Le taux de scolarisation du préscolaire pour l’année 2020-2021 est estimé à 72,5%.
Pour réussir ce grand chantier, le pays a adopté une feuille de route progressive sur 10 ans.
Entretien avec Aziz Kaichouh, Directeur général de la Fondation marocaine pour la promotion de l'enseignement préscolaire (FMPS).
Propos recueillis par M. Boukhari & M. Ouaanna
Finances News Hebdo : D’après les chiffres dévoilés par le ministère de l’Education nationale relatifs au bilan de la 3ème année de mise en œuvre de ce chantier, le taux de scolarisation au préscolaire est passé à 72,5% au titre de l’année 2020- 2021. Quel état des lieux faites-vous aujourd’hui ?
Aziz Kaichouh : Effectivement, les données communiquées par le ministère de tutelle montrent que le taux d’inscription dans le préscolaire, toutes catégories confondues (public, privé, traditionnel et non structuré), au niveau national, est de 72,5%, selon le bilan de septembre 2021. Ce qui se traduit par 910.428 enfants préscolarisés. Il faut noter que le préscolaire public est en évolution et représente aujourd’hui 43% du total des enfants préscolarisés. Néanmoins, il ressort de l’analyse de ces données que 28% des enfants en âge préscolaire (soit la catégorie de 4 à 6 ans) demeurent non encore préscolarisés. Ceci représente 355.000 enfants à recenser et à intégrer par l’offre publique. La réflexion doit également être portée sur les 37% d’enfants inscrits au sein du préscolaire traditionnel et non structuré, qui représentent 336.858 enfants préscolarisés, selon un système qu’il faut mettre à niveau des standards de l’offre publique qui bénéficie d’un cadre normé et de qualité.
F.N.H. : Au stade où l’on est actuellement, l’objectif de 100% à l’horizon 2027-2028 est-il atteignable ?
A. K. : Il est à rappeler que suite aux Hautes orientations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’Assiste, le programme de généralisation du préscolaire, qui a été lancé en 2018, a mis comme objectif la généralisation du préscolaire à l’ensemble des enfants de la tranche d’âge de 4 à 6 ans, à l’horizon 2028. Il y a lieu de préciser que la planification des créations est en phase avec le plan d’action initial, et en avance dans certaines provinces. Nous pouvons donc confirmer qu’à ce rythme, la généralisation sera réussie dans les délais prévus. Par ailleurs, il faut préciser que le ministère a mis en place l’ensemble des axes concernant la qualité dans le préscolaire et leur mise en œuvre est opérée à travers les AREF, la FMPS ainsi que d’autres acteurs au niveau territorial.
F.N.H. : Le Programme national de généralisation et de développement du préscolaire (PNGDP) avance à grands pas. Le Maroc dispose-t-il des moyens nécessaires pour réussir ce chantier, notamment en matière de ressources humaines ?
A. K. : Pour réussir ce grand chantier, notre pays a adopté une feuille de route progressive sur 10 ans et basée sur le rôle de chaque acteur (institutionnel, public/privé, ONG, national/territorial). A cet effet, le PNGDP a adopté deux approches complémentaires :
• Concentrer les efforts du ministère à travers les AREF dans les zones urbaines et périurbaines;
• S’appuyer sur l’INDH pour la généralisation du préscolaire dans les zones rurales et les zones enclavées en raison de l’avantage de proximité que permet le dispositif de l’INDH, et pouvoir ainsi accélérer la généralisation dans le milieu rural où le taux de préscolarisation est le plus faible. Les deux approches s’appuient actuellement sur des opérateurs dans une optique de «faire-faire», ayant l’expérience et le savoirfaire nécessaire pour atteindre la qualité prévue. Pour le volet «Ressources humaines», nous pouvons dire qu’à partir de cette année, nous disposons d’un dispositif ambitieux pour préparer les futures éducatrices au métier du préscolaire : ayant un bac et bénéficiant d’une formation initiale de 950 heures (contenu théorique, travaux pratiques et stage en classe). Nous avons aussi créé un profil de «Superviseur et Encadrant pédagogique», qui veille sur le bon déroulement des activités pédagogiques en classe : bac+3 avec une formation d’une année.
F.N.H. :Quel rôle joue la Fondation marocaine pour la promotion de l'enseignement préscolaire (FMPS) pour mener à bien cette opération d’envergure ?
A. K. : Tout d’abord, il faut noter qu’actuellement, la FMPS gère un réseau de plus de 12.000 unités préscolaires accueillant près de 250.000 enfants, soit 60% de l’offre préscolaire publique. Et elle est en cours de développer son réseau avec le MENPS et l’INDH, via la préparation de l’ouverture de près de 4.500 nouvelles classes au titre de l’année scolaire à venir. La FMPS dispose également d’un centre de recherche dans le domaine préscolaire, de centres de formation initiale et continue au niveau de plusieurs provinces, d’un système de suivi et d’évaluation des acquis des enfants, d’un label de qualité et d’un dispositif de gestion des unités préscolaires dans tout le pays. Les conventions de partenariat signées le 7 avril 2022 entre le MENPS, le ministère de l’Economie et des Finances, le ministère de l'Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l'Emploi et des Compétences, l’INDH et la FMPS prévoient :
• La gestion par la FMPS de plus de 70% du préscolaire public, selon une démarche bien spécifiée et détaillée, qui comprend un ensemble d’actions à mener aux niveaux national, régional et local;
• La formation initiale par la FMPS des éducatrices qui seront recrutées pour travailler dans l’offre publique (celle gérée par la FMPS et celle gérée par les associations) et ce, pour unifier les bases des formations des ressources humaines dans une vision d’un modèle marocain du préscolaire;
• Le financement par le budget général de l’Etat des plans d’action et besoins nécessaires pour atteindre les objectifs d’une généralisation de qualité.
Le processus de généralisation est en marche et le modèle marocain continuera à s’adapter et à s’améliorer, avec comme priorité l’amélioration continue de la qualité. Celle-ci passera par l’adaptation régulière des programmes de formation des ressources humaines, et le renforcement des dispositifs d’encadrement et d’évaluation des acquis des enfants. Pour faire face à ce grand challenge et aux nouveaux défis et contraintes, la FMPS travaille continuellement à l’amélioration de ses processus et outils, et adapte ses structures centrales et locales. Dans une approche de contrôle qualité, la FMPS et le MENPS veillent à renforcer le dispositif d’évaluation des compétences et du staff éducatif et des enfants pour permettre au ministère de disposer d’informations pertinentes en temps réel, à même de permettre le suivi et l’amélioration continue des programmes pédagogiques.
La FMPS est aussi chargée d’accompagner le ministère dans la mise en place d’un système de labellisation qui permettra de généraliser le dispositif de formation, de supervision et d’évaluation à tous les autres acteurs, pour garantir un préscolaire de qualité égale à tous les enfants marocains. Il est à rappeler que les conventions de partenariat signées le 7 avril 2022 a institué un Comité de pilotage stratégique, chargé d’assurer la coordination du programme, ainsi qu’un Comité de suivi chargé d’assurer le suivi de la mise en œuvre du programme.