Les associations dédiées ne disposent pas de statut d’utilité publique, lequel pourrait leur permettre de recevoir des dons de différents organismes publics ou privés afin de renforcer leur action et élargir leur programme d’intervention.
Par C. Jaidani
La flambée des prix au Maroc a touché de nombreux produits, et plus particulièrement ceux de grande consommation. Certes, l’inflation importée a contribué à cette situation, mais le dispositif mis en place pour protéger le consommateur s’est montré inefficace. La flambée des fruits et légumes est un exemple édifiant. Les produits les plus consommés, à savoir les oignons, les tomates et les pommes de terre ont atteint des prix record. Des hausses dépassant parfois les 100%. D’autres produits comme les hydrocarbures ont soulevé un tollé, entraînant une très forte grogne sociale, en particulier chez les transporteurs.
Excepté les alertes et les appels au gouvernement pour intervenir et prendre les mesures qui s’imposent, la société civile s’est montrée incapable de tenir un rôle déterminant. Dans le cadre des questions orales ou écrites, les partis politiques ont interpellé l’exécutif au Parlement, sans pour autant que des actions tangibles soient déclenchées. «Que ce soit le chef du gouvernement ou les ministres, ils étaient évasifs dans leurs réponses. Ils imputaient toujours la flambée des prix à des causes exogènes, sans remettre en cause le système de distribution, la chaîne de valeur ou l’arsenal juridique de protection du consommateur. Ils formulaient des engagements qui seront par la suite non respectés. Ils jouent plus sur l’effet d’annonce pour gagner du temps, espérant un retour à la normale», déplore Abdellah Bouanou, député du PJD à la Chambre des représentants. Pour leur part, les associations de protection du consommateur se sont révélées inefficaces. Pourtant, la loi n°31-08 met en place un cadre favorable pour leur promotion.
«Dans le cadre d’un programme d’actions financées par le ministère de l’Industrie et du Commerce, les fédérations bénéficient de subventions pour les projets destinés à promouvoir le mouvement consumériste (équipement de guichets conseil, formations, sensibilisation et information du consommateur, édition de supports de communication, développement de sites web, etc.)», stipule le texte. Il précise également qu’il faut renforcer ce mouvement en permettant aux associations d’être reconnues d’utilité publique et autorisées à ester en justice.
«Nous n’avons pas encore reçu le statut d’utilité publique et aucune association de protection du consommateur ne l’a reçu. Pourtant, nous avons formulé deux demandes : la première a été déposée il y a vingt ans. Alors que d’autres associations sportives ou culturelles l’ont reçu. Nous avons fait une troisième demande. Je crois que s’il n’y a pas d’objection de dernière minute, nous obtiendrons gain de cause. Ce statut nous permettra de recevoir des dons de différents organismes publics ou privés afin de renforcer notre action et élargir notre programme d’intervention. Nous ne recevons du soutien que du département de l’Industrie et du Commerce pour financer certains projets. Alors que la protection du consommateur concerne d’autres départements», affirme Bouazza Kharrati, président de la Fédération des associations de protection des consommateurs Rappelons que pour obtenir le statut d’utilité publique, la procédure est très compliquée et nécessite beaucoup de temps.
L’Association marocaine des droits de l’Homme a mis 23 ans pour l’avoir. La demande se fait d’abord au niveau du secrétariat du gouvernement. Plusieurs administrations ou départements doivent donner leurs avis. «Chaque département concerné doit faire une enquête exigeant de nombreux documents ou informations. Si un seul émet un avis défavorable, la demande est rejetée», explique Kharrati. Il faut dire que la Fédération des associations de protection des consommateurs a adopté un nouveau concept stipulant qu’on ne peut défendre le consommateur sans défendre le producteur et l’Administration.
«C’est un trépied pour la stabilité socioéconomique du pays. Si un élément est touché, tout l’écosystème est impacté avec des risques majeurs pour la paix sociale. Sans le consommateur, il n’y a pas de producteur, et sans l’Administration il n’y a pas de régulateur», explique Kharrati. S’agissant de la réforme de la loi 31-08, il a noté que dès le départ, le texte a été mal conçu. Dans son application, il a révélé de nombreuses limites : il s’est concentré essentiellement sur le crédit, marginalisant plusieurs aspects comme le surendettement.