Depuis plusieurs années, on assiste à une tertiarisation de l’activité économique au niveau national. Cette tendance s’est accentuée en 2015. Elle est plus visible du côté de l’activité du commerce, de celle de l’immobilier et des services rendus aux entreprises, de l’administration publique, de l’éducation et de la santé.
«Ces composantes représentent en moyenne au cours des vingt-cinq dernières années 71% de l’ensemble des branches du secteur tertiaire, soit presque 22% du produit intérieur brut global et 40% de l’ensemble de la valeur ajoutée globale», apprend-on dans une étude du HCP. C’est dire que malgré les efforts déployés aussi bien en matière d’industrie que d’agriculture, le secteur tertiaire prédomine.
Au moment où le Maroc est en quête d’un modèle de développement économique, comment cette tertiarisation de plus en plus importante de l’économie devrait-elle être appréciée ? Un tel débat qui irrite les économistes mais qui n’a jamais fait l’unanimité. En guise de rappel, les activités considérées comme relevant du secteur tertiaire, tel le commerce, se taillaient une place importante dans les économies préindustrielles. Cependant, les réflexions d’Adam Smith ont marqué une césure. Smith oppose nettement le travail productif qui produit de la valeur à celui improductif qui n’en produit pas. Une réflexion qui n’est pas du goût même des auteurs dont l’opinion est proche de la sienne.
Aujourd’hui, dans une économie comme la nôtre, en quête d’émergence, les opinions divergent. Certains faiseurs d’opinion clament haut et fort le développement de l’agriculture et de l’industrie pour sortir des sentiers battus d’une faible croissance.
D’autres surfent sur la vague de la tertiarisation comme signe de développement économique. D’après eux, la croissance et le développement entraînent une augmentation du poids du tertiaire dans l’économie. Ils défendent bec et ongles le lien de causalité existant entre la tertiarisation et la croissance.
Tertiarisation : une tendance mondiale
Cette tendance à la tertiarisation de l’économie n’est pas spécifique au Maroc, elle est aussi mondiale. De nombreux pays aussi bien développés qu’en voie de développement ont connu le même essor au cours de ces dernières décennies. Cette tertiarisation un peu partout dans le monde correspond à l’importance que prennent les services dans les économies comme en témoignent les dépenses de l’éducation et de la santé.
Elle est la résultante de certaines activités faisant de plus en plus appel aux entreprises de service pour réaliser certains travaux. Cela se traduit par une réallocation d’une partie de la valeur ajoutée et de l’emploi des secteurs traditionnels vers d’autres plus spécialisés au sein des services. La tertiarisation se veut également une conséquence du changement des comportements des agents de consommation à cause des progrès techniques réalisés en matière de production de services. Le commerce qui au début des années 80 avait été un véritable moteur du secteur tertiaire, a beaucoup perdu de son importance. Une tendance à la baisse mais beaucoup moins prononcée a été enregistrée au niveau des transports et de l’éducation, santé et action sociale. Ces composantes ont perdu toutes un point de pourcentage entre la période du début et celle de 2010-2015.
L’éducation et la santé, qui représentaient chacune un peu moins de 4% du PIB pendant la décennie 90, ont augmenté progressivement leur participation dans la création des richesses au niveau national pour atteindre un peu plus de 5% au cours de la décennie 2000 avant d’afficher un taux de 6% les années suivantes.
Les évolutions conjoncturelles ont fortement impacté l’activité du secteur tertiaire. Au cours des cinq dernières années, ce secteur a enregistré des évolutions se situant entre environ 1,2% en 2015 et 6,2% en 2011. Les facteurs à l’origine de ces mouvements varient selon la conjoncture, puisqu’en 2015, la décélération constatée par rapport à l’exercice précédent trouve son origine dans la mauvaise conjoncture qu’a connue le secteur touristique (-3,2%) et dans celles qui ont caractérisé le secteur financier et des assurances (-2,2%).
En matière d’emplois, d’après les données du HCP, le nombre créé dans le secteur des services a enregistré une croissance de 0,9% comparativement à 2015. Sur un total de 38.000 emplois créés au niveau national, 29.000 postes relèvent de la branche des services personnels et domestiques.
Même le déficit commercial est financé en grande partie par les excédents structurels enregistrés sur le commerce des services et les flux de revenus.
Les réalisations susmentionnées mettent en exergue l’impact du secteur tertiaire sur la croissance économique. Face à une industrie peu développée et une agriculture qui progresse au rythme de la pluviométrie, le tertiaire se veut actuellement la panacée. Même si l’agriculture et l’industrie ont affiché ces dernières années des progrès notables, leurs rythmes de croissance restent instables et en deçà des attentes. ■
S. Es-siari