La publicité mensongère prend de l’ampleur et porte un sérieux préjudice aux consommateurs. Entretien avec Bouazza Kherrati, président de la Fédération des associations de protection des consommateurs.
Propos recueillis par C. Jaidani
Finances News Hebdo : La publicité mensongère prend des proportions alarmantes. Que fait le mouvement consumériste pour lutter contre le phénomène ?
Bouazza Kherrati : En tant que fédération de protection des consommateurs, nous étions sollicités par le département du Commerce pour donner notre point de vue sur la loi 31-08. Parmi les points que nous avons soulevés, figure celui de la publicité. Nous avons proposé que ce domaine soit régi par une loi spécifique. C’est le cas dans plusieurs pays, dont notamment la France. Il s’est avéré que ce sont les lobbies du secteur qui bloquent l’entrée en vigueur d’un tel texte. Actuellement, avec les réseaux sociaux, la situation a empiré et les consommateurs sont pénalisés. Même les sociétés de publicité sont à leur tour touchées. Elles comprennent qu’elles deviennent victimes de la publicité mensongère car elles sont en train de perdre tous les avantages qu’elles défendaient. Avec le Net, les éditeurs des annonces mensongères sont inconnus et il est difficile de les poursuivre en justice, ou du moins de les contrôler. C’est pour cela que nous prônons une loi exclusivement consacrée à la publicité, englobant tous les supports médiatiques, y compris les réseaux sociaux.
F.N.H. : Quelle sont les conséquences qui peuvent survenir avec l’absence d’un tel texte de loi ?
B. Kh. : Le phénomène de la publicité mensongère atteint des ampleurs alarmantes. L’absence d’un texte de loi pour contrôler ce domaine et réprimer les personnes malveillantes devrait générer des conséquences très lourdes. Des arnaques de tous genres vont surgir et de façon accélérée. Il sera difficile par la suite de maîtriser la situation. Les lois dédiées en Europe ont donné des effets notables. Les publicités sont bien contrôlées et les malfrats sévèrement réprimés. Et au Maroc, la situation devient alarmante. La publicité touche pratiquement tous les secteurs : alimentaire, immobilier, tourisme, enseignement, formation… Le consommateur se fait plumer par des bandes parfaitement organisées. En 2015, nous avons prévu de nombreuses clauses dans le projet de Code numérique, mais ce texte n’a pas vu le jour. Pourtant, nous avons travaillé avec différents partenaires locaux ou étrangers sur ce sujet.
F.N.H. : Qu’est-ce qui bloque alors pour lancer un texte de loi ?
B. Kh. : Il n’y a pas de volonté politique. Le gouvernement doit préparer une mouture et la soumettre au circuit législatif. Les partis politiques ont un rôle à jouer à ce niveau. En l’absence d’un cadre juridique, le mouvement consumériste ne peut rien faire. Tant qu’il n’y a pas de dispositifs de contrôle et de répression des fraudeurs, on ne peut lutter contre le phénomène. L’arsenal juridique existant est faible et imprécis. Les attributions sont réparties entre différents départements. Il faut une loi unifiée sur la publicité, voire une agence pour superviser et contrôler ce domaine.
F.N.H. : Avez- vous avez des propositions à ce niveau ?
B. Kh. : Notre souhait est de promulguer une loi exclusive sur la publicité. Mais en l’absence d’un tel texte, nous avons proposé des amendements au projet de loi modificatif de la loi 31-08. Je rappelle que ce texte a pour objectif le renforcement et la protection des droits des consommateurs, et ce en leur garantissant une meilleure information, en les protégeant contre les clauses abusives et certaines pratiques commerciales. Ce texte prévoit aussi des dispositions complémentaires relatives à la garantie conventionnelle au service après-vente.