Le Maroc s’apprête à enfi ler les crampons pour un marathon d’évènements sportifs de haut vol. Avec la Coupe d’Afrique des nations 2025 et la coorganisation de la Coupe du monde 2030, le Royaume n’est pas simplement en train de préparer des stades : il bâtit son futur. Et si le ballon rond pouvait réellement transformer le Maroc ?
Organiser des événements sportifs de l’ampleur d’une Coupe d’Afrique et d’une Coupe du monde, ça coûte cher, mais ça laisse des souvenirs impérissables. Les investissements marocains pour ces deux compétitions s’élèveront entre 50 et 60 milliards de dirhams, répartis entre infrastructures sportives, transport, hébergements et santé. Parmi ces investissements, la construction du Grand Stade Hassan II à Casablanca et l’extension du réseau de train à grande vitesse (Al Boraq) entre Casablanca et Agadir, pour un coût estimé à 5 milliards de dollars, illustrent l’ambition du Royaume.
Certains crieront au gaspillage, mais les chiffres font taire les critiques. Selon un document de l’Observatoire du travail gouvernemental et d’Al-Hayat Center, il est prévu que la Coupe du monde 2030 générera une hausse du PIB national de 0,5 à 1% par an, soit environ 3 à 4 milliards de dollars pour la seule année de l’événement. Avec 1,5 million de visiteurs supplémentaires attendus, les recettes touristiques additionnelles pourraient varier entre 2 et 3 milliards de dollars pendant et après l’événement.
Ce chiffre repose sur les dépenses moyennes prévues des touristes, estimées entre 1.000 et 2.000 dollars par visiteur, incluant l’hébergement, la restauration, les déplacements, le shopping et les loisirs, souligne le document. Qui estime, de plus, les revenus des droits de diffusion télévisée et des parrainages à plus de 3 milliards de dollars. Au total, la même source estime les revenus financiers directs et indirects de cet événement entre 8 et 10 milliards de dollars, comprenant les recettes touristiques, les investissements étrangers, les droits de diffusion et les partenariats commerciaux. Bref, quand on joue bien ses cartes, même un budget pharaonique devient un investissement rentable.
Le secteur privé dans les starting-blocks
Le grand gagnant de cette effervescence ? Le secteur privé, évidemment. Les banques financent à tout-va, les entreprises de construction voient leurs carnets de commandes exploser et le secteur des télécommunications accélère son virage vers la 5G. Les chaînes d’hôtels, elles, préparent leurs meilleurs draps pour accueillir des hordes de supporters. Par ailleurs, des investissements dans les soins de santé (estimées à 2 milliards de dollars) et le développement de l’infrastructure de transport (1,5 milliard de dollars) renforceront les infrastructures sociales du pays, fait savoir la même source. Mais il ne s’agit pas seulement de construire. Ces événements poussent à une modernisation générale de l’économie marocaine. Car, avec ces compétitions, le Maroc aura le monde à ses pieds. Littéralement. En 2022, l’épopée des Lions de l’Atlas au Qatar a déjà prouvé l’effet d’un succès sportif sur le tourisme.
Plus de 13 millions de visiteurs ont foulé le sol marocain en 2023, séduits autant par les prouesses sportives que par l’image d’un Maroc moderne, accueillant et fier de son patrimoine. Alors que dire de l’impact d’un Mondial organisé en partie en terre chérifienne ? Les supporters européens, habitués à traverser la Méditerranée pour leurs vacances, n’auront qu’un petit pas à faire pour venir soutenir leurs équipes. Et si l’on en croit les projections, les retombées touristiques ne se limiteront pas à 2030. Elles s’étendront sur une bonne décennie, grâce à la mise en lumière du patrimoine marocain et à une promotion culturelle et digitale innovante.
Sur le plan diplomatique, le sport a toujours été un outil de soft power, mais pour le Maroc, la Coupe du monde 2030 sera une véritable masterclass en la matière. Co-organiser cet événement avec l’Espagne et le Portugal, c’est bien plus qu’une affaire de football. C’est un symbole d’unité entre deux continents, un dialogue entre civilisations et une démonstration de l’ouverture du Maroc sur le monde. Au-delà des matchs, ce sera l’occasion de renforcer les partenariats économiques et diplomatiques.
Et après 2030, on fait quoi ?
Après 2030, que restera-t-il de ces investissements colossaux ? C’est la grande question. Si l’histoire nous a appris quelque chose, c’est qu’organiser un événement d’envergure mondiale peut être une bénédiction… ou un fardeau. Tout dépend de ce qu’on en fait après. Pour éviter que les stades flambant neufs ne se transforment en éléphants blancs, le Maroc devra s’assurer de leur utilisation à long terme. Tournois internationaux, spectacles culturels, formations sportives : les possibilités sont nombreuses, à condition d’avoir une gestion visionnaire et efficace. Et ce n’est pas tout. L’aprèsMondial doit aussi être l’occasion de réfléchir à l’économie du sport au Maroc.
Les clubs, souvent gérés de façon associative, doivent évoluer vers des structures plus professionnelles et autonomes. Si le football marocain veut rivaliser sur la scène internationale, il devra adopter des standards de gouvernance modernes, basés sur la performance et la transparence. Alors, que restera-t-il de ces compétitions une fois le dernier coup de sifflet donné ? Bien plus qu’une succession de matchs. Ce seront des souvenirs gravés dans la mémoire collective, une fierté nationale ravivée et, surtout, un Maroc transformé.