Services publics en ligne : Des performances à deux vitesses

Services publics en ligne : Des performances à deux vitesses

◆ En matière de service public en ligne, certaines administrations sont des cas d’école, d’autres sont très en retard.

◆ Le Maroc a nettement régressé dans le classement mondial en la matière.

 


Par : Youssef Seddik


 

La performance dans le secteur privé se traduit par l’accroissement des bénéfices, des marges ou des parts de marché. Pour les organismes publics -dont la raison d’être est différente- la performance s’apprécie surtout par la qualité de service rendu aux citoyens. Porté par la généralisation du service mobile et l’accès à Internet, l’Etat a mené à pas de charge la modernisation de ses services depuis quelques années, avec l’appui du programme e-gov. Sur ce volet, il faut reconnaître que certaines administrations ont dépassé le stade des discours.

Grâce à la bonne volonté de leurs dirigeants, la Direction générale des impôts (DGI), la Trésorerie générale du Royaume (TGR), l’Administration des douanes et des impôts indirects (ADII) ou encore la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS)…sont devenues de véritables cas d’école.

Des cas pilotes

Grâce à la dématérialisation de leurs services et flux financiers et l’adoption d’une approche multicanale, certaines administrations ont pu améliorer leurs performances opérationnelles, accroître leurs ressources, mais surtout accélérer le traitement de l’information. Le secrétaire général du ministère de l'Economie et des Finances et de la Réforme de l’administration, Zouhair Chorfi, en a cité quelques exemples, lors d’une conférence à Rabat autour des services publics en ligne, organisée par le Centre monétique interbancaire (CMI) et nos confrères du magazine Economie Entreprises. «Aujourd’hui, on peut importer un conteneur au port de Casablanca, le sortir sans avoir à se déplacer.

A la DGI, la quasi-totalité des paiements se fait en ligne avec un taux de 83%: 95% du paiement de la TVA se font en ligne, 89% pour l’IS, 79% pour l’IR et 100% pour la TSAVA (vignette: ndlr). Parallèlement, le nombre de types d’attestations octroyées en ligne est passé de 3 en 2016 à 32 en 2018. Le nombre d’attestions délivrées en ligne est passé de 17.000 à 644.780 en 2018, soit un multiple de 32 en deux ans. La DGI n’a pas recruté sur les 3 dernières années, puisque cette digitalisation a permis de redéployer 1.000 fonctionnaires vers d’autres métiers plus valorisants». Et de conclure : «Ce sont des cas pilotes qui gagneraient à être dupliqués dans les autres administrations». «Il y a des administrations très performantes au niveau des technologies, tandis que d’autres sont très en retard», note Saloua Karkri Belkeziz, présidente de l’APEBI (Fédération des nouvelles technologies de l'information, des télécommunications et de l'offshoring), qui souligne le rôle primordial que peut jouer l’Agence de développement du digital pour unifier les solutions ou sur le volet réglementaire.

Changer de méthode

Une comparaison effectuée par la Cour des comptes (CC) avec les pays de l’UE, sur un panier de 15 services importants, montre que le Maroc réalise de bons niveaux de maturité sur 8 services, parmi lesquels les services liés aux impôts (IR, IS et TVA) et droits de douane. Or, d’autres services restent loin de la moyenne européenne dans leurs niveaux de maturité. Pourtant, des objectifs ambitieux avaient été fixés dans le cadre de la stratégie Maroc Numeric 2013, mais les réalisations ont été très en-deçà des attentes. C’est le cas de la création en ligne d’entreprise, de l’immatriculation en ligne des véhicules et de la collecte en ligne des données statistiques des entreprises. «Un changement majeur marquera le marché avec la dématérialisation complète du processus de création d’entreprise à partir de janvier 2020», a annoncé à l’occasion Mustapha Amaoui de l’OMPIC.

L'autre ombre au tableau, en 2018, le Maroc a régressé notablement dans le classement des Nations unies sur les services en ligne et s’est classé 78ème dans l’indice des services en ligne et 110ème dans l’indice de l’e-gouvernement, alors qu’il était 30ème et 82ème respectivement en 2014. Pour Mikael Naciri, patron du CMI, ceci est dû «au point d’arbitrage des stratégies digitales qui est très court, ne dépassant pas les deux ans». Du côté de l’APEBI, on ne doit plus penser stratégie mais mouvement digital, du fait du changement constant que connait la technologie.

Une Open Data mal structurée

Ce retard émane aussi des données publiques ouvertes qui sont mal structurées. En 2011, le Maroc a été le premier pays africain à se doter d’une plateforme Open Data, deux années seulement après l’Espagne qui a été le premier pays européen à lancer un portail de données publiques ouvertes. Un ensemble de données réutilisables, provenant de différents ministères et organismes publics sont ainsi publiées sur le portail (www.data. gov.ma). Toutefois, après des années de la mise en place de ce portail, le Maroc n’a pas suffisamment avancé dans ce chantier comme en témoigne l’évolution de son classement à l’international en matière d’ouverture des données (l’indice Open Data Barometer) où il est passé du 40ème rang en 2013 au 79ème rang en 2016. Pour la CC, cette situation est due à une «absence de politique d’ouverture des données» et un grand retard de la réforme du cadre légal. «Il n’existe pas au Maroc de documents publiés sur la politique ou stratégie dans le domaine de l’Open Data», a-t-elle noté.

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