Santé: le privé appelé à soutenir le secteur

Santé: le privé appelé à soutenir le secteur

Le secteur de la santé privée au Maroc est en plein essor grâce à l’adoption, depuis 2015, de la loi 131-13 permettant l’ouverture du capital des cliniques privées au personnel non médecin.

2015 fut un «game changer» dans le secteur de la santé. En effet, la loi 131-13 a permis, dans les 3 années qui ont suivi, d’augmenter la part du privé dans l’offre de soins, passant ainsi de 29% des lits d’hospitalisation en 2017 à 34% en 2020. Mais avec 1 lit pour 1.000 habitants sur l’ensemble du territoire, caractérisé par de fortes disparités régionales, le Maroc demeure à un niveau de capacité extrêmement faible.

Selon les calculs de Société Générale dans un rapport très fouillé sur le secteur à l’occasion d’une note de recherche, les analystes de la banque estiment qu’il faudra pour le Maroc un accroissement de lits (public et privé) de l’ordre de 800/an afin de maintenir le même ratio. Sachant que de 2 lits/1.000 habitants, le besoin en investissement dans le secteur est conséquent et bénéfique pour tous les acteurs privés souhaitant y investir. Il n’en demeure pas moins que le défi pour ces entreprises est de bien repérer les localisations géographiques à potentielles plus haut, d’y implanter les services médicaux les plus adaptés ainsi que de trouver les médecins qui souhaiteraient ou accepteraient de s’y installer. Et c’est ici le principal défi du secteur.

Manque d’effectifs pour accompagner la croissance

Les carences du Maroc en ressources humaines (médecins et infirmiers) sont un vrai frein au développement du secteur. Le secteur privé devra, selon la même source, créer 50.500 nouveaux lits d’ici 2030 afin d’atteindre les 2 lits/1.000 habitants. Avec une densité de personnel soignant (médecins, infirmiers et sagesfemmes) de près de 3 fois inférieure à la recommandation minimum de l’OMS, le risque le plus important venant menacer le développement des infrastructures de soins est le manque de personnel médical. En 2020, pour 10.000 habitants, le Maroc comptait 7,1 médecins et 9,4 infirmiers, soit 16,5 professionnels de santé, alors que pour l’OMS, la mise en place d’une couverture médicale universelle requiert un minimum de 44,5 professionnels de santé pour 10.000 habitants. Le personnel médical est plus abondant dans le secteur privé qui disposait de 53% des docteurs en 2020.

Malgré une augmentation de la densité en personnel soignant pour 10.000 habitants, passant de 15,1 en 201, à 16,5 en 2020, cette tendance pourrait s’inverser selon la Cour des comptes. L’institut prévoit, à un rythme de recrutement stable, de nouvelles arrivées ne parvenant plus à compenser les départs à la retraite dès 2028. Ce manque est principalement dû à une formation insuffisante de médecins ainsi qu’à une fuite des cerveaux vers l’Europe. 7.000 médecins marocains travailleraient ainsi actuellement en France. L’État seul n’a pas les moyens de ses ambitions… Les hôpitaux publics sont surchargés avec des délais de rendez-vous à rallonge, un personnel débordé par le flux important de patients, en sus du manque de moyens techniques et des conditions de travail assez éprouvantes. L’Etat a tout de même essayé d’optimiser ses infrastructures de santé en organisant le recours aux soins de la population, via une structure pyramidale.

Occuper les zones reculées

La distance avec les infrastructures de soins a des conséquences notables sur la santé des populations rurales. 26% des accouchements ne sont pas assistés par du personnel qualifié en milieu rural, ce qui cause un taux de 111 décès pour 100.000 naissances contre 45 en milieu urbain, selon la CSMD. 69% des plus de 60 ans, la tranche de la population la plus vulnérable, n’ont pas accès à un hôpital situé à moins de 10 km de leur domicile. La population rurale a une espérance de vie de 5 ans inférieure à la population urbaine, selon HCP, et ce malgré une plus faible exposition des ruraux aux facteurs de risque (obésité, pollution, stress, ... ). Les opérateurs du privé ont un rôle important à jouer pour combler ces lacunes. Car un deuxième «game changer» va augmenter sensiblement la demande en soins  : la généralisation de la protection sociale.

Le secteur privé s’organise

Le nombre de cliniques privées a évolué avec un TCAM de +4.63% lors des 30 dernières années, passant ainsi de 100 cliniques en 1990 à 389 en 2020, selon le Conseil de la concurrence. La capacité litière privée a évolué encore plus rapidement, sur la même période, avec un TCAM de +5.41% (passant de 2.803 lits en 1990 à 13.603 en 2020). Les cliniques privées se structurent depuis la libéralisation du secteur, l’offre de soins privés subit une mutation, passant d’une majorité de «cliniques-villas» à une forme plus structurée. Selon une étude du Conseil de la concurrence, en 2021, les 389 cliniques privées avaient une capacité moyenne de 35 lits, avec 18 cliniques seulement disposant d’une capacité litière supérieure à 100 lits.

Des gros acteurs qui dominent le secteur

Les plus gros acteurs du secteur sont Akdital, qui propose des cliniques multidisciplinaires et des centres d’oncologie, CIM Santé pour les cliniques multidisciplinaires, ainsi que les groupes Oncorad et ODM pour les cliniques d’oncologie. D’ici fin 2027, Akdital devrait disposer d’une capacité litière de 4.200 lits répartis sur 41 cliniques, alors qu’Oncorad devrait atteindre les 30 cliniques d’oncologie, contre 7 aujourd’hui. Les acteurs internationaux comptent aussi disposer d’une part croissante des cliniques dans les années à venir, en s’implantant via des holdings. Elsan, le deuxième acteur de la santé privée en France, a acquis 2 cliniques à Bouskoura et Settat, au cours des 5 dernières années. Le groupe dispose aujourd’hui d’une capacité de 243 lits sur le territoire marocain, et est en cours de construction de l’Hôpital privé Day, qui offrira une capacité de 115 lits, dans la ville de Béni Mellal. I.M.S Ovadia, un groupe israélien d’investissement, a récemment rejoint le marché marocain en prévoyant la construction de 5 hôpitaux d’une capacité totale de 1.000 lits, d’ici 2025.

Ces hôpitaux desserviront 5 régions différentes, dont celle de Dakhla-Oued Eddahab. Mayo Clinic, une des plus grandes institutions de santé américaines, construira le premier hôpital universitaire américain du Maroc dans la ville de Mehdia. Le groupe n’a pas communiqué sur la date d’ouverture, mais il est prévu que cet établissement dispose d’une capacité litière de 700 lits et d’une université médicale pouvant accueillir plus de 2.000 étudiants. En 2021, 17% des lits de cliniques privées au Maroc proviennent des établissements à but non lucratif, selon le Conseil de la concurrence. Les principaux acteurs de ce secteur sont la CNSS et ses 13 polycliniques, le Croissant rouge et ses 4 polycliniques, ainsi que les Fondations Cheikh Zaid et Cheikh Khalifa et leurs 6 polycliniques. Les cliniques à but non lucratif ont une taille moyenne de 93 lits, près de 3 fois celle des établissements à but lucratif, analyse Société Générale Maroc.

 

 

 

 

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