Redistribution de richesse: faut-il créer un fonds de la zakat ?

Redistribution de richesse: faut-il créer un fonds de la zakat ?

La création d’un tel dispositif peut générer des sommes atteignant les 13 milliards de DH. Le Royaume peut s’inspirer des expériences réussies dans d’autres pays islamiques.

 

Par C. Jaidani

Le Maroc est l’un des rares pays islamiques qui ne dispose pas d’un fonds dédié à la zakat. Pourtant, l’idée de sa création a germé depuis 1979 quand Feu Hassan II avait évoqué le sujet pour la première fois, estimant que «des sommes importantes sont générées par ce précepte de l’Islam et il est opportun de les canaliser dans des projets structurants à caractère social». A cette date, les finances publiques avaient été mises à rude épreuve sous l’effet de la sécheresse et de la guerre au Sahara, poussant le Royaume, quelques années plus tard, à adopter le programme d’ajustement structurel (PAS).

Le Roi défunt a réitéré cette idée au cours des années 90. La création de ce fonds avait pour objectifs essentiels des considérations économiques. Cette idée a été ressuscitée lors de la crise pandémique, lorsque l’Etat a eu besoin de financements supplémentaires et exceptionnels pour gérer la situation. Ce qui est étonnant, la proposition émanait du Parti authenticité et modernité (PAM) et non du PJD. Elle a suscité un soutien de la classe politique, y compris des formations progressistes et de la société civile.

Actuellement, de nombreuses voix s’élèvent pour inciter à l’institution du fonds de la Zakat, mettant en valeur les effets bénéfiques qu’il peut générer. Selon des projections établies par des économistes et en se référant aux autres fonds islamiques dédiés, la zakat peut créer un revenu potentiel entre 1 à 2% du PIB/an.

Une étude publiée en mars 2023 par l’International Journal of Islamic Finance, basé à Londres, a estimé que la zakat au Maroc pouvait générer 1,3 milliard de dollars. L’Etat est mieux disposé pour assurer le recouvrement de l’argent et le mobiliser dans des projets structurants. «Les donateurs préfèrent donner la zakat à leurs proches et à leur entourage. Mais quand il s’agit de grosses sommes, ils trouvent des difficultés à les distribuer.

Certaines personnes de mauvaise foi, notamment dans les milieux islamistes, peuvent initier des collectes de la zakat et les orienter vers des objectifs occultes comme le financement du terrorisme. Alors qu’un fonds spécial de la zakat permet de canaliser et mieux déployer cet argent», affirme Mohamed Belmir, politologue. «Avec le fonds de la zakat, il est possible de mieux toucher la population cible, notamment les personnes démunies et lutter contre la mendicité professionnelle. Les fonds récoltés peuvent réduire les déficits dans de nombreux secteurs à caractère social», explique-t-il. L’enquête par sondage de l’International Journal of Islamic Finance fait ressortir que la plupart des personnes approuvent la création d’un fonds spécial dédié à la zakat. Ce dispositif pourrait être sous la tutelle du ministère des Habous et des Affaires islamiques.

Son Conseil d’administration peut être constitué par d’autres acteurs publics et privés comme le département des finances, l’intérieur, les affaires sociales ainsi que des opérateurs économiques de premier plan. Basé sur le volontariat, la zakat peut-elle coexister avec un régime fiscal ? Il faut rappeler que lors des premières assises de la fiscalité organisées en 2013, l’Association marocaine des études sur la zakat avait proposé un concept dualiste basé sur le principe fiscal et zakataire. Le Maroc peut s’inspirer des expériences réussies dans d’autres pays islamiques, à l’image de la Malaisie dont le modèle a donné des résultats satisfaisants, que ce soit en matière de gestion, de collecte et de redistribution. Le pays a établi des critères et une base de données permettant d’identifier les personnes éligibles à percevoir l’argent de la zakat. 

 

 

 

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