Neutralité concurrentielle : «La réforme des EEP permettra d’éliminer toute discrimination entre les entreprises»

Neutralité concurrentielle : «La réforme des EEP permettra d’éliminer toute discrimination entre les entreprises»

En marge de la Conférence internationale sur la «Neutralité concurrentielle et l'accès au marché», Finances News Hebdo s’est entretenu avec Halima Bensouda, professeure de droit de la concurrence à l’Université Mohammed V de Rabat. Lors de cet échange, l’experte a mis en exergue les défis et les opportunités liés à la neutralité concurrentielle au Maroc.

 

Propos recueillis par M. Ait Ouaanna

Finances News Hebdo : Tout d'abord, en quoi la neutralité concurrentielle est-elle essentielle pour assurer un accès équitable au marché au Maroc ?

Halima Bensouda : La neutralité concurrentielle impose que toutes les entreprises, qu’elles soient publiques ou privées, soient soumises aux mêmes règles de concurrence. Ce principe garantit que toutes les entreprises soient assujetties aux mêmes normes, évitant ainsi tout traitement de faveur et favorisant une concurrence équitable, que ce soit en termes de réglementation, d’actionnariat ou en matière d’intervention de l’État sur le marché. L’objectif étant de préserver le fonctionnement normal du marché et de prévenir les distorsions, en vue de permettre au consommateur de profiter des bénéfices de la concurrence. Il s’agit notamment d’une offre plus diversifiée, de prix plus bas, en plus d’une meilleure qualité des biens et services. Pour défendre l’intérêt général, il est crucial de renforcer les règles qui soutiennent la neutralité concurrentielle.

 

F.N.H. : Comment le Maroc peutil renforcer la neutralité concurrentielle pour permettre aux PME et aux startups de mieux rivaliser avec les grandes entreprises et les entités publiques ?

H. B. : Le Maroc s’est toujours inscrit dans une volonté d’ouverture économique, avec une réglementation clairement favorable à la neutralité concurrentielle. Il dispose d’un cadre juridique robuste en matière de droit de la concurrence, garantissant ainsi une véritable démocratie économique sur le marché. Dès 2011, la Constitution a érigé la libre concurrence en principe constitutionnel, garantissant aux entreprises un marché équitable. La réforme des établissements et entreprises publics (EEP), actuellement en cours, va permettre de renforcer la neutralité concurrentielle, en éliminant toute discrimination entre entreprises. Le Conseil de la concurrence soutient activement ce processus, en s’assurant que les nouvelles lois soient en ligne avec les principes de neutralité concurrentielle. Bien que la libre concurrence soit le principe à appliquer, le droit de la concurrence n’est pas figé. Ce dernier admet certaines exemptions, mais sous conditions. En effet, ces exemptions doivent répondre, en l'occurrence, à des questions de développement durable, d’encouragement de la compétitivité des PME ou de préservation de l’emploi, et doivent avant tout bénéficier au consommateur. De même, le Conseil de la concurrence est obligatoirement consulté dans l’octroi des aides de l’Etat pour prévenir toute dérive vers les pratiques anticoncurrentielles.

 

F.N.H. : Pensez-vous que la neutralité concurrentielle pourrait renforcer la compétitivité du Maroc sur la scène internationale ?

H. B. : Forcément, des entreprises capables de rivaliser sur le marché national, en s’engageant dans une compétition saine avec les autres acteurs, notamment à travers le développement de stratégies novatrices, gagneront en robustesse et amélioreront la qualité de leurs produits, ce qui va leur permettre de s’imposer au niveau international. Cette compétitivité interne bénéficiera à l’ensemble de l’économie marocaine, en rendant le pays plus attractif et plus fort face aux défis mondiaux.

 

F.N.H. : Quelles sont vos recommandations pour faire du marché marocain un environnement plus équitable et accessible pour toutes les entreprises ?

H. B. : A mon sens, il est essentiel que les règles de concurrence soient véritablement mises en pratique et intégrées dans toutes les procédures, avec une application stricte. Le Conseil de la concurrence joue un rôle fondamental non seulement en sensibilisant, mais aussi en renforçant l’équité concurrentielle dans les marchés, et en sanctionnant les pratiques déloyales, en particulier dans des secteurs stratégiques pour le consommateur, comme par exemple celui des hydrocarbures. Une fois le principe de libre concurrence clairement établi grâce aux actions de sensibilisation, il est important de passer aux sanctions. Cette démarche ne doit pas se limiter au seul droit de la concurrence, mais doit également s’étendre à la bonne gouvernance dans son ensemble. La bonne gouvernance ne doit pas rester un simple discours; elle doit être concrètement intégrée dans les procédures appliquées par les décideurs et les acteurs opérationnels. Toute la chaîne doit être sensibilisée à l’importance de la gouvernance et aux règles de concurrence loyale.

 

 

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