Nouvelle loi sur la grève : Un compromis sera-t-il trouvé ?

Nouvelle loi sur la grève : Un compromis sera-t-il trouvé ?

 

Quelle que soit son origine, la grève fait subir à l’entreprise des pertes économiques importantes. Le projet de loi organique sur la grève fixe de nouvelles conditions et prévoit des amendes en cas d’infraction.

 

La Fête du travail est toujours une occasion pour revenir sur les acquis sociaux tout en pointant du doigt les zones d’ombre qui persistent. Par essence, le travail fait intervenir le salarié et l’employeur. En guise de riposte contre les droits non acquis, les travailleurs usent de la grève. Le recours à cette mesure a pour leitmotiv de faire pression sur l’employeur afin qu’il réponde favorablement à leurs revendications.

Toutefois, il est à signaler que dans sa détention économique, la grève perturbe le fonctionnement économique de l’entreprise, lui faisant ainsi subir des pertes matérielles considérables. Comme souligné dans la récente lettre du Centre marocain de conjoncture (CMC), les statistiques de l’Observatoire international de travail montrent que chaque année, plusieurs entreprises vulnérables déclarent faillite volontairement ou involontairement à cause des grèves de longue durée. Pis encore, plusieurs grandes villes ont perdu la moitié de leur tissu entrepreneurial, particulièrement dans le secteur industriel à cause des grèves.

A en croire, les chiffres publiés par le CMC élaborés à partir des données provenant du ministère de l’Emploi, la répartition des grèves déclenchées selon les professions et les branches d’activité économiques présente la configuration suivante : services (100 grèves et 78 établissements), industries (62 conflits et 45 établissements), agriculture (25 grèves et 23 établissements), BTP (18 grèves et 15 établissements), commerce (13 grèves et 11 établissements). Des chiffres qui en disent long sur le manque à gagner économique. D’où l’impérieuse nécessité de l’organisation du droit de grève pour éviter les dérapages qui pourraient nuire à toute une économie.

L’article 29 de la nouvelle Constitution de 2011, dans son deuxième paragraphe, stipule la nécessité de promulguer une loi organique pour définir les conditions d’exercice de ce droit de grève. En cause, les employeurs ont toujours considéré les anciens textes comme étant incomplets et caducs.

 

Haro sur les grèves infondées

 

La loi 97-15 sur la grève fixe les conditions pour l’organisation de ce moyen d'expression de différends au Maroc par les salariés et les devoirs des employeurs. «Elle prévoit des amendes en cas d’infraction», apprend-on dans le même texte. Et la question que se posent d’emblée les conjoncturistes est la suivante : la nouvelle loi sur la grève va-t-elle organiser durablement les relations du travail ?

Adopté le 28 juillet 2016 en Conseil de gouvernement, le projet de loi organique 97-15 sur la grève est une application de l’article 29 de la Constitution. Dans son article 5, la loi organique relative à la grève énonce que «tout appel à la grève en dehors des dispositions de cette loi organique est illégal» et que «sont interdites toutes les grèves qui ont des visées politiques». Ce nouveau texte fait ainsi le distinguo entre la grève et l’arrêt de travail illicite. Est donc strictement interdit tout arrêt du travail qui n’a pas pour objet la défense des revendications professionnelles.

Aussi, l’article 7 explique qu’on ne peut avoir recours à la grève qu’après avoir entamé des négociations sur le cahier revendicatif durant une période de 30 jours suivant la réception par l’employeur dudit cahier. La loi interdit également par son article 8 tout contrat qui oblige le salarié à renoncer à son droit de grève. Une exception est toutefois prévue dans une période déterminée dans le cas d’une convention collective, à condition qu’il y ait des dispositions qui prévoient le règlement des différends collectifs.

Le futur texte prévoit également la protection des salariés dans le cas de l’exercice de droit de grève. A ce titre, la loi prévoit dans son article 10 que l’employeur a l’interdiction d’embaucher des salariés remplaçant les grévistes pendant la période de grève. A moins que les salariés ne refusent de faire le service minimum dans certains secteurs fixés par l’article 34 comme les institutions sanitaires, les tribunaux, l’assainissement…

Cette nouvelle loi interdit également toute mesure discriminatoire qui peut avoir un impact sur la situation administrative et professionnelle des salariés grévistes.

L'autre volet important est celui relatif aux sanctions. A ce sujet, il est à noter l’absence de peines privatives de liberté au profit des amendes. Ces dernières varient entre 20.000 DH et 50.000 DH pour les employeurs qui entraveraient l’exercice du droit de grève selon les dispositions prévues par la loi, et entre 2.000 et 10.000 DH pour les salariés qui ne respectent pas les conditions d’organisation de la grève ainsi que d’autres dispositions prévues par la loi.

En dépit des améliorations, le patronat émet des réserves en ce qui concerne ledit projet. «Il clame l’obligation de donner un préavis de grève, le recours avant le déclenchement de la grève aux procédures de conciliation, de médiation ou d’arbitrage», notent les conjoncturistes. Mais cela n’empêche pas de dire que le nouveau texte, en dépit de quelques péripéties, se veut plus moderne et plus transparent que l’ancienne loi. ■

 

Par S. Es-siari

 

 

Articles qui pourraient vous intéresser

Jeudi 17 Octobre 2024

Loi de finances 2025 : les propositions de la CGEM pour soutenir la compétitivité des entreprises

Mercredi 15 Mai 2024

Marché de travail : comment l'IA change la donne pour la nouvelle génération

Vendredi 29 Mars 2024

Dialogue social: Akhannouch reçoit une délégation de la CGEM

Mardi 19 Decembre 2023

La CGEM, le Groupe AFD et l’UE s’allient pour valoriser l’entrepreneuriat des femmes en Afrique

L’Actu en continu

Hors-séries & Spéciaux