Médiation conventionnelle : La mayonnaise prend… doucement

Médiation conventionnelle : La mayonnaise prend… doucement

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L’organisation du premier séminaire international de la médiation au Maroc a permis de faire le point sur le degré d’imprégnation de ce moyen alternatif de règlement de conflits.

Si de plus en plus d’entreprises, notamment de grande taille, inscrivent le recours à la médiation dans leurs contacts, du chemin reste à faire en matière de vulgarisation. Pour certains opérateurs, la mise en place de barèmes des frais de médiation par montant de litige est de nature à encourager les entreprises, notamment les petites et moyennes.

Du Médiateur du Royaume en passant par le médiateur bancaire ou celui du secteur des assurances ou encore celui de l’OCP, la médiation comme mode alternatif de règlement des conflits (MARC) est une culture qui s’instaure doucement dans les mœurs des Marocains. Et ils étaient tous présents au premier séminaire international de la médiation au Maroc, pour attester des quelques avancées de cet outil de résolution de litige. Le séminaire organisé par la Chambre française de commerce et de l’industrie du Maroc (CFCIM) était l’occasion de faire un tour d’horizon de l’évolution de la médiation depuis l’entrée en vigueur de la réforme du Code de procédure civile en 2007, d’autant que le Maroc ambitionne de devenir une plateforme régionale de médiation et d’arbitrage. Pourtant, la médiation est une pratique bien plus vieille au Maroc qu’on le croit, rappelle le médiateur du Royaume, Abdelaziz Benzakour : «Le Sultan Moulay Ismaïl siégeait en tant qu’ombudsman à Meknès où il réglait les différends entre usagers et fonctionnaires du Royaume. Et depuis le début de ce siècle, le législateur marocain a mis en place un cadre en parfait accord avec l’évolution de la société et des relations entre ses différentes parties». Cette évolution donnera naissance au Maroc à Diwan Al Madhalim qui a enregistré d’importants résultats dans la médiation entre usagers et secteur public, et ce jusqu’au 17 mars 2011, date à laquelle fut instaurée l’Institution de médiateur du Royaume, avec des modifications majeures à même de tenir compte des réalités nouvelles de la société marocaine et qui fut élevée au rang d’institution constitutionnelle. «Désormais, le champ d’action de cette institution a été élargi aux secteurs contrôlés financièrement par l’Etat, soit 300 organismes de plus. Aussi, les étrangers résidant ou ayant résidé au Maroc ont-ils la possibilité de saisir l’institution en cas de litiges avec l’administration ou le service public», relève le médiateur du Royaume. L’institution qu’il représente peut également s’autosaisir dans des cas où il est constaté qu’un usager, en conflit avec l’administration, ne recourt pas à la médiation par ignorance. De même que les députés peuvent lui transmettre les doléances des citoyens. Abdelaziz Benzakour a annoncé que l’institution du Médiateur du Royaume reçoit 10.000 plaintes par an, mais dont les trois quarts s’avèrent hors compétence de l’institution.

Médiation sectorielle, un bon relais de vulgarisation

Résoudre des conflits à l’amiable fait gagner du temps et de l’argent aux parties opposées dans un pays où les tribunaux croulent sous le poids des procès en cours, notamment d’ordre commercial. Ester en justice demande en effet beaucoup d’argent et de temps, en plus de tous les tracas administratifs que cela peut engendrer, tout en mettant un terme dans les pires conditions dans une relation commerciale entre deux parties. Or, la médiation permet en plus de gagner du temps, de poursuivre une relation commerciale entre opérateurs ou entre usagers et sociétés d’un secteur donné. D’où l’émergence de médiateurs dans des secteurs névralgiques comme le secteur bancaire, celui des assurances ou encore au sein de grandes entreprises (cas de l’OCP). Dans le monde entrepreneurial, on a enregistré la création du Centre de médiation et d’arbitrage de Casablanca, et ce depuis 2001. Ou encore le Centre de médiation pour l’entreprise (CME) créé par la CFCIM depuis 2012. Une expérience plutôt concluante, comme le souligne Jean-Marie Grosbois, le président de la Chambre : «75% des dossiers traités ont abouti à une solution amiable permettant ainsi la poursuite d’une relation commerciale apaisée. La médiation est un outil fiable dans la gestion des rapports commerciaux que nombreuses sont les sociétés adhérentes à notre chambre à mentionner dans leurs contrats le recours au CME en cas de litige». Avec 4.000 adhérents, la CFCIM, la Chambre française la plus importante sur le plan international, n’a de cesse de former des médiateurs, en partenariat avec le Centre de médiation et d’arbitrage de Paris, avec la mise en place d’un barème tarifaire bien étudié, pour inciter au recours à la médiation en cas de conflit. Et cette question de barème semble être parmi les inconnues qui empêchaient les entreprises à franchir le pas de la médiation, comme le souligne un jeune manager lors de ce séminaire : «Les frais d’un procès constituent un handicap pour une PME ou TPME, surtout lorsqu’elle est en conflit avec une grande entreprise, notamment étrangère. Et le fait d’avoir plus de visibilité sur les barème de la médiation est de nature à inciter les entrepreneurs à y recourir, car nous sommes tous sensibles à la question financière, en plus du gain du temps et de la préservation d’une relation commerciale». Sur ce même registre, il est important que certaines médiations soient gratuites, notamment dans le secteur bancaire lorsqu’il s’agit de médiation institutionnelle et dans le cadre de médiation conventionnelle pour les montants en litige inférieurs à un million de DH. Ce séminaire était également l’occasion de rappeler une énième fois que le recours à la médiation n’enlève en rien au droit des parties de recourir à l’arbitrage ou à la Justice une fois la procédure initiée n’a pas abouti à une solution amiable.

I. Bouhrara

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