Le problème de la rareté de l'eau ne peut être résolu en quelques mois, mais requiert une nouvelle stratégie.
118 milliards de m3 d’eau s’évaporent ou sont déversées dans la mer.
Par C. Jaidani
Le Maroc passe par une situation de stress hydrique inédite. Auparavant, les stocks en eau des barrages jouaient le rôle de pare-chocs contre cet aléa, mais actuellement les réserves sont dans une situation inquiétante.
Nizar Baraka, ministre de l’Equipement et de l’Eau, a dernièrement tiré la sonnette d’alarme, expliquant que le déficit en eau est principalement dû à la baisse importante des ressources hydriques. Celles-ci ont diminué de 85% en raison des faibles précipitations et à la baisse du volume des chutes de neige (la superficie enneigée est passée de 45.000 km2 à 5.000 km2 ), en plus de la réduction du nombre de jours de chute de neige qui a atteint 14 jours cette année contre 41 jours par an généralement. La Banque mondiale, elle aussi, est montée au créneau pour se prononcer sur le sujet.
Jesko Hentschel, le directeur des opérations de la Banque mondiale pour le Maghreb et Malte, a prôné «de mettre au point des mécanismes efficaces d’allocation de l’eau, par exemple au moyen d’un système de quotas négociables et de produire et de publier des données précises et détaillées sur les ressources hydriques et leur utilisation».
«Les événements récents ont montré que les solutions techniques ne suffisent plus à protéger l’économie contre les chocs climatiques et soulignent la nécessité d’adopter des politiques complémentaires, telles que celles décrites dans le nouveau modèle de développement, qui permettraient de tenir compte de la véritable valeur des ressources en eau et d’encourager des usages plus efficients et plus raisonnés», a ajouté Hentsche.
Le problème de la rareté de l'eau ne peut être résolu en quelques mois, mais requiert une nouvelle stratégie, une vision et des mesures structurantes. Le Maroc fait partie des pays ayant été les plus impactés par les changements climatiques. Il doit prendre des décisions stratégiques pour s’adapter à cette situation qui n’est pas du tout conjoncturelle. «La chaleur dans le monde va progresser entre 0,2 et 0,4°C tous les dix ans, les chutes de neige vont baisser de 25% dans les pays nordiques et de 50% dans les pays du sud. En revanche, le niveau des océans va augmenter entre 0,3 et 2,5 m à l’horizon 2100. De par sa situation géographique, le Maroc ne peut échapper à ce phénomène», explique Driss Ouzzar, ingénieur dans le secteur de l’hydraulique. Il souligne que le Maroc reçoit en moyenne 140 milliards de m3 d’eau, dont 118 milliards de m3 s’évaporent ou sont déversées dans la mer.
C’est à ce niveau qu’il faut mobiliser de nouvelles infrastructures pour économiser cette eau. Le dessalement de l’eau de mer est une solution préconisée, surtout pour les régions arides ou impactées par la sécheresse, mais encore faut-il assurer un coût compétitif, d’autant plus que ses effets sont limités pour combler le déficit hydrique «Il existe au Maroc une forte inégalité en matière de dotation de ressources hydriques, puisque 70% de cette denrée précieuse sont concentrées dans 15% seulement du territoire national», précise Ouzzar, qui propose de créer un observatoire dédié à l’eau afin de faire le suivi de la situation hydrique nationale et d’émettre des recommandations ou de lancer des alertes.