Le portefeuille actuel des projets financés par la Banque mondiale au Maroc est le plus dynamique de la région MENA.
Le projet de Registre social unique et le programme d’appui à la Commune de Casablanca sont deux projets susceptibles d’avoir un effet de levier important.
Marie Françoise Marie-Nelly, Directrice des opérations pour le Maghreb et Malte au sein de la Banque mondiale, revient sur les actions menées au Maroc ainsi que sur les grandes lignes du nouveau cadre de partenariat entre le Maroc et la Banque mondiale pour la période 2019-2024.
Finances News Hebdo : La Banque mondiale (BM) dispose d'un portefeuille de projets au Maroc estimé à 2 milliards de dollars. En termes de répartition, quels sont les secteurs que couvre l'intervention de la Banque mondiale ?
Marie Françoise Marie-Nelly : Comme vous le savez, les interventions de la Banque mondiale s’intègrent dans une stratégie-pays que nous appelons Cadre de partenariat stratégique (CPF) et qui définit les axes autour desquels s’articule l’appui du Groupe de la Banque mondiale pour répondre aux priorités de développement des pays que nous servons.
Le Maroc a su optimiser tous les outils dont dispose le Groupe Banque mondiale car il bénéficie en plus des concours financiers, de l’expertise globale et de l’assistance technique que nous mettons à sa disposition. Ceci lui permet de capter les meilleures expériences internationales mais aussi de faire connaître ses expériences réussies notamment dans l’énergie solaire.
S’agissant du portefeuille actuel de projets financés par la Banque mondiale au Maroc, il est l’un des plus dynamiques et des plus diversifiés de la région MENA. Ainsi, nous intervenons dans trois grands domaines, à savoir celui du développement des infrastructures, de l’agriculture et des services de base (eau, routes rurales et énergie solaire) et la gestion des risques, celui du développement humain avec un accent sur l’amélioration des services de santé primaire et des dispositifs de protection sociale et enfin dans les questions macroéconomiques, l’amélioration des systèmes financiers et la gouvernance/développement local. Ces projets sont très innovants et ont l’ambition de répondre à des problématiques de développement complexes.
Répartition sectorielle du portefeuille actif de la Banque mondiale au Maroc au titre de l’année fiscale en cours
F.N.H. : Pouvez-vous nous présenter quelques-unes de vos opérations-phares qui accompagnent les efforts de transformation du gouvernement et peuvent avoir un effet de levier important ?
M. F. M. : Tout d’abord, je mentionnerais le projet de développement des systèmes d’identification et de ciblage pour la protection sociale qui vise à mettre en place un registre national de la population et un registre social afin d’améliorer le ciblage des ménages les plus vulnérables et rendre les programmes de protection sociale plus efficients. Dans le cadre de ce programme, nous avons fait appel aux expériences internationales de pointe dans le domaine de l’identification numérique, notamment l’expérience pionnière de l’Inde et avons mobilisé une assistance technique multisectorielle au sein de notre institution pour répondre aux autorités qui souhaitaient un programme adapté au contexte national. Avec le registre national biométrique, le Maroc va se doter d’un outil transformateur qui lui permettra de simplifier l’accès des citoyens à des services digitaux.
Le programme d’appui à la Commune de Casablanca est un autre programme important. Il vise à aider la ville dans la modernisation de sa gestion des finances publiques notamment à travers l’augmentation des revenus mais aussi l’extension des services de base aux zones périurbaines et l’amélioration de l’environnement des affaires. L’idée est de pouvoir étendre cette approche novatrice aux autres villes du Maroc. Le mot clé à retenir ici est l’efficience : comment accroître l’efficience des services publics, comment rationaliser les dépenses et les revenus et comment renforcer la transparence dans la gestion des fonds publics ? Des questions qui sont au cœur des préoccupations du Maroc qui veut accélérer l’important chantier de la régionalisation, qui requiert une architecture solide pour répondre aux exigences d’un développement territorial inclusif et redevable.
En somme, je dirais que notre portefeuille s’inscrit dans une logique d’intégration qui vise à apporter des réponses à des problématiques de développement complexes, et susceptibles d’être répliquées facilement.
F.N.H. : Quelles sont les grandes lignes du nouveau cadre de partenariat entre le Maroc et la Banque mondiale ?
M. F. M. : Nous préparons actuellement, en étroite collaboration avec le gouvernement et d’autres acteurs clés, y compris le secteur privé, le nouveau Cadre de partenariat pour la période 2019-2024. Nous voulons bâtir sur les acquis de la période précédente mais souhaitons nous adapter pour d’une part, aller plus en profondeur pour mieux traiter les défis auxquels le pays fait face aujourd’hui comme celui de l’emploi et d’autre part, être ambitieux dans la mise au point de programmes avec un effet de transformation important.
Trois axes principaux se sont dégagés de nos discussions avec le gouvernement. Ils correspondent aux priorités de développement du gouvernement et aux domaines dans lesquels la Banque mondiale apporte une grande valeur ajoutée. Il s’agit d’abord de redynamiser la croissance qui a connu une tendance baissière au cours des dernières années et mettre l’accent sur la création d’emplois avec une attention particulière sur les jeunes ; ensuite d’aider le capital humain; et enfin de promouvoir un développement territorial inclusif, durable et résilient.
La gouvernance et l’engagement citoyen ont été considérés comme un élément essentiel pour une transformation durable et constituent de ce fait un thème fondateur de notre engagement au Maroc. Enfin, la préparation du Maroc à l’économie numérique et le genre ont été identifiés comme des axes transversaux qui seront pris en compte dans l’ensemble de nos programmes d’appui. Au moment où l’impact des ruptures technologiques se fait de plus en plus sentir dans la vie économique et sociale, il est important que le Maroc se prépare à ces grandes mutations qui constituent un levier d’efficience et de création d’emplois.
F.N.H. : Une unité d'appui à la mise en œuvre des projets de la Banque mondiale au Maroc a été mise en place en coordination avec les ministères des Affaires générales et de la Gouvernance et celui de l'Economie et des Finances. Quelles seront les missions de cette unité ?
M. F. M. : Comme vous l’avez indiqué, le portefeuille actuel s'élève à environ 2 milliards de dollars. Il s’agit d’un portefeuille jeune avec un âge moyen de deux ans et demi et un taux de décaissement de l’ordre de 40%.
Pour accélérer le rythme de mise en œuvre, nous avons mis en place, avec l’appui du ministère des Affaires générales et de la Gouvernance et du ministère de l’Economie et des Finances, une unité d’appui à la mise œuvre des projets de la Banque mondiale au Maroc. Nous nous réunissons à intervalles réguliers pour faire le point sur l’état d’avancement des programmes et les indicateurs de performance des projets et nous tentons de désamorcer les problèmes qui bloquent la mise en œuvre. Nous sommes heureux de voir que la mise en place de cette unité a porté ses fruits. En effet, le rythme de mise en œuvre des programmes s’est nettement accéléré, se traduisant par un taux de décaissement de 20% au cours de ces deux dernières années, contre 13% il y a trois ans. L’objectif étant bien sûr de respecter les délais de mise en œuvre des réformes et des investissements nécessaires pour le succès de nos projets sur le terrain. ■
Propos recueillis par Lilia Habboul