Protection sociale : 2/3 des Marocains n’ont pas de couverture

Protection sociale : 2/3 des Marocains n’ont pas de couverture

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La faiblesse de la couverture de la protection sociale au Maroc s’explique essentiellement par le fait qu’elle ne concerne que les travailleurs salariés. Plus de six millions de travailleurs non-salariés ne sont pas couverts. Néanmoins, des avancées ont été réalisées, mais le plus dur reste à faire : assurer l’équilibre financier et la pérennité des caisses de retraite et élargir la base des bénéficiaires. 

“La généralisation de la couverture sociale, un investissement générateur de croissance» est le thème de la 4ème édition du forum des retraites, organisé vendredi 12 février par l’institut CDG et la Chaire prévoyance & retraite de l’Université internationale de Rabat. Un thème d’actualité, fédérateur et qui s’inscrit parfaitement dans la dynamique de la politique des pouvoirs publics, suite aux orientations royales relatives au développement humain. La qualité des axes débattus et celle des experts aussi bien nationaux qu’internationaux justifient l’engouement pour cette quatrième édition, importante à plus d’un titre. On assiste, par contre, comme en témoignent les interventions qui se sont succédé, à un changement de paradigme du paramètre coût à l’investissement, levier de richesses. Le retour sur les différentes expériences montre que la problématique liée à la prévoyance sociale ne se pose pas de la même manière pour tous les pays. Et du coup, exige des solutions pointues et adaptées. Comme l’a si bien expliqué Abdellatif Zaghnoun, Directeur général de la CDG, «en Europe, par exemple, où les taux de couverture sont assez élevés, se pose la question de la viabilité des régimes de retraite au vu du vieillissement de la population. Au niveau des pays en développement, la notion de la couverture universelle se heurte à la difficulté de l’élargissement de la couverture à l’ensemble de la population, particulièrement au sein des économies où le secteur informel est assez développé». En effet, nul ne peut ignorer la fonction d’un système de protection sociale pour lutter contre un certain nombre de risques (vieillesse, invalidité, maladie, perte d’emploi…). Sa généralisation à l’ensemble de la population peut avoir un effet positif sur la restructuration du marché de travail, celle du tissu économique et sa productivité. Aussi, les fonds de réserve accumulés par les organismes de prévoyance, investisseurs institutionnels, jouent-ils un rôle important dans le financement de l’économie. 

Maroc : un des taux les plus faibles

Le Chef de gouvernement, A. Benkirane, a passé en revue les acquis en matière de protection sociale, insistant sur le passage de la cotisation minimale de 100 à 1.000 DH et qui pourrait atteindre 1.500 DH dans le cadre de la réforme. Une attention favorable aux couches les plus démunies. «Je sais très bien que 1.500 DH paraît dérisoire dans un hôtel aussi luxueux tel que celui-ci», lance-t-il sur son brin d’humour habituel. La généralisation du Ramed est aussi un pari réussi (9,2 millions de bénéficiaires). «Ceci étant, notre système tel qu’il se présente actuellement n’est pas exemplaire», annonce-t-il. Un taux de protection sociale couvrant le 1/3 de la population veut tout dire. 

Dans la même foulée, Hassan Boubrik, président de l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS), a énuméré les facteurs générateurs de risques. Il cite le manque de structuration du marché de travail, le risque de vieillesse devenu considérable et la hausse de l’espérance de vie. «Selon les données du HCP, l’espérance de vie est passée de 57,5 ans en 1980 à 64 ans actuellement. La population âgée de 60 ans et plus représentait 7,2% en 1960, 10% en 2015 et sera de l’ordre de 12,8% en 2022», argue-t-il. Une transition démographique sans précédent qui ne dit pas son nom. 

Autres risques et pas des moindres, l’éducation financière qui fait défaut (consommation plus importante que l’épargne) et la forte urbanisation qui se traduit par une dislocation des liens familiaux. Ces risques incitent à la mise en place d’une protection sociale harmonieuse. Il reste, à son tour, pourtant convaincu que des efforts ont été enregistrés par les pouvoirs publics depuis l’adoption de l’Assurance maladie obligatoire (AMO). Il cite, à cet égard, l’augmentation significative de la protection des salariés par le biais de l’accentuation des contrôles de la CNSS et l’adoption par le gouvernement de plusieurs textes de lois (réforme du régime civil des retraites). Il exhorte à la vigilance pour que les paramètres des régimes, qui vont accueillir de nouveaux arrivants, assurent un équilibre technique, car les marges de manoeuvre sont limitées à cause justement de la transition démographique. «L’extension de la couverture, dans le cadre d’un système contributif, passe d’abord par un niveau de formalisation du marché du travail», conclut H. Boubrik. 

De son côté, A. Zaghnoun a mis le doigt sur le taux de couverture des actifs qui reste très faible. «Il ne dépasse pas 30% actuellement, ce qui place le Maroc loin derrière un ensemble de pays qui sont à des niveaux de développement économiques similaires : 80% pour la Tunisie, 56% pour l’Algérie», annonce-t-il. D’après lui, la faiblesse de la couverture de la protection sociale au Maroc s’explique essentiellement par le fait qu’elle ne concerne que les travailleurs salariés. Plus de six millions de travailleurs non-salariés ne sont pas couverts. Un grand défi qui interpelle l’ensemble des intervenants dans le secteur de la prévoyance sociale.

Après cette brève radioscopie, il importe de définir une politique nationale à même de réglementer, d’harmoniser, de coordonner et d’assurer le suivi des mesures de protection sociale et d’en évaluer la mise en oeuvre, afin que les différents régimes en vigueur soient complémentaires et non pas concurrents. 

S. Es-siari & W. El Mouden

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