Le manque de visibilité sur les mesures fiscales et sur les volumes des investissements impacte le moral des opérateurs.
Les crédits ouverts par décret à fin décembre 2016 ne concernent que les charges de fonctionnement. Les dépenses d’investissement ne sont pas encore couvertes.
Cette semaine, quasiment toutes les institutions aussi bien nationales qu’internationales ont fait des pronostics pour le taux de croissance du PIB national pour l’exercice 2017. Elles ont toutes pratiquement placé le curseur sur un taux avoisinant les 4%. Elles ont fondé leurs arguments sur une bonne campagne agricole. Sur un plan purement économique, le projet de Loi de Finances 2017 est toujours bloqué à cause du retard pris pour la formation du nouvel Exécutif et ce, trois mois après les élections. Un retard qui risque de se prolonger si l’on part du principe que la discussion du Budget passe par plusieurs étapes. Entre le temps pris pour la formation du gouvernement, qui sera amené à revoir les grandes lignes du programme, et celui des discussions entre les deux Chambres (représentants et conseillers), il n’y a vraiment pas de quoi être rassuré ! Selon les opérateurs, tout laisse présager que la Loi de Finances 2017 ne pourrait être promulguée qu’au cours du mois de mai. Et encore ! Ils appréhendent que cette éclipse politique ait un impact sur leur commande publique contractée auprès d’un Etat qui, convenons-en, est le premier acheteur.
A l’aune de ce qui précède et dans l’hypothèse d’un retard du vote de la Loi de Finances, comment le déblocage des budgets des établissements publics se fait-il pour atténuer l’impact sur le chiffre d’affaires des opérateurs, dont l’Etat reste un acteur incontournable en matière d’achat ?
Au-delà des charges de fonctionnement !
En principe, le déblocage des budgets peut se faire par décret. C’est ce que prévoit la LOLF pour permettre la marche des services publics et l’exercice de leur mission en fonction des propositions budgétaires. C’est ce qui est appliqué dans la Constitution des douzièmes prévisionnels. Mais si le politique s’en mêle, il faut au préalable soumettre la LF à la Cour constitutionnelle. «Mais ce que l’on peut dire, c’est que l’absence d’Exécutif n’empêche en rien le fonctionnement du législatif. Rien ne s’opposait, il y a trois mois déjà, à ce que le Parlement élise ses instances et ses commissions pour étudier et approuver les textes. C’est ce qui va être fait d’ailleurs puisque la crise politique perdure», rappelle d’emblée Salwa Karkri Belkeziz, présidente de la Fédération marocaine des technologies de l'information.
A partir de ce moment, le nouvel Exécutif déclinera son programme devant les deux Chambres. «Ce n’est qu’après avoir obtenu la confiance du Parlement qu’il pourra utiliser le projet de Loi de Finances comme base de travail et y introduire certains ajustements, notamment au niveau des mesures fiscales, sur la base du programme voté par le Parlement», explique une source au sein de la DEPP. Interrogée sur l’impact du retard de la LF 2017 sur l’activité du secteur des technologies de l’information, le numéro 1 de l’APEBI n’y va pas avec le dos de la cuillère: «Il n’y a pas que le retard sur l’adoption de la Loi de Finances qui a un impact sur l’activité économique. La LOLF prévoit des mesures pour pallier le retard, et les crédits de fonctionnement ont déjà été ouverts par décret et ceux de paiement peuvent subir le même sort». Et d’ajouter : «Mais il y a surtout un contexte général prévalent de lenteur et d’attentisme qui ne convient pas à une activité économique soutenue. Il est d’ailleurs constaté la dépréciation du flux d’IDE, et l’ambiance de crise politique n’est pas favorable à leur reprise». C’est dire que valeur aujourd’hui, il n’y a pas de visibilité pour les investissements de l’Etat, maître d’ouvrage, même si les budgets correspondants sont ouverts ! En cause, les rouages de l’Etat sont immobilisés par l’absence d’Exécutif et la redistribution des postes qui, généralement, suit la formation de l’Exécutif.
Le patronat dans l’expectative
Pour un secteur tel que celui des nouvelles technologies, la présidente de l’APEBI rappelle à juste titre que la stratégie Maroc Digital 2020 se fixe comme objectif à moyen terme de positionner le Royaume dans le club des pays producteurs de technologies et s’apprête à préparer dès aujourd’hui les relais de croissance. Or, le déploiement de cette stratégie passe par la mise en place très rapidement de l’agence prévue et par une cadence soutenue aussi bien de la commande que de celle du règlement, pour ne pas mettre en péril les entreprises qui, en principe, doivent porter cette technologie.
Du côté de l’Association marocaine des industries pharmaceutiques (AMIP), son président Ayman Cheikh-Lahlou explique : «Etant donné l’importance de la santé dans notre pays, pour nos opérateurs, contrairement à ceux des autres secteurs tels que le BTP ou autres qui se basent sur la commande publique, aucun retard n’est constaté et tout se déroule le plus normalement possible».
En matière de paiement, la LF envisage la réforme des délais de paiement pour consolider la confiance dans le monde des affaires. Toutefois, l’expérience des exercices précédents a montré que même lorsque la Loi de Finances est approuvée dans les délais, le Trésor ne reprend les paiements qu’au-delà du mois de mai, bien après le règlement des impôts par les entreprises au mois de mars. Du coup, qu’en sera-t-il pour cet exercice ? Dans ce cas de figure et dans un contexte pareil, de quelle marge de manœuvre disposent les opérateurs pour remédier un tant soit peu à cette situation ? La présidente de l’APEBI met l’accent sur le fait que bien avant la crise politique qui sévit, plusieurs entreprises relevant du secteur étaient en difficulté. Mais celles qui dépendent de façon excessive de la commande publique et des règlements publics doivent être vigilantes. «Il ne faut surtout pas qu’elles diffèrent leurs investissements et leurs perspectives d’embauche», alerte S. Belkeziz.
A ce titre, le Parlement devrait, entre autres, approuver les textes pour la mise en place de la nouvelle Agence pour la promotion des investissements qui doit remplacer l’AMDI, Maroc Export et l’OFEC, et qui aura comme mission la mise en œuvre de la nouvelle Charte d’investissement, ou les textes pour la mise en place de l'Agence pour l'économie numérique.
Certes, la politique a ses raisons que l’économie ne connait point. Mais l’économie, pour être compétitive et efficiente, a ses exigences de cadence, d’efficacité et de rapidité dans la prise de décision que le politique doit s’atteler à respecter. La Loi de Finances prévoit une croissance de 4,5% si les bonnes conditions climatiques se confirment, mais trois mois ou plus d’attentisme peuvent ruiner les espoirs de croissance d’une entreprise.
Par S. Es-siari
Le PLF 2017 en quelques chiffres…
La Loi de Finances 2017 prévoit un taux de croissance de 4,5% contre 1,8% en 2016 attribuable, notamment, à une amélioration de la valeur ajoutée agricole de 11,9% et à une progression de 3,5% de la valeur ajoutée non agricole, en se basant sur un cours de pétrole de 54 dollars en 2017, une parité Euro Dollar de 1,12 et un accroissement de la demande étrangère adressée au Maroc de 4,3%. Le PLF 2017 prévoit, en outre, un déficit budgétaire de l’ordre de 3% du PIB, un taux d’épargne nationale brute qui devrait se situer à 29,1% du PIB, après 28,3% en 2016, et un taux d’investissement brut de 31% du PIB contre 30,5% en 2016 en lien, notamment, avec la poursuite de l’effort d’investissement public pour un montant de 190 milliards de dirhams en 2017.