Le Conseil de la Concurrence a tenu, hier jeudi, sa première session ordinaire consacrée notamment à l'examen de la demande d'avis du Gouvernement concernant le projet de plafonnement des marges bénéficiaires des carburants liquides.
L'Avis du Conseil de la Concurrence, rendu public ce vendredi indique que le plafonnement des marges n'est pas judicieux. Pour le Conseil, le plafonnement est une mesure discriminatoire. Selon le Conseil de la Concurrence, "le marché souffre de dysfonctionnements de nature structurelle auxquels les réponses conjoncturelles ne peuvent avoir que des effets limités".
Le Conseil indique qu'en tant qu'autorité de régulation et non de réglementation, n'a pas pour mission de définir le niveau optimal des prix et marges maximales à retenir sur le marché des carburants.
Cet avis servira de base pour la prise de position du gouvernement sur le sujet. Ce dernier, peut évidemment passer outre l'avis du Conseil.
Appréciation du Conseil de la concurrence
Le plafonnement est d’abord une mesure conjoncturelle limitée dans le temps puisque les dispositions de l’article 4 de la loi 104-12 en fixe la durée d’application à six mois, prorogeable une seule fois. De plus, cette durée, bien que limitée, est appelée à connaître, comme c’est toujours le cas sur le marché des hydrocarbures, des changements fréquents du fait des fluctuations imprévisibles et non maitrisées des cours mondiaux sur lesquels le gouvernement n’a aucune prise.
Par ailleurs, agir uniquement sur les marges des distributeurs de gros et de détail ne va pas changer la réalité des prix, et corrélativement ne conduira pas à protéger le consommateur et à préserver son pouvoir d’achat. De ce fait, selon le Conseil de la Concurrence, la véritable question n’est pas de plafonner les marges mais d’identifier les mesures compensatoires et les actions d’accompagnement en direction des acteurs de la filière, des segments du marché, des secteurs d’activité et des catégories de la population qui seront les plus touchées par les hausses imprévisibles des cours mondiaux du baril ou du pétrole et des produits raffinés.
Le plafonnement est également une mesure discriminatoire qui s’applique indistinctement à tous les opérateurs quelque soient leurs tailles et la structure de leurs coûts. Ce qui comporte un risque réel de pénaliser les opérateurs de petites et moyennes tailles qui verront leur vulnérabilité s’accroître. Ce faisant, le plafonnement des prix et des marges est un mauvais signal au marché et été expérimenté entre décembre 2014 et décembre 2015, et n’a pas donné les résultats escomptées, puisque les opérateurs s’alignent généralement sur les prix maximum fixés sans fournir d’efforts en termes de baisses des prix, le prix maximum se transformant de facto en prix minimum.
Pour toutes ces raisons réunies, le Conseil considère que le plafonnement des prix et des marges n'est pas judicieux du point de vue économique et concurrentiel et en termes de justice sociale. Selon lui, le marché souffre de plusieurs dysfonctionnement de nature structurelles auxquels les réponses conjoncturelles ne peuvent avoir que des effets limités.
Ce que recommande le Conseil de la Concurrence
Le Conseil de la concurrence (CC) recommande au gouvernement d’agir sur quatre leviers essentiels portant sur l’amont et l’aval de la structure de ce marché pour le rendre plus concurrentielle et en phase avec les objectifs stratégiques de sécurisation de l’approvisionnement, d’efficacité économique et de justice sociale.
1- développer la concurrence sur le segment amont du marché
Le CC considère que la dynamisation de la concurrence sur le marché des hydrocarbures ne pourra pas se réaliser en agissant uniquement sur le segment aval du marché à travers la réglementation des prix de détail et des marges. Il recommande d’agir sur les autres niveaux de chaine de valeur pour avoir un processus concurrentiel intégré englobant aussi l’amont du secteur. Dans ce cadre le CC estime qu’une réappropriation nationale de l’activité du raffinage revêt un réel intérêt. Le CC recommande au gouvernement de mettre en place un dispositif spécifique d’encouragement de l’investissement dans l’industrie de raffinage privé et/ou dans le cadre d’un partenariat public-privé.
2- Renforcer les capacités nationales de stockages
Le CC recommande de nouvelles capacités de stockage ou l’extension de celles existantes et d’ouvrir le secteur aux investisseurs potentiels dans les capacités de stockage à travers la création d’un cadre offrant une visibilité à l’investissement dans ce segment du marché. Pour rappel, La Samir disposait d’une capacité de stockage de 50% de l’offre nationale. Le CC recommande également l’institution du métier de "stockiste-indépendant".
3- Stimuler la concurrence sur le marché de la distribution au détail
La distribution en gros et au détail souffre de plusieurs barrières à la concurrence, malgré l’existence d’un nombre important de stations services. Le CC recommande au gouvernement de substituer le régime des agréments applicable aux stations-services par un simple système déclaratif, de supprimer l’obligation de disposer d’un réseau de 30 stations-services, d’encourager la création de stations-services indépendantes et de supprimer la règle de chainage entre les stations.
4- Soumettre le marché à un dispositif innovant de régulation sectorielle
Le CC recommande enfin de soumettre le marché à un dispositif innovant de régulation sectorielle similaire à celui mis en œuvre dans les industries de réseaux : comme celui des télécommunications (ANRT). Dans ce cadre, le CC préconise d’attribuer la régulation technique économique de ce marché à l’Autorité nationale de régulation de l’énergie.