Propos recueillis par B. Chaou
Finances News Hebdo : Quelle est la première formalité à accomplir pour faire reconnaître ses droits à une succession ?
Jad Aboulachbal : Lorsqu'une personne décède, il faut faire établir un acte d'hérédité constatant sa mort et désignant ses héritiers. Cet acte est reçu par les adouls lorsqu'il s'agit d'un musulman, par un notaire lorsque le défunt est un étranger non musulman, et relève de la compétence de la Chambre hébraïque du tribunal marocain lorsqu'il s'agit d'un Marocain de confession juive. On ne peut à ce titre que regretter que ne soit aussi conféré au notaire le droit d'établir un tel acte lorsqu'il s'agit d’un Marocain de confession musulmane. D'autant qu'en cas de successions internationales concernant des étrangers ou des Marocains résidant à l'étranger, les autres Etats ignorant souvent ce qu'est un adoul, il est pratiquement imposé au notaire marocain de jouer un rôle de médiation entre le notaire étranger et les adouls.
Si la succession est immédiatement transmise aux héritiers à l'instant du décès, l'établissement d'un tel acte est impératif pour que leurs droits puissent être opposables à tous et qu'ils puissent disposer de la succession. Un ou plusieurs des héritiers présumés doivent donc prendre attache avec un notaire ou avec des adouls en fournissant l'extrait d'acte de décès délivré par l'administration compétente. Il s'agit de s'assurer de la réalité du décès ainsi que des droits des héritiers et des éventuels légataires, si un testament a été fait, à travers justificatifs et témoignages avant de pouvoir recevoir l'acte et recueillir la signature des héritiers et témoins.
F.N.H. : Sur quoi porte une succession ?
J. A. : La succession est la transmission du patrimoine d'une personne décédée à une ou plusieurs autres qui peuvent être ses héritiers légaux ou ses légataires. Pour les biens localisés au Maroc, les héritiers légaux sont désignés en vertu du droit musulman si le défunt est de confession musulmane, et cela qu'il soit Marocain ou étranger, en vertu du droit hébraïque s'il est Marocain et juif, et en vertu du droit successoral de sa nationalité s'il est étranger et qu'il n'est pas de confession musulmane. En l'absence de testament, les seuls susceptibles d'hériter sont les héritiers légaux tels qu'ils sont déterminés par le droit applicable précédemment évoqué.
Mais si un testament est établi, il ne produira ses effets que s'il est valide par rapport au droit applicable à la succession. A titre d'exemple, un musulman ne peut léguer en vertu d'un testament plus d'un tiers de son patrimoine à son ou ses légataires et un Français se voit interdit de déshériter totalement son enfant. Voilà pourquoi il est fortement suggéré à toute personne qui souhaite prendre des dispositions testamentaires de recourir à un expert de ces questions avant de le faire, pour être certain que sa volonté régulièrement exprimée puisse produire effet à sa mort.
F.N.H. : Qu’en est-il de la donation ?
J. A. : Le testament doit être distingué de la donation. Celle-ci est un contrat conclu entre celui qui donne, le donateur, et celui qui reçoit, le donataire, afin de produire effet du vivant des parties. Elle ne relève donc pas de la succession au sens strict qui, elle, ne concerne que les biens du défunt à sa mort. Certaines donations sont tout de même susceptibles d'être annulées à la mort du donateur en raison du droit applicable à sa succession, si elles ont porté atteinte au droit d'un héritier légal protégé comme c'est le cas par exemple pour les successions de Français.
F.N.H. : Pensez-vous que la signature à distance par voie électronique faciliterait les procédures notariales ?
J. A. : En l'état actuel du droit applicable, la loi 32-09 qui régit le notariat impose la signature de l'acte en l'office notarial. La raison en est que le notaire ayant la mission de s'assurer de l'identité et de la capacité des comparants doit pouvoirêtre en mesure de le faire et que la rencontre physique est la meilleure garantie possible. Cependant, si un système de signature à distance présentant toutes les garanties de sécurité pouvait être mis en place, cela pourrait être à terme envisagé.
Mais il faut comprendre que si cela n'était pas totalement sécurisé, le remède aux difficultés de mobilité physique serait bien pire que le mal, car il ferait naître un doute sur la validité de tous les actes ayant fait l'objet d'une telle procédure. Notre profession réfléchit à ces questions et peut-être une évolution des choses à terme sera-t-elle possible en la matière. Mais pour cela, il faudrait que les pouvoirs publics appréhendent cette question avec l’Ordre national des notaires dans le strict respect des principes de prudence, de concertation et d'humilité avant d'apporter toute modification législative.