«Nous serions réconfortés si le marché ne reculait que de 30% d’ici la fin de l’année»

«Nous serions réconfortés si le marché ne reculait que de 30% d’ici la fin de l’année»

Face à la pandémie du coronavirus, le marché automobile paie un lourd tribut.

Youssef Touhami, directeur de la marque Volkswagen au Maroc, analyse pour Finances News Hebdo les conséquences de cette crise inédite sur le secteur et les moyens déployés par son groupe pour y faire face.

 

Propos recueillis par B. Zamani

 

Finances News Hebdo : Comment vous êtes-vous organisés pour maintenir l’activité commerciale en cette période d’état d’urgence sanitaire ?

Youssef Touhami : Pendant le confinement, il n’y a pas eu d’activité commerciale; nous avons par contre maintenu une permanence au niveau de notre service aprèsvente. Au début de cette période, il a fallu gérer l’angoisse du confinement, en préservant la santé mentale de nos équipes, car les humeurs changeaient constamment.

Nous avons essayé, du mieux qu’on pouvait, de rendre le climat moins anxiogène en accompagnant moralement et financièrement nos équipes. Nous avons maintenu tous les salaires, y compris ceux de nos intérimaires. Nous avons mis en place plusieurs séances interactives avec des coaches professionnels, des cours de sport pour nos collaborateurs et des activités ludiques pour leurs enfants. En effet, il a été primordial pour nous de leur montrer qu’ils faisaient partie intégrante de la famille Volkswagen.

Puis, il a fallu se préparer au post-confinement pour donner naissance à une nouvelle culture d’entreprise. Une suite à réinventer ensemble, que l’on soit manager ou managé. Dans une situation aussi atypique que celle que nous vivons, un manager doit accompagner, fédérer ses collaborateurs et innover pour accompagner le changement. Nous nous devions d’être plus agile, soutenir la prise d’initiative pour élaborer ensemble des solutions, en impliquant sans craintes toutes les équipes.

 

F.N.H. : Le mois de juillet a été marqué par une reprise du marché automobile par rapport aux 4 mois qui l’ont précédé. Pensez-vous que cette tendance va se poursuivre ?

Y. T. : C’est un rebond certes, mais il est encore trop tôt pour considérer cela comme une véritable reprise ou encore pour se projeter jusqu’à la fin d’année. Une partie des ventes faites provient d’un portefeuille client datant d’avant le confinement, et l’autre partie de ceux qui étaient en attente du Salon automobile prévu pour juin dernier.

Maintenant, est-ce que cette hausse va se poursuivre? Nous l’espérons en tout cas. Les choses évoluent tellement vite qu’il serait illusoire de faire un pronostic. Nous serions réconfortés si le marché ne reculait que de 30% d’ici la fin de l’année. N’oublions pas que la crise sanitaire n’a fait qu’accentuer la baisse du secteur.

On vient d’un marché qui a reculé de 9% en 2019, et qui était en phase de faire -5% à fin mars, si nous n’avions pas été confinés le 20 du même mois. Mais ce ne sont que des chiffres macro et ce n’est que la partie visible de l’Iceberg qui est relayée par tous les médias. Quand on fait une analyse par région, par segment et par prix, la lecture du marché est tout autre.

 

F.N.H. : Comment avez-vous accueilli la décision de limiter les importations automobiles ?

Y. T. : Il faut remettre les choses dans leur contexte. La décision a été prise lorsque nous venions d’être confinés. Ce n’était pas une mesure protectionniste, mais plutôt préventive à laquelle nous souscrivons pleinement. Je rappelle que la vente automobile n’est pas un commerce prioritaire en temps de crise.

L’Etat est dans son rôle de contrôler et préserver les réserves de change pour assurer à la population la disponibilité des produits de première nécessité. C’est une décision que nous avons parfaitement comprise. D'après les dernières annonces faites par Bank Al-Maghrib, les réserves de change se sont maintenues à un bon niveau, reflétant la baisse des exportations et des importations dans les mêmes proportions.

Le risque de limitation des importations est, semble-til, écarté pour le moment, mais nous restons vigilants. Avec un marché en baisse et un stock de véhicules important en prévision du salon automobile qui a été reporté, nous ne faisons aujourd’hui que des importations d’appoint.

 

F.N.H. : Concernant les ventes, quel est votre bilan des pertes cumulées jusqu’à présent ?

Y. T. : Elle est proportionnelle à la baisse du marché, même si nous tirons notre épingle du jeu mieux que d’autres. Notre objectif avec les équipes est de faire le maximum pour ne rater aucune vente. Ce qui est pris n’est plus à prendre. Nous restons conscients que nous ne sommes pas à l’abri d’un nouveau confinement. Malgré cela, nous continuons d’investir et de recruter, car nous croyons en l’avenir, et nous souhaitons nous préparer aux jours meilleurs. A titre d’exemple, nous avons ouvert au mois d’août un nouvel atelier au centre-ville de Casablanca pour nous rapprocher davantage de nos clients et les fidéliser. Une nouvelle structure, très moderne, a vu le jour à Marrakech, et d’autres suivront dans de nouvelles villes très prochainement.

 

F.N.H. : Les organismes de financement facilitent-ils le crédit automobile en ce moment ?

Y. T. : J’ai un avis mitigé sur la question. Ils sont frileux face à certaines catégories socioprofessionnelles qui sont les plus affectées par la crise, quand il faut justement les soutenir. Ils ont fait un léger effort pour accompagner le secteur, mais ce n’est pas encore suffisant.

Ils doivent être plus inventifs, en proposant des formules de financement beaucoup plus attractives avec un taux d’intérêt plus bas. Il y a encore un an, tout le monde avait facilement accès au crédit gratuit grâce aux ristournes raisonnables payées par les marques. Aujourd’hui, avec l’augmentation des taux d’intérêt appliqués, nous ne pouvons plus nous le permettre, au risque d’augmenter nos prix de vente.

 

F.N.H. : Enfin, quel rôle peut jouer le digital aujourd’hui pour développer l’activité commerciale ?

Y. T. : La crise covid-19 nous a fait prendre conscience de la nécessité d’accélérer encore plus le processus de digitalisation. Il est au cœur de toutes nos stratégies. Le digital nous permet une meilleure connaissance client à travers toute la data récoltée, qui nous permet de mieux adresser le client et d’améliorer la qualité de la relation entretenue avec lui. Il permet également l’acquisition de clients via la qualification et l’activation des leads, en orchestrant un tunnel de conversion qui vient alimenter notre force de vente.

Le digital permet également la rétention client. Nous pouvons engager et activer de manière proactive les clients ayant montré des signaux d’intention d’achat d’un nouveau véhicule. Une nouvelle posture du commerce automobile, plus agile, proactive dans l’accompagnement du client. Notre relation avec le client ne s’arrête pas à la livraison. Nous restons présents et nourrissons le lien tissé avec lui, en l’intégrant dans la grande communauté Volkswagen en créant le sentiment d’appartenance à la marque.

Pour avoir une expérience unifiée et assurer une stratégie basée sur le digital, mais aussi avec un contact physique qui est le Phygital, nous avons revu notre site Internet pour qu’il soit ergonomique, fluide et en faire un hub qui concentre toute l’information. Puis, nous avons reconsidéré le rôle de nos concessions et la manière de les positionner au sein de ce nouveau parcours d’achat très digitalisé. Le digital représente aujourd’hui un investissement en temps et argent, mais ses opportunités sont incommensurables.

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