Spoliation foncière : La Justice secoue le cocotier

Spoliation foncière : La Justice secoue le cocotier

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Le ministère de la Justice et des Libertés, sur instructions royales, veut lutter contre le phénomène en responsabilisant davantage le Parquet général et la Conservation foncière.

La flambée des prix de l’immobilier a entraîné des spoliations foncières dans les grandes métropoles du Royaume. Jadis, ces cas étaient isolés, mais actuellement, le phénomène a pris beaucoup d’ampleur. Des bandes bien organisées ayant pignon sur rue et maîtrisant parfaitement les rouages de l’administration et les procédures saisissent des biens d’autrui illégalement. Ce mal a beaucoup sévi, au point qu’il a interpellé les plus hautes autorités de l’Etat. Le Roi a ordonné à El Mostafa Ramid, ministre de la Justice et des Libertés, de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre ce fléau. Le Souverain a adressé un message à cet égard dans le cadre d’une conférence organisée par le ministère de la Justice et des Libertés.

«La spoliation immobilière est un mal qui ne cesse de sévir et qu’il faut combattre avec fermeté et rigueur afin d’éviter les effets néfastes qu’il peut entraîner. La notoriété de la loi et de la justice est mise en jeu en matière de préservation des droits des personnes», affirme le Roi.Il faut savoir que le traitement des affaires de spoliation revêt une grande complexité. Il y a 5 ou 6 ans, le comportement de la Justice était très différent. La majorité des jugements était en défaveur des victimes spoliées. Ces dernières années, en revanche, les victimes obtiennent de plus en plus gain de cause au détriment des spoliateurs qui se voient condamnés.

Le phénomène est devenu très inquiétant. Parmi la centaine de dossiers présentés à la Justice, un seul dossier peut concerner plusieurs dizaines voire des centaines de titres fonciers qui brassent des milliards de dirhams. C’est dire que les familles des victimes se comptent par milliers, réparties sur plusieurs villes du Royaume : Tanger, Marrakech, Taroudant, Agadir. Mais Casablanca est la plus visée en raison du grand nombre de citoyens européens qui y ont jadis acquis des propriétés, notamment dans les quartiers Maârif, Bourgogne et Oasis.

Face à la progression du phénomène, le département de tutelle a pris plusieurs mesures dissuasives, comme responsabiliser davantage le Parquet général et la Conservation foncière. «Non seulement, les autorités doivent redoubler de vigilance, mais il faut revoir l’article 2 de la loi 39-08 relatif à la spoliation. C’est un gros problème et une échappatoire pour les criminels. Ce texte stipule que toute transaction faite sur la base d’un faux acte est considérée comme une vraie transaction, une vraie vente, si le propriétaire n’a pas réagi pendant les quatre années suivantes», souligne Abderrahim Himadi, juriste et avocat au barreau de Casablanca.

Par C. Jaidani

Le crime parfait ?

Fausses pièces d’identité, faux documents et opérations occultes et frauduleuses tels sont les maîtres-mots qui caractérisent les spoliations immobilières. Les criminels cherchent le plus souvent des biens dont le propriétaire est décédé ou a sa résidence principale à l’étranger, notamment les MRE ou des expatriés. Ils se procurent une fausse procuration de vente ou de donation. Les actes de faux et d’usages de faux se font avec une minutie que seules les personnes initiées peuvent les détecter. Certains utilisent même des sociétés écrans et des actes notariés falsifiés à l’étranger pour masquer leurs crimes. Ils font appel à des complices, généralement de l’administration. Des cas de spoliation ont entraîné l’arrestation ou la suspension de fonction de juges, notaires ou autres.

>> Pratique : Conservation foncière

L'Agence nationale de la Conservation foncière, du Cadastre et de la Cartographie (ANCFCC) exerce, pour le compte de l'Etat, les attributions reconnues par la législation et la réglementation en vigueur à la puissance publique en matière d'immatriculation de la propriété foncière, de cadastre et de cartographie. Les textes de lois créant la Conservation foncière ont été promulgués en 1913 alors que l'administration a vu le jour en 1915. Elle a une mission fiscale qui consiste à percevoir les droits et taxes d’enregistrement des actes authentiques. De plus, elle assure une mission foncière et patrimoniale de publicité foncière, en publiant et en conservant tous les droits existant sur les immeubles (servitudes, hypothèque, usufruit...). Ainsi, elle établit pour chaque propriété un titre foncier qui la distingue des autres propriétés. Toute personne qui en fait la demande peut obtenir, par voie de réquisition payante, des informations sur la situation patrimoniale de personnes ou la situation juridique d'immeubles. La Conservation foncière procure un sentiment de sécurité indéniable : après inscription, personne ne pourra contester la propriété. En cas de décès du propriétaire, elle permet de léguer les biens immobiliers aux descendants. Les objectifs de l’Agence en matière d’immatriculation foncière et de cadastre font ressortir, dans le cadre d’une vision stratégique, des axes à court, moyen et long termes, entre autres le développement du système d’information de l’Agence, la consolidation des règles de bonne gouvernance, la couverture de l’ensemble du territoire national, la généralisation de l’immatriculation foncière à l’ensemble du territoire national et la couverture de l’ensemble de ce territoire par un cadastre juridique et un autre économique.

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