux de touristes souhaitant se rendre dans notre pays. Nous sommes donc amenés à relever plusieurs défis. Il s’agit tout d’abord de celui du financement et des investissements. Les acteurs privés doivent investir massivement dans la construction de nouvelles capacités, mais aussi dans la rénovation et l’adaptation des structures existantes aux normes internationales. Autre défi : celui de la formation et du développement du capital humain, car nous ne vendons pas du marbre à nos clients, mais plutôt une expérience de vie qui met en valeur notre culture, notre histoire, notre gastronomie, nos messages de paix et notre patrimoine plusieurs fois millénaires. Cette richesse ne peut être partagée que par des femmes et des hommes bien formés dans l’excellence et qui disposent d’un confort de vie suffisant pour leur permettre d’exercer leur métier et de faire monter en capacité la qualité de leur service. Parmi les défis, figure également le soutien réglementaire, puisque les procédures administratives liées aux permis de construire et d’exploitation devront être simplifiées et les incitations fiscales renforcées pour encourager les investissements privés.

 

F.N.H. : L’Office national marocain du tourisme (ONMT) a récemment relancé sa campagne «Ntla9awfbladna» pour promouvoir le tourisme interne. Comment ce dernier peut-il contribuer à l'atteinte des objectifs touristiques du Royaume ?

S. T. : Le tourisme interne est un levier essentiel pour assurer une croissance soutenue et résiliente. Il contribue à la stabilité des flux touristiques, et représente un matelas permanent pour les opérateurs, puisqu’il permet de compenser la baisse des flux internationaux en période de crise. Aussi, la promotion du tourisme interne incite les Marocains à découvrir des régions moins fréquentées, ce qui favorise un développement territorial plus équilibré. La campagne «Ntla9awfbladna» a joué un rôle central en incitant les citoyens à redécouvrir leur pays et à dynamiser l'économie locale. D’autres propositions pourraient également favoriser le développement du tourisme interne. Il s’agit notamment de l’étalement des périodes de vacances sur trois régions administratives pour réduire la pression de la demande sur les établissements classés. Il est également question de la mise en place de chèques vacances défiscalisés, une proposition vue avec les autorités de tutelle et qui pourrait, si elle est appliquée, booster la consommation touristique des Marocains dans leur pays. F.N.H. : En termes de qualité de service, le ministère prévoit de former de nombreux professionnels du tourisme dans les années à venir. Comment cela peut-il influencer l’expérience touristique globale au Maroc ? S. T. : La formation continue et la montée en compétence des professionnels du tourisme ont un impact direct sur la qualité de l'expérience client grâce à l’amélioration du service. Des employés mieux formés peuvent offrir un service plus personnalisé et attentionné, ce qui améliore la satisfaction des visiteurs. Il faut aussi miser sur l’innovation et la créativité, car les formations axées sur les nouvelles technologies et les tendances mondiales permettent d'innover dans les services et les offres touristiques. Aussi, un personnel qualifié et multilingue renforce la réputation du Maroc comme une destination haut de gamme, capable de répondre aux exigences des voyageurs les plus exigeants. En formant un plus grand nombre de professionnels, le Maroc s’assure que sa montée en gamme ne se fait pas au détriment de la qualité de la prestation.

 

F.N.H. : Les programmes d’incubation lancés par la Société marocaine d'ingénierie touristique (SMIT) pour soutenir les TPME innovantes dans la gastronomie, le gaming et la digitalisation semblent prometteurs. Comment ces initiatives peuventelles transformer l'écosystème touristique marocain ?

S. T. : La SMIT a clairement joué un rôle central dans la dynamique positive de notre secteur, puisque les programmes d’incubation ciblant des TPME innovantes dans la gastronomie, le gaming, et la digitalisation ont assuré une transformation énorme pour le secteur. Grâce au suivi et à l’accompagnement qu’elle assure aux professionnels, la SMIT a grandement contribué à la diversification de l’offre touristique, avec des initiatives encourageant la création de nouveaux produits touristiques, notamment autour des nouvelles technologies et des expériences culturelles, enrichissant ainsi l’offre marocaine. Elle a réussi à valoriser des savoir-faire locaux, mettre en valeur des produits du terroir et a aidé les professionnels à offrir aux touristes des expériences uniques et authentiques. Ces programmes d’incubation ont également contribué au renforcement de l’écosystème numérique, permettant ainsi une meilleure gestion des flux touristiques, de nouvelles plateformes de réservation et une expérience plus fluide pour les visiteurs. Nous ne pouvons, en tant que professionnels, que saluer la performance de la SMIT et ses efforts déployés dans un contexte international très concurrentiel et des plus difficiles. 

 

 

 

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