Invité par l’Association marocaine de conseil en management, Khalid Safir, le wali de la région Casablanca Settat, expose l’état d’avancement de la réflexion sur le modèle futur de gouvernance territoriale au Maroc. A l’instar de la France qui ne prévoit pas d’administrations régionales, le Maroc opterait vraisemblablement pour des agences de développement régional, sous forme de sociétés anonymes, avec un mode de gestion privée et des ressources humaines recrutées par voie contractuelle.
Les nouvelles lois orga-niques relatives aux collectivités territo-riales ont délimité les prérogatives des régions, mais tout reste à faire pour clarifier les détails, le qui fait quoi de cette nouvelle transition terri-toriale. Le gouvernement a fixé un délai de trente mois pour produire les décrets d’appli-cation de ces lois organiques, dont six mois se trouvent être d’ores et déjà consommés. «Nous passons à un système moyennement décentralisé offrant plus d’autonomie aux collectivités territoriales», sou-ligne Khalid Safir, wali de la région Casablanca-Settat, lors d’un débat organisé par l’Association marocaine de conseil en management (AMCM) sous le thème : «La régionalisation avancée dans le Grand Casablanca». Le wali a saisi l’occasion pour dres-ser l’état d’avancement de ce grand chantier de gouvernance territoriale à l’échelle de la région dont le périmètre géo-graphique s’est étendu avec le nouveau découpage régional, en intégrant en son sein, outre Casablanca et Mohammedia, deux autres grandes villes, Settat et El Jadida. L’on s’ac-corde à dire que l’évolution du mode de gouvernance au sein de ce territoire précisément, conformément à l’esprit de la régionalisation avancée, sera rigoureusement suivie et devra sûrement donner l’exemple et inspirer les onze autres régions du territoire marocain. Il faut dire que tout a été cham-boulé et rien ne ressemble à la configuration dominante d’avant la Constitution de 2011. Associés auparavant à un statut purement consultatif - puisque le pouvoir exécu-tif relevait du domaine des walis - les conseils élus des régions seront désormais dotés d’un pouvoir décision-nel et exécutif. Si jusqu’à une date récente, les walis pou-vaient «bloquer» les décisions des conseils de régions, leur mission aujourd’hui se limite dans l’accompagnement et l’assistance. Si le wali estime-rait «illégal» une quelconque décision prise à l’échelle de la région, il ne pourra en aucun cas intervenir sans l’appui d’un jugement prononcé par le tri-bunal administratif. Cela dit, en confiant plus de prérogatives aux régions, l’Etat, historique-ment unitaire, a voulu garder un oeil vigilant sur les régions. Le wali, en tant que repré-sentant du gouvernement, se verra confier une mission de contrôle purement administra-tive. A titre d’exemple, le wali doit absolument veiller à ce que le budget arrêté par le conseil régional reprenne tous les engagements antérieurs (salaires, service de la dette, dettes fournisseurs, etc). En dehors de ces engagements, libre à la région d’affecter l’ex-cédent, sans avoir à craindre le «veto» du wali ou bien du juge administratif. D’une démocratie représen-tative, le Maroc entame sa migration vers une démocratie participative. Les conseils élus sont ainsi appelés à s’ouvrir, collaborer et faire adhérer toutes les forces vives du ter-ritoire. «La réflexion est en cours autour des mécanismes de concertation, en vue d’éta-blir et d’identifier une liste de l’ensemble des parties pre-nantes –stakeholders–, afin d’aboutir à une vision com-mune pour le développement de la région», affirme Khalid Safir. Le nouveau président élu de la région de Casablanca a effectué, dans ce sens, plusieurs réunions théma-tiques, des visites de terrain, etc. L’objectif est d’arrêter la matrice des projets avant d’entamer les discussions et les démarches nécessaires à la mobilisation des financements. «Les collectivités territoriales auront besoin d’énormément d’assistance intellectuelle pour construire des plans d’actions, définir les outils d’exécution, etc. La démarche ne sera pas simple, mais le chemin est déjà balisé», reconnaît Khalid Safir. Si les ressources financières sont clairement définies par les lois organiques (ressources propres, partagées et trans-férées), la question des res-sources humaines habilitées à gérer les affaires des régions reste toujours posée. Mais tout porte à croire, estime le wali, que l’on se dirigera vers un schéma identique au modèle français de gouvernance terri-toriale. A l’instar de la France qui ne prévoit pas d’adminis-trations régionales, le Maroc optera vraisemblablement pour des agences de développe-ment (dites aussi d’exécu-tion), sous forme de sociétés anonymes, avec un mode de gestion privé et des équipes réduites recrutées par la voie contractuelle. Ces détails rele-vant de l’organisation et du fonctionnement des agences d’exécution et de développe-ment régional seront encadrés et fixés par les décrets d’appli-cations. En attendant, le président du Conseil de Casablanca-Settat, Mustapha Bakkoury, ainsi que ses homologues à la tête des onze autres régions du Royaume, qui seront ordon-nateurs des comptes des régions dès le 1er janvier 2016, devront dans un premier temps s’appuyer sur les ressources humaines mobilisées par les services des wilayas dans la gestion des affaires courantes des régions.
Wadie El Mouden