Depuis quelques années, et face à la nécessité de réaliser des investissements budgétivores, le recours au partenariat public-privé (PPP) a été la panacée pour chaque Etat en vue de répondre aux besoins sans cesse croissants de la population en matière de développement économique.
Au Maroc, le recours au PPP remonte à 1914, mais c’est essentiellement au cours des dernières années que ce dispositif a entamé son envol. Ce mode de financement a même connu son essor avec la construction du nouveau port de Tanger Med, la centrale solaire Noor… A ces projets, s’ajoute la centrale à charbon de Jorf Lasfar, développée par Taqa Morocco, qui assure près de 42% de l’énergie produite au Maroc. Et la liste est loin d’être bouclée : d’autres projets capitalistiques seront aussi portés par les PPP dans les années à venir.
Un rapport de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED) paru en juin 2016 a indiqué que le Maroc est classé deuxième pays africain en matière de PPP destiné aux infrastructures, avec un montant global de 27,5 Mds de dollars, derrière le Nigéria (37,9 Mds de dollars) et devant l’Afrique du Sud (25,6 Mds de dollars).
Face à l’ampleur et à l’importance des investissements affectés à l’infrastructure de base ou de projets sociaux, l’Etat fait appel à des prestataires privés pour financer et gérer un équipement assurant un service public ou y contribuant. Sur le plan juridique, il s’agit d’un contrat de longue durée (5 à 30 ans et exceptionnellement jusqu’à 50 ans en fonction de la complexité et des caractéristiques du projet) à travers lequel Etat, entreprises publiques, établissements publics confient à un partenaire privé la responsabilité de réaliser une mission globale de conception, de construction, de financement de tout ou partie de maintenance ou de réhabilitation et d’exploitation d’un grand ouvrage.
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Avantages vs inconvénients
En vue de mener à bon escient le partenariat public-privé, l’Etat est conscient de la nécessité de mettre en place un cadre institutionnel et réglementaire adéquat à même d’attirer les investisseurs privés vers des projets structurants. La nouvelle loi n° 86-12 relative aux contrats de PPP a été promulguée le 24 décembre 2014 et est entrée en vigueur le 4 juin 2015.
Son leitmotiv est de créer un cadre plus incitatif pour intensifier le recours à ce mode de financement dans pratiquement tous les secteurs stratégiques. Un mode de gouvernance de suivi et de pilotage des contrats PPP, conçu selon un schéma institutionnel clair et crédible, a été mis en place dans le cadre du nouveau dispositif juridique.
Hormis le financement, la loi n° 86-12 a pour objectif de faire bénéficier le secteur public national des capacités d’innovation et du savoir-faire du secteur privé, et par ricochet, offrir aux citoyens des services de qualité. Bref, une loi à même de développer de nouveaux modes de gouvernance des services publics axés sur la performance au sein des administrations publiques.
Tous ces avantages de ce mode de financement ne séduisent pas certains économistes qui le considèrent comme faisant supporter des investissements exorbitants au Budget de l’Etat.
D’après eux, le niveau d’endettement pousse l’Etat à recourir à ce mode de financement, lequel n’est pas pris en considération dans le calcul de la dette publique lorsque le contrat prévoit le versement d’un loyer sur une très longue période. C’est dire que malgré tous ses avantages, ce mode de financement ne fait pas l’unanimité.
«Il ne fait que colmater les brèches en sous-estimant la dette publique sans apporter de réels bénéfices en matière de coût et d’efficacité de gestion», avancent ses fervents détracteurs.
Ils arguent également leurs propos par le fait que le champ d’application de la loi n°86-12 n’inclut pas les collectivités locales et leurs établissements. Ils préconisent également la préférence nationale pour freiner le zèle des étrangers.
Ceci étant, et en dehors des avis des uns et des autres, mener à bien le partenariat public-privé exige de la part de l’Etat de trouver la bonne combinaison entre un «rendement social» maximal des projets PPP et la contrainte financière qui conduit à choisir des projets dont la rentabilité est suffisamment élevée pour drainer des investissements étrangers. ■
S. Es-siari