Sous-emploi : Une amélioration en trompe-l’oeil

Sous-emploi : Une amélioration en trompe-l’oeil

 

Le taux de sous-emploi a reculé entre le troisième trimestre 2018 et celui de 2019 pour se situer à 9,1%.

En réalité, cette amélioration ne traduit guère une transformation structurelle de l’économie nationale.

La destruction d’emplois dans l’industrie est problématique. 

 

Par  Momar Diao 

 

Les indicateurs inhérents à l’emploi et au marché du travail constituent un baromètre pour mieux appréhender le dynamisme de l’économie nationale. D’où l’intérêt de la dernière note du haut-commissariat au Plan (HCP) relative au marché du travail au cours du troisième trimestre 2019. Si le taux de chômage au niveau national a légèrement progressé pour se situer à 9,4% au troisième trimestre 2019, ce qui retient l’attention c’est plutôt le recul du taux du sous-emploi. 

Pour rappel, cet indicateur est lié au nombre d’heures travaillées et à l’insuffisance du revenu ou l’inadéquation entre la formation et l’emploi exercé. Le taux global de sous-emploi est ainsi passé entre le troisième trimestre 2018 et celui de 2019 de 9,6 à 9,1%, ce qui représente tout de même une population de 969.000 personnes. 

 

Une bonne nouvelle pour l’économie ?

A la question de savoir si la baisse du taux de sous-emploi est une bonne nouvelle pour l’économie marocaine, Mehdi Lahlou, économiste, professeur à l’Institut national de la statistique et de l’économie appliquée (INSEA) et spécialiste des questions de l’emploi, rétorque : «Cette baisse est extrêmement faible. Elle ne traduit guère une transformation structurelle de notre économie. En réalité, le jeu statistique mis en place permet d’ériger le sous-emploi en une variable d’ajustement structurel servant à augmenter ou baisser le taux de chômage». 

Ceci dit, à la même période, le secteur des services a créé 336.000 postes et celui des BTP 37.000. A l’inverse, la branche de l’agriculture, la forêt et la pêche a détruit 204.000 emplois. L’industrie et l’artisanat ont perdu 26.000 postes de travail. 

L’économiste qui pointe également du doigt la faiblesse du taux d’activité (44,9% au troisième trimestre 2019) relie les pertes de postes de travail dans le secteur agricole à la sécheresse et à la faiblesse de l’activité. Généralement, le troisième trimestre coïncide avec les semences tributaires de la pluviométrie. De plus, au cours de cette période, les récoltes, pourvoyeuses d’emplois, ont déjà été faites.

 

Une situation alarmante

L’économiste n’y va pas avec le dos de la cuillère. «Il est inquiétant de constater que notre secteur industriel continue de détruire des emplois. Une telle situation résulte de la baisse de l’activité des branches industrielles à l’exception de certaines telles que l’automobile. Le repli de l’activité industrielle est devenu structurel au Maroc», alerte-t-il. Ce constat intervient à la veille de l’échéance du Plan d’accélération industrielle (PAI), qui a plusieurs objectifs dont l’industrialisation du pays et la création de 500.000 emplois. Au regard des données passées en revue, le PAI (2014-2020) et la politique économique menée par l’Exécutif prêtent le flanc aux critiques. 

Les stratégies sectorielles mises en place au cours des dernières années butent sur leur incapacité à générer suffisamment d’activité sur une très longue période afin de résorber la problématique du sous-emploi, qui concerne près d’un million de personnes. 

Le taux de chômage des diplômés (15,5% au troisième trimestre 2019) ainsi que celui des femmes (13,9% à la même période) demeurent également toujours élevés. «L’autre dysfonctionnement de taille en lien avec le chômage est celui du système éducatif. Notre pays ne dispose pas assez de profils qualifiés. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce sont les ressources humaines les moins qualifiées qui se trouvent dans une situation de quasi plein emploi», analyse notre interlocuteur. 

Dans la perspective de l’instauration du nouveau modèle de développement, tout l’enjeu est d’inverser cette tendance et de permettre aux plus qualifiés d’accéder aux emplois décents et qualifiés. Ce qui passe, entre autres par la promotion d’un secteur industriel fort et suffisamment créateur de valeur ajoutée. 

 


Encadré : Sortir de la logique de sous-traitance

«Il est plus qu’urgent de sortir de la logique industrielle actuelle qui accorde trop d’importance aux donneurs d’ordres internationaux», recommande Mehdi Lahlou. Le Maroc est spécialisé dans des activités intermédiaires, sujettes aux aléas de l’activité des donneurs d’ordres étrangers. La sous-traitance pèse un grand poids dans le secteur industriel. Les cas les plus illustratifs sont les branches du textile et l’aéronautique. D’où la nécessité de tendre vers des activités maîtrisant l’ensemble de la chaîne de production. C’est-à-dire de la fourniture de la matière première ou des composants à la fabrication du produit fini. Ce à quoi s’emploie le secteur automobile, qui ne cesse d’augmenter son taux d’intégration industrielle pour la création davantage de valeur ajoutée. Ce qui précède, incite certains économistes à prôner l’indépendance du Maroc par rapport aux donneurs d’ordres étrangers. 

 

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