Il faut des plans de développement territoriaux qui convergent avec les stratégies nationales et sectorielles. Entretien avec Abdellatif Komat, doyen de la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales à l’Université Hassan II de Casablanca.
Propos recueillis par C. Jaidani
Finances News Hebdo : Quel regard portez-vous sur cette deuxième édition des Assises de la régionalisation avancée ?
Abdellatif Komat : Dans la lettre royale adressée à cette deuxième édition des Assises de la régionalisation avancée, SM le Roi a rappelé les grands défis qu’il faut relever pour mener à bien le programme. Il a noté qu’il faut élaborer une feuille de route bien définie ayant le consensus de toutes les parties concernées. Parmi les chantiers à mener, figure la poursuite de la déconcentration pour la rendre encore plus opérationnelle, particulièrement dans le volet des attributions des régions. Le programme a commencé depuis 2015. Il y a eu l’étape d’évaluation en 2019 qui a enregistré un certain nombre d’avancements. Ces Assises ont mis l’accent sur le renforcement de l’investissement public et l’attractivité pour séduire l’investisseur privé. C’est un vecteur pour aller au développement global, intégré et harmonieux du pays. Les régions sont appelées à chercher des mécanismes innovants de financement. La rencontre s’est intéressée également à des défis touchant notre pays comme le stress hydrique, la mobilité durable et la transformation numérique.
F.N.H. : Pour les trois derniers défis que vous avez cités touchant directement la population et les acteurs économiques, quels sont les éléments sur lesquels il faut capitaliser pour les relever ?
A. K. : Le Maroc a élaboré des plans stratégiques. Pour faire face au stress hydrique, une vision pour le moyen terme a vu le jour concernant la période 2020-2027, et une autre pour le long terme à l’horizon 2050. L’objectif est de rationnaliser l’utilisation des ressources hydriques, leur mobilisation à travers des projets structurants comme la construction de nouveaux barrages, les stations de dessalement de l’eau de mer, la réutilisation des eaux usées et le déploiement des technologies modernes pour l’irrigation. Pour la transformation numérique, le Maroc s’est doté d’un plan stratégique à l’horizon 2030. Ce chantier est un socle pour le développement économique et social. Concernant la mobilité durable, le gouvernement a pris une série de dispositions. Au-delà des projets structurants nationaux, il faut que les régions s’impliquent davantage dans ces trois dimensions. La région s’impose aujourd’hui comme le vecteur de développement dans notre pays. L’essor attendu ne peut être réalisé en présence des disparités régionales. La déconcentration est primordiale pour réaliser cet objectif. En plus, il faut des plans de développement territoriaux qui convergent avec les stratégies nationales et sectorielles. A cet effet, les régions ont besoin de plus d’autonomie en matière de prise de décisions et de gouvernance.
F.N.H. : Qu’en est-il de la réalisation des recommandations issues des dernières Assises ?
A. K. : Entre 2019, date des premières Assises, et 2024, date des secondes, les choses ont beaucoup évolué, particulièrement en ce qui concerne l’aspect financement. Il y a eu une progression qui a touché les transferts des dotations budgétaires de l’Etat vers les régions, qui ont atteint, en 2021, 10 milliards de DH. Les régions vont continuer à capitaliser sur ces transferts, mais en même temps à chercher d’autres mécanismes de financement dans un cadre partenarial. Il y a des Plans de développement régionaux (PDR) très ambitieux qui nécessitent des fonds pour financer les projets de développement territorial. On relève des exemples réussis qui ont vu la contribution du Fonds d’équipement communal (FEC), la BERD, la CDG ou la Banque mondiale.
F.N.H. : Comment jugez-vous les effets de la régionalisation avancée sur les provinces sahariennes ?
A. K. : L’essor des provinces sahariewnnes est un modèle de réussite. C’est une démonstration réelle de ce que peuvent faire les régions en matière de développement économique. Ces régions, qui ont bénéficié d’un modèle de développement doté d’une enveloppe de 79 milliards de DH d’investissement, ont métamorphosé notre Sahara marocain. Et ce, au niveau des infrastructures comme la voie express qui relie Tiznit à Dakhla de 1.055 km. Ces projets ont donné un nouvel élan aux investissements aussi bien public que privé.