Alors que l’inflation s’installe durablement, le resserrement devrait rester le maitre mot de la politique monétaire encore quelques trimestres.
Par A. Hlimi
Bank Al-Maghrib a débuté un revirement stratégique de sa politique accommodante mise en place depuis 2008 pour faire face à une inflation tenace. Annoncée comme importée, la hausse des prix s’est petit à petit propagée, obligeant la Banque centrale à intervenir pour la première fois en 14 ans pour lutter contre les ancrages. Et ce n’est pas fini ! L'inflation va devoir continuer à enregistrer des taux élevés pour une période bien plus longue que prévu en septembre dernier, quand la Banque centrale a décidé son premier tour de vis. Cette hausse des prix, impactée au début par les pressions externes qui se sont diffusées aux biens et services non échangeables, sera exacerbée par la mise en œuvre de la réforme du système de compensation à partir de 2024. Cette décompensation devrait redonner un coup de fouet à l'inflation à partir de 2024.
«En 2024, les tarifs réglementés enregistreraient une forte progression de 12,9%, avec le démarrage programmé de la décompensation des prix du gaz butane et du sucre», avait indiqué le Wali de la Banque centrale en décembre. Quant aux opérateurs, ils demeurent convaincus de la poursuite du durcissement monétaire durant le S1-23. Et pour cause, le déterminisme de BAM à soutenir la stabilité des prix au Maroc. Outre l’inflation, la question de la rémunération de l’épargne est aussi un sujet de préoccupation. La hausse cumulée du taux débiteur (TD) de +100 PBS n’est pas encore en mesure de rétablir les taux réels au Maroc en territoire positif, et ce compte tenu d’une inflation cible largement supérieure à ses niveaux historiques. La poursuite du durcissement monétaire des Banques centrales à l’international en 2023 va également pousser Bank Al-Maghrib à maintenir la pression.
Bien qu’à un rythme moins soutenu, la FED et la BCE devraient poursuivre le relèvement de leurs taux directeurs en 2023, générant ainsi de fortes pressions sur le Dirham. Pour rappel, les spreads de liquidité du MAD demeurent en territoire positif depuis juillet 2022, atteignant un plus haut historique à 4,99% en novembre dernier. Pour préserver le pouvoir d’achat de la monnaie nationale, la Banque centrale va donc devoir suivre ses homologues.
Good news is bad news
Les analystes financiers qui couvrent les questions monétaires estiment que les projections de croissance globalement «rassurantes» durant la période 2023-2024 vont aider la Banque centrale à dérouler son resserrement. En effet, les dernières précipitations nationales confortent les projections de BAM quant à une campagne normative autour de 75 MQx en 2023. À cet effet, la croissance du PIB devrait ressortir à 3,0% en 2023 et rebondir à 3,2% en 2024. Des niveaux qui demeurent en ligne avec la moyenne historique de la croissance du PIB au Maroc. On ne pourra donc pas reprocher à la Banque centrale de créer de la récession. De quoi l’encourager dans sa voie restrictive.
Hausses du taux directeur : Pas encore d'effets
Le resserrement de la politique monétaire n’a naturellement pas encore eu d’impact évident sur l’inflation et le taux de change. Le taux de croissance annuel de l’IPC est passé de 8,3 à 8,1% entre septembre et octobre (juste après la première hausse des taux d’intérêt), mais est remonté à 8,3% en novembre et décembre. Bien qu’il soit encore tôt pour évaluer l’impact du resserrement, il existe diverses raisons d’affirmer que la répercussion des taux d’intérêt pourrait être limitée au Maroc, car le taux d’inflation du pays est principalement déterminé par ses niveaux passés (persistance) et par des facteurs externes.
Selon les enquêtes de BAM, les anticipations d’inflation ont continué d’augmenter, passant de 3,6% au troisième trimestre à 4,8% au quatrième trimestre. Ces derniers mois, l’affaiblissement du Dollar américain a entraîné une appréciation du Dirham vis-à-vis du Dollar. Cependant, il est resté proche de la limite supérieure de la bande de fluctuation. Au cours des trois premiers trimestres de 2022, le taux de change effectif nominal s’est déprécié de 1,9% cumulé, tandis que le taux de change effectif réel s’est déprécié de 4,2%.