Le CESE vient d’émettre un avis sur la question.
Dans le document, en cours d’examen au Parlement, Ahmed Chami et son équipe recommandent d’activer dix grands leviers. Les détails.
Par A. Diouf
Du nouveau dans l’agriculture, un secteur où le Maroc jouit d’une notoriété qui dépasse les frontières nationales, mais où il y a encore beaucoup à faire en termes d’amélioration sur toute la chaîne de valeur. En particulier sur l’aval, une partie à laquelle «Generation Green 2020- 2030», le nouveau plan de développement du secteur, qui a remplacé le Plan Maroc Vert, a consacré un plan d’action malheureusement pas suffisamment musclé pour venir à bout des nombreux dysfonctionnements à lever. Pour renforcer cette partie et améliorer toute la chaîne de valeur de commercialisation des produits agricoles, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s’est saisi de la question en émettant un avis où il plaide «pour une approche novatrice et intégrée de la commercialisation des produits agricoles». Dans le document, en cours d’examen au Parlement, le président du CESE, Ahmed Chami, et son équipe ont dressé un diagnostic accablant où il est relevé que le système de commercialisation des produits agricoles connaît plusieurs fragilités et dysfonctionnements organisationnels et fonctionnels.
Plusieurs fragilités et dysfonctionnements
Au niveau réglementaire, le CESE constate, en effet, qu’il y a une faible coordination entre les parties prenantes au niveau territorial et national, à cause de l’absence d’un cadre de gouvernance global et intégré du processus de commercialisation dans le Royaume. Il pointe également du doigt l’intermédiation qui serait excessive et peu contrôlée au niveau de l’offre de produits agricoles destinés aux marchés de gros. Ce qui favorise la spéculation, pénalise le producteur, impacte la qualité des produits en rallongeant les circuits de distribution et, partant, renchérit le prix de vente final au consommateur. Il est également noté que les petits et moyens agriculteurs ont du mal à s’organiser pour écouler leurs produits dans de bonnes conditions.
Il s’agit particulièrement des agricultrices que l’Etat a aidé à s’insérer dans des coopératives œuvrant dans la promotion de produits du terroir, mais cela n’a pas suffi pour consacrer leur inclusion dans les chaînes de commercialisation. La digitalisation des processus de commercialisation et de valorisation des produits agricoles serait aussi très embryonnaire et faible. S’y ajoute l’accès de plus en plus difficile à certains marchés extérieurs en raison des exigences des pays importateurs, surtout en termes de respect des normes sanitaires, et dernièrement environnementales. Enfin, le CESE remarque qu’il y a des pertes importantes et un gaspillage énorme de produits agricoles. Les pertes post-récoltes de fruits et légumes se situent entre 20 et 40%. Pour l’oignon, par exemple, les pertes sont entre 30 et 40% à cause de techniques de stockage inappropriées, est-il relevé.
Ce que recommande le CESE
Pour lever ces divers goulots d’étranglement, le CESE a émis dix principales recommandations. Au niveau réglementaire, il s’agit de renforcer les dispositifs de régulation des prix mis en place pour la filière céréalière et concevoir des dispositifs adaptés aux spécificités des autres filières agricoles. Pour les coopératives agricoles, le CESE recommande de consolider leur rôle et de revoir leur système de gouvernance et de contrôle, en encourageant les petits et moyens agriculteurs à se regrouper dans ce type de coopérative en vue d’assurer la collecte et la vente des produits céréaliers au prix de référence déterminé par les autorités compétentes.
Pour donner plus de punch à ces organisations, l’équipe de Chami préconise de revoir les modèles et les mécanismes d’accompagnement et d’organisation des agriculteurs en coopératives ou groupements d’intérêt économique, en s’inspirant des approches adoptées par les filières sucrière et laitière, en vue d’améliorer les conditions de mise en marché des produits agricoles et d’augmenter significativement les revenus des producteurs. Pour faire face à la multiplication des intermédiaires, il faut mettre en place un cadre réglementaire précis et opposable pour réguler et repenser le rôle et les missions du métier d’intermédiaire et expliciter ses droits et devoirs au niveau de la chaîne de commercialisation.
Les marchés de gros sont également concernés : le CESE demande d’accélérer leur réforme en veillant à substituer au système rentier actuel un dispositif ouvert à la concurrence et conditionné par le respect d’un cahier des charges. Pour assurer une meilleure intégration dans la chaîne de valeur du segment de la commercialisation, il faut renforcer la coordination entre les différentes parties prenantes au niveau territorial et national. Il s’agit aussi de développer le segment de la transformation des produits agricoles (fruits et légumes) en orientant certaines productions vers la transformation. S’agissant de la digitalisation, le CESE appelle à accélérer la transformation digitale de la commercialisation pour favoriser l’inclusion des petits et moyens producteurs. Pour accroître l’inclusion des agricultrices dans la chaîne de valeur de la commercialisation, il est recommandé de favoriser les circuits courts de commercialisation à caractère coopératif et d’encourager le commerce de proximité. Enfin, le CESE croit qu’il faut adopter une loi pour lutter, dans l’esprit de l’économie circulaire, contre les pertes et gaspillages des produits agricoles au niveau de la distribution, du stockage et de la distribution.