Occupation du domaine de l’Etat: la loi 03-19 tarde à être mise en œuvre

Occupation du domaine de l’Etat: la loi 03-19 tarde à être mise en œuvre

Le texte devrait moderniser le dahir du 30 novembre 2018 jugé obsolète et donner plus d’attrait à l’investissement et l’aménagement territorial.

 

Par C. Jaidani

 

 

L'occupation du domaine de l’Etat défraie la chronique actuellement. Dans toutes les villes du Royaume, les autorités locales mènent des interventions pour détruire les constructions anarchiques. Regroupant des centaines d'habitations et locaux de commerce et de loisir, le village d’Imsouane, à 51 km d'Agadir, a été entièrement rasé. Pourtant, il existait depuis 20 ans. Les autorités ont affirmé que la surface occupée relève du domaine maritime,  qui est un domaine public de l’Etat, et où il est strictement interdit de construire. Tous les édifices dans ce lieu sont clandestins, ne disposant ni certificat de propriété, ni autorisation de construire.

Dans d'autres cas, comme le camping de Tamaris ou la côte de Zenata, les résidents  disposaient quand même d'une autorisation d'occupation, mais juste temporaire.  Selon l'article 5 du dahir du 18 novembre 1918 relatif à l'occupation temporaire du domaine public de l'Etat, «les autorisations sont délivrées pour une durée maximale de dix années, qui pourra toutefois être portée exceptionnellement à vingt ans». Les constructions ne doivent pas être en dur, mais en matériaux démontables. Ce qui n'est pas le cas dans la réalité. 

«Profitant du manque de vigilance des autorités, la plupart des occupants transcendent largement les clauses fixées par l'autorisation tant au niveau de la durée, la superficie occupée, l’aménagement adopté ou les matériaux utilisés», explique  Mohamed Hamrani, juriste et militant associatif à Dar Bouazza, une région fortement touchée par le phénomène de l’occupation illégale du domaine public. La loi sur le domaine maritime est claire. Elle stipule que font partie de ce domaine le rivage de la mer jusqu'à la limite des plus hautes marées, ainsi qu'une zone de 6 mètres mesurée à partir de cette limite.

«De nombreux occupants ne respectent pas ces clauses, notamment les clubs privés qui s'accaparent des plages exclusives dont l’accès est interdit au public. Une fois le délai de l’autorisation dépassé, l’occupation du domaine public devient illégale. Le manque de contrôle des autorités incite les résidents à ne pas quitter les lieux et ne pas s’acquitter de la redevance à la commune. Cela fait perdre d'importantes recettes à l'Etat», poursuit Hamrani. Pour pallier ces dysfonctionnements, le gouvernement a adopté en 2021 le projet de loi n°03-19. Le nouveau texte a pour objectif de protéger suffisamment le domaine public. L’idée est d’accompagner l’essor socioéconomique du pays et de favoriser l’investissement. Les autorisations seront soumises à un cahier des charges bien précis, que ce soit pour la durée, l’activité exercée et son adéquation avec son environnement.

«Les constructions anarchiques en bord de mer dénaturent le paysage et ne sont d’aucune utilité pour la communauté locale ou l’Etat. Elles réduisent l’attrait des investisseurs», indique Hamrani. Le nouveau texte interdit toute occupation temporaire à usage d’habitat. Seuls les projets à caractère strictement économique ayant des effets majeurs sur la création de l’emploi sont autorisés. Les domaines les plus investis portent sur le tourisme, les loisirs et la pêche. Mais à la demande du chef du gouvernement, le parlement a retiré en janvier 2022 le projet de loi. L’exécutif veut que le texte soit plus précis, car il implique différents intervenants comme le ministère de l’Equipement, responsable du domaine public de l’Etat, et le ministère de l’Economie et Finances, qui supervise le domaine privé. Les collectivités territoriales ont, elles aussi, une grande part de responsabilité, puisque ce sont elles qui délivrent les autorisations. «La nouvelle mouture du projet doit être plus explicite et plus cohérente pour permettre à tous les intervenants d’assumer pleinement leurs responsabilités. Les opérations de démolition des constructions anarchiques ont été très critiquées par les citoyens, estimant qu’elles n’ont pas respecté la procédure», conclut Hamrani. 

 

 

 

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