Le Maroc nourrit de grandes ambitions de développement afin de consolider sa centralité régionale et internationale. La politique d’aménagement du territoire constitue une pierre angulaire de ce dessein à même de précipiter l’émergence du pays.
Toutefois, les écarts de développement entre certains espaces, l’irruption de nouvelles donnes et de nouvelles exigences, sont autant de défis que la politique d’aménagement du territoire devra impérativement relever.
Le choix irréversible du pays d’ouvrir l’économie pour mieux l’arrimer aux nouvelles chaînes de valeur internationale a de fortes implications sur l’exigence de l’efficience de la politique d’aménagement du territoire. De plus, cette ouverture a pour corollaire la concurrence internationale, qui astreint le Royaume à accroître l’efficience de son tissu économique et la valorisation de son capital humain. S’il est évident que le Maroc jouit d’un vaste patrimoine architectural et urbanistique, de traditions agricole et pastorale, auxquels s’ajoute un important héritage culturel traduisant la diversité des milieux géographiques, force est d’admettre que l’efficacité de la politique d’aménagement du territoire a été fortement chahutée par la fulgurante croissance urbaine. L’impératif de contenir les exigences de la pression démographique en termes d’équipements complique davantage la planification et la gestion des villes.
D’ailleurs, les derniers chiffres du HCP afférents au recensement de la population de 2014 sont édifiants. En effet, le Maroc compte près de 33,8 millions d’habitants, dont 20,4 millions vivant en ville, et 13,4 millions résidant en milieu rural. Ce qui représente un taux d’urbanisation de 60,3%. L’autre spécificité de nature à révéler la pression démographique en milieu urbain est que sept villes concentrent, à elles seules, près de 41% de la population urbaine. Outre ce paramètre qui soumet à rude épreuve la politique d’aménagement du territoire, il est toutefois utile de rappeler qu’une meilleure valorisation du territoire national passe inéluctablement par le rétablissement de l’équilibre entre les différents espaces.
Or il se trouve que les disparités économiques d’une région à une autre peuvent s’avérer importantes. En effet, les statistiques du ministère de l’Economie et des Finances révèlent que seules quatre régions pèsent près de la moitié du PIB national (48%). Il s’agit des régions du Grand Casablanca, de Rabat-Salé-Zemmour-Zaer, du Souss-Massa-Draa et de Marrakech-Tensift-Al-Haouz. Aux yeux de certains experts, l’hégémonie de l’attractivité de l’axe atlantique Kénitra-Jorf Lasfar par rapport à d’autres bastions traduit les faibles performances de la gestion publique en matière d’aménagement du territoire. Du reste, il y a lieu de relever qu’au cours de ces dernières années, d’importants efforts ont été déployés par les pouvoirs publics afin de renforcer la compétitivité de certains espaces. Ces initiatives ont, par exemple, permis à la région de Tanger de développer sa vocation industrielle (automobile, habillement, fabrication de machines, etc.), facilitée en cela par l’avènement du port de Tanger Med. Dans la même foulée, la région de l’Oriental a vu son potentiel s’amplifier dans les domaines de l’agriculture (agropole de Berkane, technopole d’Oujda) et de l’offshoring, avec la construction d’infrastructures dédiées. Par ailleurs, s’il est communément admis que l’objectif de la politique d’aménagement du territoire est d’améliorer le niveau des équipements et la qualité des infrastructures de base et celle du cadre urbain, c’est un truisme de rappeler que le monde rural doit être au coeur de cette politique publique.
Le monde rural, le grand parent pauvre ?
Le milieu urbain constitue un challenge de taille de la politique d’aménagement du territoire. Celui-ci enregistre un taux de chômage qui tourne autour de 14%, avec l’expansion de l’informel à laquelle se greffe l’essor de l’habitation non réglementée, conséquence de l’incapacité de la gestion urbaine à répondre à la demande croissante en logements.
Toutefois, le milieu rural, qui abrite une population plus vulnérable économiquement, est loin d’être mieux loti, comme en témoigne l’insuffisance de ses équipements de base de qualité (routes, hôpitaux, écoles, etc.). Compte tenu des éléments qui précèdent, tout l’enjeu est de créer un nouvel environnement propice à l’investissement dans les campagnes. Ce qui est d’autant plus nécessaire que l’agriculture, à elle seule, est dans l’incapacité de procurer des ressources suffisantes à l’ensemble des personnes vivant dans les campagnes. Cela dit, la gestion centralisée du développement a, pendant longtemps, constitué un obstacle pour l’efficacité de la politique d’aménagement du territoire, qui devra, à la fois, corriger l’accumulation des retards de développement et juguler la crise urbaine et les pressions sur les ressources naturelles. L’autre impératif de celle-ci est d’améliorer le rythme de la croissance économique du pays. En somme, tout porte à croire que la régionalisation avancée donnera une nouvelle impulsion à la politique d’aménagement du territoire, tout en contribuant à la résorption des écarts de développement entre les territoires. En cela, elle devrait permettre aux collectivités locales de concevoir des stratégies de développement adaptées aux priorités et aux potentialités locales. Le dernier découpage régional, dont l’objectif est de garantir les unités territoriales par rapport aux exigences économiques et de développement, pourrait aussi avoir un impact positif sur l’efficience de la politique d’aménagement du territoire.
M. Diao