Une forte délégation accompagne le Souverain en Russie pour booster les relations économiques entre les deux pays. Il s’agit de dessiner les contours d’une nouvelle coopération qui profitera au Maroc et à la Russie. Les conventions signées à l’occasion et la création d’un Conseil économique Maroc-Russie prédisent d’un avenir radieux. Il restera alors aux acteurs économiques le devoir de concrétiser les accords.
Diversifier ses partenaires économiques et commerciaux est désormais la devise du Maroc dans un contexte imprévisible et très mouvementé. L’incident récent avec notre premier partenaire économique, l’Union européenne, est une piqûre de rappel que l’avenir est désormais dans la diversification des partenaires et, surtout, des débouchés.
Chaque jour qui passe apporte son lot de surprises en termes de crises économiques et financières et les pays sont plus ou moins impactés selon des critères étroitement liés à la géopolitique.
Ainsi, au moment où nous mettions sous presse, une forte délégation économique accompagnait le Souverain en Russie pour booster et donner une nouvelle impulsion aux relations économiques entre les deux pays. Il s’agit de dessiner les contours d’une nouvelle coopération qui profitera au Maroc et à la Russie. Si, du côté marocain, les relations avec l’Union européenne sont aujourd’hui empreintes d’incertitudes et balayées par un vent glacial (voir www.financesnews.press.ma), il en est de même pour la Russie avec la Turquie, dont les relations sont très tendues. Ajoutons à cela que les deux pays (Maroc et Russie) sont des acteurs essentiels de la scène internationale, d’où l’intérêt d’une large coopération. «La visite officielle du Souverain à la Fédération de Russie est porteuse de retombées géostratégiques majeures pour la communauté internationale, notamment pour ce qui est des efforts nécessaires visant le maintien de la paix, le soutien aux transitions démocratiques et la promotion de la concorde internationale, autant d’éléments essentiels à la consolidation du respect mutuel et des intérêts bien compris des Etats aux plans bilatéral et multilatéral», informe l’influent magazine américain National Interest.
Sur le plan purement économique, les deux pays ont beaucoup à gagner dans la coopération dans l’énergie, l’industrie, l’agriculture, la pêche, le tourisme… Si l’on prend le secteur de l’énergie, par exemple, les entreprises russes pourraient s’intéresser au projet de gaz naturel liquéfié et leurs homologues marocaines pourraient bien compter sur les Russes pour concrétiser les projets relatifs aux énergies renouvelables. «Les deux pays expriment leur intention de renforcer, d’une manière active et continue, le dialogue bilatéral et d’élargir la coopération dans tous les domaines», souligne la «Déclaration sur le Partenariat stratégique approfondi entre la Fédération de Russie et le Royaume du Maroc».
Une large marge à exploiter
L’état actuel de la balance commerciale avec la Russie révèle que les atouts ne sont pas entièrement exploités et que des opportunités restent à saisir. Interrogé par nos soins, Jawad Kerdoudi, président de l’Institut marocain des relations internationales (IMRI), explique: «Les échanges commerciaux entre le Maroc et la Russie se sont élevés, en 2014, à 18 milliards de DH, dont 16,3 Mds de DH à l’import et 1,7 Mds de DH à l’export, d’où un déficit pour le Maroc de 14,6 Mds de DH. A l’import, ce sont les produits pétroliers qui constituent 80% du volume, suivis du souffre brut et des produits métallurgiques. A l’export, ce sont surtout les agrumes qui sont le produit-phare avec un peu de textile, liège, minerai de zinc. Cependant, alors que le marché russe absorbait 60% des exportations marocaines d’agrumes en 2013, ce pourcentage est tombé à 38% en 2014». Et d’ajouter : «Des opportunités à l’export marocain existent pour l’agroalimentaire (huile d’olive et conserves végétales), le textile, les phosphates et dérivés». Les principaux obstacles à l’export du Maroc sont la faible gamme des produits à exporter, la méconnaissance précise du marché russe, le risque de paiement, la valeur changeante du Rouble et l’opacité des contrôles douaniers et des mesures non tarifaires.
Aussi, les métiers mondiaux du Maroc pourraient également faire rebondir les exportations marocaines, notamment en ce qui concerne l’automobile, l’aéronautique et l’électronique. «Mais, il ne faut pas s’attendre à court terme à des résultats mirobolants. Aussi, faut-il se concentrer pour le moment sur l’agroalimentaire, le textile, le phosphate et ses dérivés», tient à rappeler J. Kerdoudi. Le tourisme russe constitue également une opportunité très importante pour le Maroc. Vu le différend entre la Russie et la Turquie et le crash de l’avion russe abattu à Charm El-Cheikh en Egypte, le Maroc pourrait devenir une destination privilégiée pour les touristes russes. Alors que le Royaume ne reçoit actuellement que 23.000 visiteurs russes par an, les prévisions peuvent atteindre 200.000 à moyen terme et 800.000 à long terme. «Pour parvenir à ces objectifs, il faut augmenter les vols directs Russie/Maroc, et multiplier les actions promotionnelles et les conventions avec les tours opérateurs russes», insiste le président de l’IMRI.
Les conventions signées à l’occasion et la création d’un Conseil économique Maroc-Russie laissent prédire que cette visite Royale est à même de booster les relations sur tous les aspects. Du fait qu’elles ne souffrent d’aucune animosité. «Il n’y a aucun contentieux entre les deux pays, puisque sur la question du Sahara, la Russie a toujours soutenu l’application de l’article 6, c’est-à-dire la solution négociée. La réussite de la visite est donc assurée. Il restera alors aux acteurs économiques le devoir de concrétiser les accords», rappelle Ahmed Charai, éditeur et membre du Conseil d'administration de plusieurs think tanks américains.
Partenariat entre Copragri et Glencore
Dans le cadre de la rencontre économique Maroc-Russie, la société Copragri, filiale de la Holding Anouar Invest, a signé un protocole d’accord avec la filiale russe de la multinationale Glencore, pour assurer un accès privilégié aux produits russes afin de répondre à la demande de la campagne 2016-2017.
Cet accord permettra à la société marocaine d’assurer l’approvisionnement du marché à des conditions préférentielles en céréales, fertilisants et aliments pour bétail d’origine russe. A noter que Glencore est un leader mondial de production intégrée de matières premières, ayant des activités dans l’ensemble de la chaîne de valeur des métaux et minéraux, énergie et produits agricoles.
Soubha Es-Siari