A fin 2015, les niveaux des stocks de sécurité au Maroc étaient inquiétants : 24 jours en gasoil, 35 j en supercarburant, 5 j en fuel, 28 j en butane et 19 j en carburéacteur. La Cour des comptes s’alarme.
C’est un rapport alarmant que vient de publier la Cour des comptes (CC) sur «Les stocks de sécurité au Maroc», dont le principe est institué par la loi n° 09-71 du 12 octobre 1971. Le stockage de sécurité concerne ainsi différents produits sensibles, notamment les médicaments, les céréales, le sucre, les huiles alimentaires et les produits pétroliers. Ces derniers sont confrontés à une situation particulière, avec notamment l’arrêt, depuis juillet 2015, de l’activité de la raffinerie Samir, qui approvisionnait le marché national à hauteur de 48%, et la libéralisation des prix des produits pétroliers à partir du 1er décembre 2015.
Deux évènements qui impactent directement la situation des stocks de sécurité, lesquels pâtissaient déjà d’un déficit par rapport aux obligations réglementaires et aux niveaux recommandés par les instances internationales. Il faut rappeler, qu’au niveau mondial, l’Agence internationale de l’énergie incite les pays à conserver 90 jours d’importations nettes de l’année civile précédente, sans contrainte sur la nature des produits à stocker. Au Maroc où, depuis l’été 2015, le marché national est désormais approvisionné exclusivement par l’importation, la réglementation prévoit 60 jours de consommation pour les produits raffinés chez les distributeurs. Or, constate la Cour des comptes, «les stocks de sécurité des produits pétroliers sont marqués par une insuffisance structurelle par rapport au niveau prévu par la réglementation». Et, d’un produit à l’autre, les écarts peuvent être significatifs. Ainsi, fait remarquer la CC, pour le gasoil, les stocks disponibles à fin 2015 ne permettaient de couvrir, en moyenne, que 24,1 jours de consommation, contre 27,5 jours pour le butane et 34,8 jours pour le supercarburant.
«Les stocks de fuel chez les distributeurs présentent la situation la plus critique, avec des niveaux ne dépassant pas cinq jours de couverture en 2015», souligne la CC, faisant savoir que ce produit est utilisé essentiellement dans la production de l’énergie électrique et dans certaines industries. Plus grave encore, dans plusieurs cas, à l’intérieur de la même année, les stocks atteignent des niveaux critiques ne dépassant pas 10 jours de consommation pour certains mois.
A l’insuffisance de stockage de sécurité, s’ajoute aussi un déficit de capacités de stockage. A 79 jours de consommation, seul le supercarburant dispose de capacités de stockage suffisantes. Le butane et le carburéacteur affichent des capacités respectives ne pouvant contenir que l’équivalent de 46 et 42 jours de consommation. Pour le fuel et le gasoil, les chiffres se situent à, respectivement 26 et 56 jours de consommation. Pourtant, plusieurs mécanismes de financement ont été mis en place afin d’inciter les opérateurs à investir dans l’installation de nouvelles capacités de stockage et dans la constitution des stocks prévus par la réglementation. Visiblement, cela n’a pas suffi.
C’est à croire que les sanctions aux infractions à l’obligation de constitution de stocks de sécurité en hydrocarbures ne sont pas dissuasives. La loi prévoit, en effet une amende de 5 DH/m3 de produit raffiné ou par tonne de pétrole brut pour le défaut de stockage constaté. «Cette amende est à considérer par jour durant la période où l’insuffisance des stocks a persisté», précise la CC. De même, l’insuffisance des capacités de stockage que les opérateurs sont tenus de posséder donne lieu à l’application d’une astreinte prononcée par le ministre en charge des Mines variant entre 500 et 5.000 DH par jour. «Ces sanctions qui n’ont jamais été révisées depuis leur institution, en 1973, se trouvent difficilement applicables eu égard à la situation enregistrée depuis cette date et marquée par des insuffisances structurelles», constate la CC.
A l’évidence, il semble impératif de prendre des mesures d’urgence. D’autant qu’une bourrasque pourrait subitement mettre fin à ce jeu d’équilibriste et plonger l’économie nationale dans une profonde crise.
Par D. W.
Ce que recommande la Cour des comptes
Face à cette situation, la CC recommande de s’inscrire dans une stratégie visant à constituer, à moyen terme, chez les opérateurs, un niveau de stock de sécurité équivalent à 30 jours de consommation, en dehors de leur stock outil. A terme, l’objectif de cette stratégie est d’atteindre les niveaux requis par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), soit 90 jours de consommation. La prise en charge d’une partie du stockage de sécurité peut se concevoir dans le cadre d’un partenariat à instituer entre l’Etat et les opérateurs pétroliers sous forme de société d’économie mixte. La somme de 3 Mds de DH cumulée chez ces opérateurs à travers la prime spéciale de constitution des stocks pourrait contribuer au financement de ce projet. La CC suggère aussi l’institution d’un organisme constitué de représentants de l’Etat et des professionnels du secteur pour piloter le système de stockage de sécurité, outre la réalisation d’infrastructures portuaires importantes pouvant accueillir des navires de grande capacité…