Protection des données personnelles : l’Afrique se mobilise

Protection des données personnelles : l’Afrique se mobilise

 

- L’Afrique est très en retard par rapport à d’autres continents.

- Le Maroc a franchi des étapes importantes.

 

 

La protection de la vie privée et des données personnelles est désormais un défi mondial. Le développement fulgurant des technologies de l’information avec, en filigrane, le foisonnement des données et l’essor du Big data, impactent la vie privée des citoyens. Aussi, l’accès facile aux portables, aux ordinateurs, etc.  met-il les données au cœur de tous les dispositifs. Et ce n’est pas sans effets.

C’est dans ce sillage que s’inscrit la conférence internationale sur la protection des données personnelles, organisée récemment par la CNDP (Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel).

Des délégations de plus de 20 pays, des présidents des autorités africaines de protection des données personnelles, ainsi que des intervenants de haute facture étaient présents à la rencontre.

Objectif : débattre d’une thématique aussi fondamentale que stratégique pour l’avenir de la communauté internationale, qui présente des signes différenciés de prise de conscience de l’enjeu de la donnée. Ils sont d’ailleurs unanimes à dire que l’Afrique est très en retard par rapport à d’autres continents. Le Maroc, lui, s’en tire plutôt bien.

«Par rapport à d’autres pays africains, le Maroc a franchi des pas importants. 120 conférences de sensibilisation ont été organisées et la CNDP interagit régulièrement avec les internautes sur les réseaux sociaux pour communiquer sur la stratégie», annonce Lahoussine Aniss, secrétaire général de la CNDP.

«Plus de 6.300 déclarations de données personnelles circulent et 640 institutions ont coopéré avec la CNDP pour prendre en considération nos réclamations», ajoute-t-il.

Le continent africain doit faire face à la protection de données personnelles en tant que nouveau levier de développement pour rassurer ses partenaires économiques. «Il faut que l’échange des informations se fasse de manière fluide pour protéger les données personnelles et ne pas porter atteinte à la vie privée des citoyens», tient-il à ajouter.

Même son de cloche chez Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Conférence internationale des commissaires à la protection des données et à la vie privée, qui considère cette protection comme étant un levier puissant pour propulser le continent dans le développement économique. Elle milite avec force pour l’instauration d’un cadre de confiance, aussi bien pour les consommateurs que pour les investisseurs. Mais elle reste tout de même convaincue de l’importance de la participation de l’Etat pour réussir le pari.

En marge de cette conférence, les représentants des autorités de protection des données personnelles de l’Afrique du Sud, du Bénin, du Burkina Faso, du Cap Vert… se sont concertés sur les actions futures à mener afin de permettre au jeune réseau africain (RAPDP) de jouer pleinement son rôle en tant que plateforme d’échange d’informations et de coopération, de créateur de synergie entre les autorités africaines et de porte-parole du continent sur le plan international. ■

 


 

«Le continent devra bâtir une innovation numérique durable»

 

Trois questions à Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Conférence internationale des commissaires à la protection des données et à la vie privée (ICDPPC).

 

Finances News Hebdo : En matière de protection des données personnelles et de la protection de la vie privée, comment l’Afrique peut-elle avoir voix au chapitre, dans un contexte où la communauté internationale est très en avance ?

 

Isabelle Falque-Pierrotin : Effectivement, il y a une forme de rattrapage numérique que l’Afrique doit opérer incessamment.

Paradoxalement, cela lui donne également un avantage si les pays du continent intègrent en amont la protection des données personnelles dans les plans de développement de l’économie numérique.

En Europe, on s’aperçoit de plus en plus qu’il faut aller dans ce sens parce que cela permet de bâtir une innovation numérique beaucoup plus durable. Je crois que l’Afrique peut finalement se servir, comme un judoka, de son effort de rattrapage pour aller directement à l’intégration de la protection des données personnelles en amont de ses plans de développement et que finalement, cela puisse être un atout d’attraction du modèle numérique africain dans les années à venir.

 

 

F. N. H. : Dans le même sillage, comment la protection des données personnelles peut-elle être un avantage concurrentiel pour un continent voire pour un pays comme le nôtre ?

 

I. F. P. : La protection des données personnelles est d’abord une question de sécurité. On remarque que ces questions de sécurité pour le développement de l’économie en général, et pour celle du numérique en particulier, sont de plus en plus importantes.

Cela a été bien démontré avec toutes les failles qui se sont multipliées au courant des derniers mois. En plus, la protection des données personnelles est un gage de confiance vis-à-vis des opérateurs, et vis-à-vis du citoyen. Je crois que l’économie en général a besoin de cette confiance.

Pour toutes ces raisons, la protection des données personnelles, l’innovation et le développement ne sont pas incompatibles. Autrement dit, l’intégration de ces données très en amont dans le développement économique africain peut aider le continent à construire une économie numérique durable.

 

F. N. H. : Les représentants des différents pays du continent regrettent la non-participation des Etats. En dehors de l’appui financier, comment ce dernier pourra-t-il apporter sa pierre à l’édifice ?

 

I. F. P. : En effet, tout cela tourne autour de la culture des données personnelles et du numérique. Dans tous les pays du monde, nous accusons un retard. En Afrique comme ailleurs, il faut développer cette pédagogie, rétablir la confiance des gouvernements, et aussi des entreprises, dans les autorités de régulation pour que, chacun dans son rôle, puisse aider au développement d’un pays. Certes, cela prendra le temps qu’il faut et ne va pas se résoudre du jour au lendemain. Je crois qu’en respectant l’indépendance des autorités, ces dernières peuvent contribuer à la mise en place d’un Etat de droit et au développement d’une économie robuste. ■

 

 

Par S.E

 

 

 

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