SIAM 2016 : «L’agriculture durable est une culture qui doit s’inscrire dans la durée»

SIAM 2016 : «L’agriculture durable est une culture qui doit s’inscrire dans la durée»

Ahmed Ouayach

Le PMV a réalisé des progrès remarquables dans certaines filières, mais il faut consentir plus d’efforts dans d’autres. L’agriculture durable n’est pas uni­quement une affaire du gouvernement, c’est aussi le devoir de tous les professionnels agricoles. Engager de grands chantiers pour une restructuration profonde des circuits de commercialisation devient une néces­sité. Les explications d’Ahmed Ouayach, président de la Confédération de l’agriculture maro­caine (Comader).

Finances News Hebdo : Quelle est votre évaluation des réalisa­tions du Plan Maroc Vert (PMV) ?

Ahmed Ouayach : Le PMV va bien­tôt souffler sa dixième bougie. Cette nouvelle stratégie, lancée en 2008, a déjà réussi son premier challenge; faire du secteur agricole et agroalimentaire la locomotive de développement socio­économique de notre pays. La première phase de cette stratégie a été consacrée à la mise en place des instruments d’or­ganisation de cette politique. Le PMV a connu une double déclinaison, d’abord à caractère sectoriel sous forme d’une vingtaine de contrats-programmes avec les filières, et ensuite avec les régions.

Une première évaluation permet de noter d’importants progrès. Dans certaines filières, les réalisations dépassent les objectifs. Je cite notamment les viandes rouges, le lait, l’oléiculture, les fruits et légumes, le sucre, les semences et l’aviculture. Alors que d’autres ont du mal à décoller : la modernisation de la filière céréalière connaît quelques difficultés au moment où l’espoir renaît pour la filière des oléagineux.

Parallèlement, le PMV a accordé une attention particulière à certaines activi­tés qui ont un effet notoire en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, comme les produits de terroir, l’arganier, les roses ou les palmiers-dattiers. Le programme dédié à ces activités commence à donner des résul­tats tangibles.

Cependant, la petite agriculture, qui demeure le maillon faible du PMV, sollicite une attention particulière et un plan de développement approprié : coopératives, agrégation, etc..

F.N.H. : Le SIAM a choisi comme thématique pour sa 11ème édition l’agriculture durable, surtout que le Maroc organise cette année la COP22. Quelle place peut avoir ce type de production dans notre pays ?

A. O. : L’agriculture durable est un thème qui n’est pas nouveau au Maroc. Il est à rappeler que la politique des barrages, qui a commencé depuis les années 60, a réussi une grande mobilisation des ressources hydriques. Le PMV, pour sa part, place la maîtrise de l’utilisation de l’eau au coeur de ses préoccupations, et notamment sa gestion rationnelle. Il s’agit d’inciter au passage d’une irrigation tradition­nelle vers une irrigation moderne. Il est question d’encourager les meilleures techniques économes en eau à travers des subventions. L’agriculture durable est une culture et un état d’esprit qui doit s’inscrire dans la durée. Ce n’est pas uniquement une affaire du gouver­nement, c’est aussi le devoir de nous tous. Sensibiliser les agriculteurs et la population, responsabiliser les opé­rateurs et mettre en place un arsenal juridique adéquat sont des actions à entreprendre sans tarder.

Nous sommes étonnés de constater ces derniers jours la prolifération d’une armée «d’experts» en la matière qui ont envahi les plateaux des télés, les chaînes radio et la presse; des analyses et des recommandations qui frisent le ridicule et dénotent leur méconnais­sance totale des aspects scientifiques du sujet et des réalités spécifiques du pays.

F.N.H. : Le PMV a donné une forte impulsion pour augmenter la productivité; qu’en est-il de la valorisation des produits et des circuits de distribution et de commercialisation ?

A. O. : La deuxième phase du PMV doit être axée sur l’extension et la promotion des produits à forte valeur ajoutée destinés au marché local ou à l’export. La valorisation de la pro­duction animale ou végétale doit être développée. Engager de grands chan­tiers pour une restructuration profonde des circuits de commercialisation, et revoir les statuts des abattoirs, des marchés de gros, des chaînes de froid, de la logistique, du transport et des stations de conditionnement et d’emballage. Développer notre offre exportable, s’intéresser davantage au marché local qui devient de plus en plus prometteur, renforcer notre pré­sence dans le marché russe et africain, tels sont les défis à relever.

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