Politique commerciale : Le Maroc pris entre ouverture et défense commerciale

Politique commerciale : Le Maroc pris entre ouverture et défense commerciale

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Les accords de libre-échange signés avec près de 51 pays montrent incontestablement que le Maroc est résolument inscrit dans un processus continu d’ouverture économique. Toutefois, la multiplication des mesures antidumping interpelle à plus d’un titre. Ce durcissement de la défense commerciale est interprété de plusieurs façons.

Depuis quelques années maintenant, le Maroc affiche clairement ses ambitions d’être le hub à destination de l’Europe et de l’Afrique. «Le Royaume s’inscrit dans une logique de renforcer ses partenariats stratégiques avec d’autres pays», a déclaré Mohamed Boussaïd, ministre de l’Economie et des Finances, lors du Forum arabo-japonais abrité par la capitale économique. Cette orientation est quelque part reflétée par l’ouverture économique du pays, comme en témoignent les accords de libre-échange (ALE) signés avec près de 51 pays, connectant ainsi l’économie nationale à plus d’un milliard de consommateurs. Cela dit, c’est la déclaration de Moulay Hafid Elalamy, ministre de l'Industrie, du Commerce, de l'Investissement et de l'Economie numérique, lors de la signature des écosystèmes des industries métallurgique et mécanique (IMM), qui interpelle à plus d’un titre concernant la politique économique nationale. «Le Maroc utilisera pleinement les mécanismes de défense commerciale pour se protéger des entreprises étrangères qui recourent aux pratiques de dumping pour s’imposer sur le marché national». Cette assertion est corroborée par le nombre de mesures antidumping prises par le ministère délégué chargé du Commerce extérieur.
En effet, celles-ci ont concerné, entre autres, les importations de papier ramette en provenance du Portugal, le PVC des USA, les tôles en acier laminé à chaud de l’UE, le contreplaqué en provenance de Chine et les importations d’insuline du Danemark. De plus, dans un communiqué datant du 2 mai 2016, le ministère de tutelle informe les importateurs de réfrigérateurs, de type ménager, originaires de Turquie, de Thaïlande et de Chine de la procédure de surveillance des importations à partir du 9 mai 2016, et ce pendant toute la durée de l’enquête antidumping sur lesdites importations. Interrogé sur la politique commerciale du Maroc, notre interlocuteur qui a souhaité garder l’anonymat, reste circonspect quant à la cohérence et l’efficacité de celle-ci. «Il est assez curieux de constater que les mesures antidumping prises jusque-là concernent, entre autres, des pays avec lesquels le Maroc a conclu un ALE», assure-t-il. Avant de s’empresser d’ajouter : «La vraie question est de savoir si notre tissu industriel est bien préparé pour ce genre d’accords préférentiels». A ce stade, il est utile de rappeler que le Maroc, qui a conclu des ALE, entre autres, avec l’Union européenne, la Turquie et les Emirats Arabes-Unis, est le seul pays africain à conclure un accord de ce genre avec les Etats-Unis.


Les ALE ont-ils eu les résultats escomptés ?
Même si la part des ventes à l’étranger réalisées dans le cadre des ALE a sensiblement progressé au niveau des exportations globales, force est d’admettre que le Maroc n’a pas suffisamment tiré profit des multiples accords préférentiels signés avec les pays ou blocs susmentionnés. Pour rappel, les exportations dans le cadre préférentiel bénéficient particulièrement aux produits bruts et aux demi-produits, sachant que les exportations des biens de consommation profitent moins des ALE, comme en témoigne la faible part des vêtements confectionnés et des articles de bonneterie exportés vers l’UE. Dans le même ordre d’idées, les chiffres de l’Office des changes révèlent un déficit commercial abyssal dans le cadre des accords de libre-échange. Celui-ci a représenté en moyenne 35% du déficit commercial global entre 2008 et 2013. Le déficit avec l’Union européenne a été le plus important, représentant à lui seul 28% du total. En somme, il est clair que les bienfaits des accords préférentiels peuvent être avérés pour l’économie nationale, mais à condition qu’ils soient suffisamment bien négociés. Ce qui suppose une plus grande concertation entre pouvoirs publics et opérateurs privés. Pour l’heure, le secteur privé national, incarné par la CGEM, a fait des ALE en cours de négociation son cheval de bataille. Il s’agit, entre autres, des accords de libre-échange avec l’UE (ALECA), les pays de l’Union économique et monétaire ouest africaine, (UEMOA), le Canada, le Chili, la Russie, et le Brésil.

Apporter les preuves nécessaires
L’application des mesures antidumping et de sauvegarde n’intervient que si l’enquête détermine que la pratique du dumping est avérée et que les importations sont massives (cas de la sauvegarde). Ces mesures sont particulièrement efficaces pour lutter contre les entreprises étrangères, qui exportent leurs produits à des prix inférieurs à ceux qu’elles pratiquent normalement sur leur propre marché intérieur. Pour rappel, les entreprises requérantes ont la charge d’apporter les preuves nécessaires pour l’ouverture d’une enquête en vue de l’application des mesures antidumping ou de sauvegarde.

Momar Diao

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