Reprise de l’emploi : femmes, jeunes et monde rural sur le bas-côté

Reprise de l’emploi : femmes, jeunes et monde rural sur le bas-côté

Après une année 2024 marquée par une contraction de l’emploi, le marché du travail marocain a montré des signes clairs de redressement au premier trimestre de 2025. D’après les dernières données du haut-commissariat au Plan (HCP), l’économie nationale a généré 282.000 emplois nets sur un an, portés quasi exclusivement par la dynamique des centres urbains. Une performance qui tranche avec la perte de 80.000 postes enregistrée un an plus tôt, mais qui ne suffit pas à dissiper les tensions structurelles qui pèsent sur l’emploi au Maroc.

 

Par Y. Seddik

La photographie globale montre un retour de la croissance de l’emploi, mais avec un déséquilibre territorial et sectoriel persistant. En ville, 285.000 postes ont été créés, profitant essentiellement à des secteurs en pleine expansion, tandis que les campagnes ont perdu 3.000 emplois, poursuivant une tendance de désengagement progressif de la population active rurale.

Le secteur agricole illustre cette fragilité : il a supprimé 72.000 emplois en un an, une baisse de 3%, reflet d’un environnement climatique incertain et d’une transformation lente du modèle agricole. À l’inverse, le secteur tertiaire confirme son statut de principal moteur de l’emploi. Il a généré 216.000 postes, soit une hausse de 4%, dont une large part dans les services sociaux, les activités financières et immobilières, ainsi que dans le commerce.

L’industrie n’est pas en reste, avec 83.000 créations nettes, essentiellement en milieu urbain. Le secteur du bâtiment et des travaux publics, quant à lui, a ajouté 52.000 emplois, confirmant un certain regain dans ce secteur cyclique. Autre signe encourageant : le taux d’emploi est passé de 36,7% à 37,2% au niveau national, tiré par une hausse de 0,8 point en zone urbaine. Le taux d’activité, lui aussi, est en légère progression (+0,3 point à 42,9%), porté par l’augmentation de la population active.

Hausse préoccupante du sous-emploi

Mais si le volume d’emplois progresse, la qualité de ceux-ci reste en question. Le sous-emploi, indicateur clé du malaise du marché du travail, s’aggrave nettement. Il touche désormais 1,25 million de personnes, contre un peu plus d’un million un an auparavant, soit une hausse de 17%. Le taux national atteint 11,8%, avec une poussée inquiétante dans les campagnes (14,8%). En cause : la précarité des emplois proposés, souvent saisonniers, faiblement rémunérés ou en inadéquation avec la formation des travailleurs.

Le BTP reste le secteur le plus affecté, avec plus d’un salarié sur cinq en situation de sous-emploi. Le tableau est tout aussi préoccupant pour les jeunes. Le taux de chômage des 15-24 ans grimpe à 37,7%, en hausse de près de deux points, confirmant une forme d’exclusion de cette catégorie pourtant stratégique. Le chômage global recule légèrement à 13,3%, grâce à une amélioration en ville (16,6%, -1 point), mais il remonte à la campagne (7,3%, +0,5 point), confirmant que la reprise ne profite pas à tous. Chez les femmes, le taux de chômage reste très élevé (19,9%) malgré une très faible participation au marché du travail (14,8%).

Le niveau de diplôme ne protège pas nécessairement contre le chômage, mais certaines catégories tirent mieux leur épingle du jeu. Les détenteurs de diplômes techniques et professionnels ont vu leur taux de chômage baisser de manière significative, ce qui pourrait traduire une meilleure adéquation entre les besoins du tissu productif et ces formations. Autre signal d’alarme : la couverture sociale liée à l’emploi reste très insuffisante. Moins d’un actif occupé sur trois (31,1%) bénéficie d’une couverture médicale à travers son emploi. Cette proportion chute à 12,3% en milieu rural et à 7,6% dans le secteur agricole, tandis qu’elle culmine à près de 49% dans l’industrie. Les femmes salariées sont paradoxalement mieux couvertes que les hommes (63,1% contre 42,4%), probablement en raison de leur surreprésentation dans les emplois formels du secteur tertiaire.

Sur le plan régional, CasablancaSettat continue de jouer un rôle central : elle concentre 22,3% de la population active et 23% des chômeurs. Elle est suivie par les régions de Rabat-Salé-Kénitra, Marrakech-Safi, Fès-Meknès et Tanger-Tétouan-Al Hoceima. Toutefois, c’est dans l’Oriental et les régions du Sud que les tensions sur le marché du travail sont les plus vives, avec des taux de chômage dépassant les 23%.

À l’inverse, Marrakech-Safi, Drâa-Tafilalet ou encore TangerTétouan-Al Hoceima présentent des taux nettement inférieurs à la moyenne nationale. Malgré le rebond observé, le marché du travail reste traversé par des déséquilibres tenaces. La création d’emplois repart, mais elle peine à atteindre les jeunes, toujours massivement touchés par le chômage, les femmes, largement sous-représentées parmi les actifs occupés, et les zones rurales, où l’emploi continue de se dégrader. Autant de fractures qui interrogent la portée réelle de la reprise et rappellent l’urgence d’une action ciblée en faveur d’un emploi plus inclusif et plus équitable. 

 

 

 

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